Poussée de Marine Le Pen: un changement de fond dans l’opinion publique française?

La députée d'extrême droite française du Rassemblement national (RN) et candidate à la présidentielle Marine Le Pen prend la parole lors d'un rassemblement électoral à Perpignan, le 7 avril 2022 (Photo, AFP).
La députée d'extrême droite française du Rassemblement national (RN) et candidate à la présidentielle Marine Le Pen prend la parole lors d'un rassemblement électoral à Perpignan, le 7 avril 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 10 avril 2022

Poussée de Marine Le Pen: un changement de fond dans l’opinion publique française?

  • Le Pen «a procédé à un très bon changement d’image, a su se rendre plus sympathique et a surfé sur la pouvoir d’achat, devenu le thème central de la campagne», affirme Gaspard Gantzer
  • Une nouvelle donne va émerger des élections avec ce que le politologue Roland Cayrol appelle «des progressistes modernistes qui veulent aller de l’avant, et des souverainistes réticents au changement»

PARIS: Après un début en fanfare sous l’impulsion du candidat du parti Reconquête, Éric Zemmour, la campagne présidentielle française touche à sa fin dans un climat de lassitude.

Avant même d’avoir officialisé sa candidature à la succession d’Emmanuel Macron, Zemmour avait enflammé les esprits et mis en émoi les médias en abordant de manière crue des questions telles que l’islam et l’identité. Le «grand remplacement», thème repris par l’essayiste et chroniqueur, a été son thème de prédilection, car pour lui, il y a péril en la demeure.

La France n’a-t-il cessé d’asséner, est menacée de «libanisation», d’une «guerre civile imminente», et il serait le seul à même de pouvoir lui éviter ce sort. S’il n’était pas élu, a-t-il déclaré au Figaro, «la France ne sera plus bientôt la France, elle s’appellera toujours France, Mais sera devenue un pays à majorité musulmane, africaine», un pays appartenant à une autre civilisation.

Relayant intensément ces propos xénophobes, les médias français ont laissé croire un certain temps qu’ils domineraient les débats de cette présidentielle. Mais au fil des semaines, la mécanique du candidat populiste s’est enrayée. Alors que la campagne présidentielle touche à sa fin, Zemmour n’apparaît qu’en quatrième ou cinquième position parmi les douze candidats.

Il est de plus en plus probable que le duel présidentiel se déroule entre le président sortant et la candidate du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, contredisant les pronostics qui lui étaient unanimement défavorables ces derniers mois. Cet inversement de tendance est-il contextuel, ou bien est-il le fruit d’un changement de fond dans l’opinion publique française?

Roland Cayrol, éminent politologue directeur de recherche associé à Sciences Po, explique à Arab News en français que cette évolution de taille est liée à la campagne de chacun des deux candidats. Ils ont beau être les deux facettes d’une même pièce, Le Pen, soutient Cayrol, «a mené sa campagne avec calme». «Elle n’a pas été ébranlée par la candidature de Zemmour, et la candidate a joué la proximité», soutient-il.

Tout au long de sa campagne, Marine Le Pen s’est adressée aux catégories populaires. «Elle figure en première place chez les ouvriers, les employés et les chômeurs», affirme Cayrol, soulignant que c’est un électorat issu de la gauche. Par ailleurs, elle a eu l’audace de se positionner en antagoniste de Zemmour, jouant un jeu subtil, assurant qu’elle n’était pas contre l’islam mais contre l’islamisme radical. Pour Cayrol, elle a donné «un visage plus souriant à son hostilité continue à l’immigration», prenant le risque d’y perdre en popularité.

Puis la guerre en Ukraine est venue percuter la campagne, déjà fortement impactée par la pandémie de Covid-19. Les thématiques poussées par la droite populiste se sont estompées, cédant la place au pouvoir d’achat, thème duquel Le Pen s’est vite emparée. Ce thème mis en évidence par les enquêtes d’opinion s’est amplifié avec les récentes augmentations des prix des denrées alimentaires du carburant et de l’énergie. «Le Pen s’est concentrée sur le souci essentiel de sa base électorale, le portefeuille, voire même la survie dans certains cas», indique le politologue. 

Le conseiller de l’ancien président français, François Hollande, et actuel président de Gantzer agency (communication), Gaspard Gantzer, estime que cette modification de la campagne présidentielle «est totalement contextuelle» et «n’augure pas d’un changement de l’opinion».

La campagne, indique-t-il, était centrée sur des sujets sanitaires, puis sur des questions diplomatiques, et enfin sur le pouvoir d’achat. «On a vu Zemmour pousser beaucoup sur les sujets identitaires et migratoires sans réussir à les imposer dans l’agenda politique». Le Pen, pour sa part, «a procédé à un très bon changement d’image, elle a su se rendre plus sympathique et a surtout su s’accrocher et surfer sur le pouvoir d’achat, devenu le thème central de la campagne», affirme-t-il. 

Cayrol tout comme Gantzer s’accordent sur le fait que Zemmour a payé cher son penchant pour le président russe, Vladimir Poutine, allant jusqu’à affirmer avec un grand entêtement qu’une agression en Ukraine n’aurait pas lieu. Il s’est ainsi décrédibilisé auprès d’une large partie de son électorat qui est partie chez Le Pen, assure Cayrol.

Pour sa part, Macron, malgré «une campagne assez moyenne», selon Gantzer, s’est maintenu en pôle position, parce qu’il «constitue le plus petit dénominateur commun». Cayrol plus indulgent avec le président, considère que «de nombreux Français ont une opinion positive de lui en raison de sa gestion des crises successives»: les Gilets jaunes, la pandémie et le conflit ukrainien.

En attendant les résultats du scrutin considérés comme excessivement serrés, surtout au second tour, Gantzer estime que les élections sonnent le glas d’une époque politique. «Les partis politiques traditionnels seront définitivement rayés de la carte, après le parti socialiste, le parti de droite Les Républicains va disparaître. Il ne restera que Macron face aux populistes», analyse-t-il avec un brin d’amertume.

Faisant un constat similaire sur la disparition des forces politiques traditionnelles, Cayrol estime qu’il s’agit là d’une fin normale pour «la gauche et la droite, qui ont gouverné le pays près de cinquante ans, et dont les vieux conflits ne sont plus actuels parce que les programmes des uns et des autres ont été atteints». C’est une nouvelle donne qui va émerger des élections avec ce que Cayrol appelle «des progressistes modernistes qui veulent aller de l’avant, et des souverainistes réticents au changement».


Lutte contre le narcotrafic: le Conseil d'Etat suggère quelques modifications aux amendements de Darmanin

Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence. (AFP)
Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence. (AFP)
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  • La haute juridiction administrative avait été saisie pour avis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à l'origine de ces deux amendements
  • Le premier prévoit de créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée en prison, dans lesquels seraient affectées les personnes issues de la criminalité organisée les plus dangereuses, sur décision du garde des Sceaux

PARIS: Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence.

La haute juridiction administrative avait été saisie pour avis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à l'origine de ces deux amendements.

Le premier prévoit de créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée en prison, dans lesquels seraient affectées les personnes issues de la criminalité organisée les plus dangereuses, sur décision du garde des Sceaux et pour une durée de quatre ans renouvelable.

Le régime qui y serait appliqué prévoit des fouilles intégrales systématiques, des parloirs hygiaphones, une interdiction d'accès aux unités de vie familiale et parloirs familiaux, ou encore une restriction de l'accès au téléphone.

Des dispositions très strictes jugées liberticides par plusieurs observateurs.

Dans son avis rendu jeudi et consulté vendredi par l'AFP, le Conseil d'Etat estime que pour remédier aux "risques d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité", "plusieurs aspects du régime doivent être aménagés". Il recommande, par ailleurs, certaines "améliorations rédactionnelles".

En particulier, il considère que la durée d'affectation fixée à quatre ans n'est "pas proportionnée" et estime qu'une durée de deux ans, renouvelable sous conditions, est "préférable".

Concernant les parloirs hygiaphones et la restriction de l'accès au téléphone, il juge que ces dispositions sont conformes aux exigences constitutionnelles. Sur les visites, il suggère toutefois au gouvernement d'examiner notamment l'opportunité d'introduire une "possibilité d'aménagement pour répondre à des circonstances familiales exceptionnelles".

Sur les restrictions des appels téléphoniques, la haute juridiction estime qu'elles ne doivent pas s'appliquer aux échanges entre les détenus et leurs avocats.

Concernant la généralisation de la visioconférence dans les informations judiciaires, destinée à éviter les extractions judiciaires et donc le risque d'évasion des détenus, le Conseil d'Etat suggère de limiter ce dispositif "aux seules personnes détenues ayant fait l'objet d'une décision d'affectation au sein d'un quartier de lutte contre la criminalité organisée, ce qui devrait concerner, selon le gouvernement, 800 personnes au maximum à terme".

La haute juridiction appelle, par ailleurs, le gouvernement à "déployer les moyens suffisants pour s'assurer que les moyens de télécommunications audiovisuelles" mis en oeuvre permettent de garantir les droits de la défense.


Nucléaire: Macron fera lundi un point d'étape des projets de petits réacteurs innovants

Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse. (AFP)
Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse. (AFP)
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  • Celle-ci, lundi matin, doit faire un "point d'étape important" sur les "petits réacteurs innovants", aussi appelés SMR ("small modular reactors") ou AMR ("advanced modular reactors"), a précisé l'Elysée
  • Mais plus d'une dizaine de projets ont émergé, avec des "technologies extrêmement variées", créant une "vraie dynamique", s'est félicitée la présidence

PARIS: Emmanuel Macron présidera lundi un conseil de politique nucléaire qui se penchera sur les projets de petits réacteurs innovants, pour "concentrer" le soutien de l'Etat sur "les plus prometteurs", ainsi que sur l'approvisionnement en uranium dans un contexte mondial de retour en grâce de l'atome, a annoncé vendredi l'Elysée à la presse.

Il s'agira de la quatrième réunion de ce genre depuis le discours du président fin 2022 à Belfort, qui avait fait du nucléaire, une énergie bas carbone, un axe majeur de la politique énergétique française pour réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique.

Celle-ci, lundi matin, doit faire un "point d'étape important" sur les "petits réacteurs innovants", aussi appelés SMR ("small modular reactors") ou AMR ("advanced modular reactors"), a précisé l'Elysée. Le chef de l'Etat veut en faire un pilier de sa stratégie et a fixé l'objectif d'en avoir deux en France à l'horizon 2030.

Mais plus d'une dizaine de projets ont émergé, avec des "technologies extrêmement variées", créant une "vraie dynamique", s'est félicitée la présidence.

Sur la base des expertises des derniers mois, au sujet des contraintes en matière de combustibles ou des sites d'implantation, le conseil va étudier les "projets le plus prometteurs", "qui ont le plus de chances d'arriver rapidement et d'avoir le meilleur effet d'entraînement", a expliqué un conseiller de M. Macron. Objectif: "concentrer" sur ces projets le soutien financier de l'Etat.

La réunion doit aussi permettre une "rapide revue" du programme de construction de six nouveaux gros réacteurs EPR2, en vue de "lancer assez rapidement" les discussions sur le plan de financement avec la Commission européenne. L'Elysée a relevé que Bruxelles avait validé le financement de la centrale tchèque de Dukovany essentiellement par un prêt de l'Etat à taux zéro, semblant y voir une source d'inspiration.

Enfin, le conseil doit analyser les "tensions importantes" sur la demande d'uranium, combustible des réacteurs nucléaires, en raison de la dynamique de cette filière.

"Les principaux fournisseurs d'uranium au monde aujourd'hui sont au Canada, en Afrique et en Asie centrale", et "il est important de donner les moyens aux entreprises du secteur français et notamment à Orano (ex-Areva) de poursuivre une politique qui garantisse l'approvisionnement en uranium du pays", a affirmé la présidence. "On a des stocks", mais il faut "se donner de la visibilité sur dix, vingt ou trente ans" pour "garantir la souveraineté de l'ensemble de la filière", a-t-elle fait valoir.


Un collectif de binationaux déplore de devoir «sans cesse prouver leur appartenance» à la France

Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne. (AFP)
Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne. (AFP)
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  • Fin février, le Premier ministre français François Bayrou a menacé de "dénoncer" l'accord de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France, si l'Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière
  • Le dirigeant centriste a par ailleurs évoqué la nécessité début février d'un large débat sur ce que "c'est qu'être Français"

PARIS: Un collectif de binationaux, parmi lesquels le recteur de la Grande mosquée de Paris, déplore les débats "normalisant l'idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance" à la nation, dans une tribune publiée vendredi dans le quotidien Le Monde.

"Aujourd'hui, des voix s'élèvent pour faire de l'identité une forteresse (...) Ces voix ne sont pas seulement celles de l'extrême droite ; elles s'infiltrent insidieusement dans le discours public, normalisant l'idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d'autres en seraient les dépositaires naturels", écrit cette vingtaine de personnalités, pour la plupart franco-algériennes, en pleine crise diplomatique entre Alger et la France.

"Les polémiques autour de l'immigration, de la laïcité, de l'identité nationale ne cessent de nous rappeler que notre présence dérange, que nos noms, nos visages, nos traditions sont perçus comme des fissures dans l'unité du pays", écrivent les signataires, parmi lesquels les ex-ministres Fadila Khattabi et Tokia Saïfi.

Fin février, le Premier ministre français François Bayrou a menacé de "dénoncer" l'accord de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France, si l'Algérie ne reprenait pas ses ressortissants en situation irrégulière.

Le dirigeant centriste a par ailleurs évoqué la nécessité début février d'un large débat sur ce que "c'est qu'être Français".

"Devons-nous, pour être pleinement français, renier nos origines (...) ? Devons-nous nous soumettre à un patriotisme d'exclusion, à une fraternité à géométrie variable, où nous serions toujours les derniers invités ? Non", s'insurgent les auteurs de la tribune signée par des médecins, avocats, recteurs ou responsables du monde associatif. "Notre identité n’est pas un fardeau, mais une richesse".

Il y a une dizaine de jours, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, avait déjà dénoncé les "faiseurs de peurs" qui nourrissent "une éternelle mise en procès" de l'immigration algérienne.