ISLAMABAD, Pakistan : Les parlementaires pakistanais se sont violemment interpellés samedi à l'ouverture de la session qui devrait voir le Premier ministre Imran Khan être renversé par une motion de censure.
Le président de l'Assemblée nationale a ajourné au début d'après-midi la séance, après 30 minutes d'échanges orageux.
Les députés devraient voter la défiance à l'égard de M. Khan, qui n'était pas présent. Certains de ses alliés dans la coalition au pouvoir ont fait défection et des membres de son propre parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), ont annoncé qu'ils soutiendraient la motion.
L'opposition disposerait au minimum de 177 voix, quand 172 sont requises pour obtenir la majorité et renverser le gouvernement.
Aucun vote de confiance pour confirmer le nom d'un nouveau Premier ministre n'est encore au programme de la session de samedi, mais cela pourrait changer à la dernière minute.
Shehbaz Sharif, le leader de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) et frère cadet de Nawaz Sharif, qui fut trois fois Premier ministre, est pressenti pour occuper le poste.
La tension a monté dans la matinée quand Shehbaz Sharif a demandé à ce que le vote ait lieu sans attendre. «Vous mènerez la procédure à l'Assemblée en conformité avec le jugement de la Cour suprême», a-t-il exigé, furieux.
«C'est mon devoir» de défendre la position du gouvernement, a répliqué le ministre des affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, en affirmant que le gouvernement faisait face à la motion de censure «dans le respect de la loi et la Constitution».
«Ingérence étrangère»
Vendredi soir, M. Khan avait assuré dans une adresse à la Nation avoir «accepté le jugement de la Cour suprême», qui a mené à la tenue de ce vote sur la motion de censure. Mais il a répété ses accusations des derniers jours selon lesquelles il aurait été la victime d'une conspiration ourdie par les États-Unis.
L'ancienne star du cricket a appelé ses partisans à manifester dans le calme dimanche et affirmé qu'il «n'accepterait pas» le nouveau gouvernement.
La capitale Islamabad était placée samedi sous très forte sécurité, des milliers de policiers patrouillant les rues et des conteneurs empêchant l'accès à la zone où sont situés les principaux bâtiments administratifs.
La Cour a considéré que M. Khan et ses soutiens avaient agi illégalement en refusant dimanche dernier de soumettre la motion de censure au vote, au motif qu'elle résultait d'une «ingérence étrangère», et en décidant de dissoudre l'Assemblée, ce qui ouvrait la voie à des élections anticipées sous trois mois.
La plus haute instance judiciaire du pays a ordonné que l'Assemblée soit restaurée et que le vote sur la motion de censure ait lieu.
Imran Khan, 69 ans, qui s'était fait élire en 2018 en profitant de la lassitude des électeurs à l'égard de la PML-N et du Parti du peuple pakistanais (PPP), les deux partis qui ont dominé avec l'armée la vie politique nationale pendant des décennies, s'en est violemment pris à eux ces derniers jours.
Il les a accusés de trahison, pour avoir selon lui intrigué avec les Etats-Unis afin d'obtenir son départ. Washington a nié toute implication.
Calendrier électoral
A l'en croire, les États-Unis, déjà offusqués par ses critiques répétées à l'encontre de la politique américaine en Irak ou en Afghanistan, ont été ulcérés par sa visite à Moscou le jour même du déclenchement de la guerre en Ukraine.
Quel que soit le nom du successeur d'Imran Khan, une lourde tâche l'attend. Les défis sont nombreux, à commencer par le redressement d'une économie caractérisée par une inflation élevée, une roupie en dépréciation constante et une dette préoccupante.
La sécurité se dégrade également. Galvanisés par l'arrivée au pouvoir des talibans en août en Afghanistan, les talibans pakistanais du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) ont multiplié les attaques ces derniers mois.
L'opposition s'était par le passé dite favorable à des élections anticipées, mais seulement après qu'elle ait obtenu le départ de M. Khan.
Ces élections doivent être convoquées d'ici octobre 2023. Mais une fois au pouvoir, l'opposition sera en mesure de fixer son propre calendrier électoral, et aussi d'influer sur une série d'affaires ouvertes à son encontre sous le gouvernement Khan.
La Commission électorale estime qu'il lui faudra au moins sept mois pour être prête à organiser une élection, selon les médias pakistanais.
Le Pakistan, une république islamique de 220 millions d'habitants dotée de l'arme nucléaire, est habitué aux crises politiques. Le pays a passé plus de trois décennies sous un régime militaire et aucun Premier ministre n'est jamais allé au bout de son mandat depuis l'indépendance en 1947.
L'armée, clé du pouvoir politique, qui avait été accusée de soutenir M. Khan en 2018, n'est pas publiquement intervenue ces derniers jours.