PARIS: Jean-Luc Mélenchon espère continuer à grappiller les voix de ses concurrents à gauche au nom du "vote efficace" pour se hisser au second tour de la présidentielle, mais cela reste une gageure au regard des hésitations des électeurs de gauche.
"Un autre second tour est possible" qu'un remake du duel Macron-Le Pen: c'est ce message que le tribun tente de faire passer aux électeurs de gauche, en écho à son slogan officiel "Un autre monde est possible".
Jean-Luc Mélenchon est allé, dimanche à Toulouse, jusqu'à se proposer en "compromis", mot qu'il emploie rarement, pour qualifier la gauche et battre les favoris. Il appelle aussi régulièrement à "faire barrage" à l'extrême droite dès le premier tour.
Son directeur de campagne Manuel Bompard estime que la progression constante du candidat depuis janvier, jusqu'autour de 15% des intentions de vote, provient surtout de la participation en hausse. Car les autres candidats de gauche ne baissent pas franchement dans les sondages.
Pour lui, l'effet vote utile - mot que n'emploie pas LFI - n'a pas encore été enregistré et, conjointement à une participation qui augmenterait encore, rend possible la surprise d'un accès au second tour.
Mais selon les soutiens de Yannick Jadot par exemple, cet effet "n'existe pas".
La hausse de l'Insoumis s'explique parce que "plein de gens ne se prononçaient pas dans les sondages en espérant l'union de la gauche, et quand celle-ci a été impossible, se sont reportés sur le premier à gauche", affirme à l'AFP Sophie Taillé-Polian, la co-dirigeante de Générations, le mouvement fondé par Benoît Hamon et qui soutient le candidat écologiste.
Pour elle, c'est avant tout chez le communiste Fabien Roussel, que certains sondages replacent dans son étiage de départ autour des 3%, que Jean-Luc Mélenchon a grignoté. Tandis que Yannick Jadot, de fait, s'est à peu près maintenu autour de 5 ou 6%.
De son côté, le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner admet que "chez les sympathisants socialistes qui ne veulent pas une redite de 2017, il peut y avoir une tentation" de voter Mélenchon.
"Il arrive à faire oublier toutes ses saillies verbales passées, par la qualité de son personnage, principale force de LFI", poursuit ce lieutenant d'Anne Hidalgo.
Selon Patrick Kanner toutefois, "il ne passera pas la barre" nécessaire pour se qualifier.
- "Second choix" -
Dans une étude publiée lundi, la Fondation Jean-Jaurès montre qu'outre la remobilisation de son électorat de 2017, Jean-Luc Mélenchon profite bel et bien "de transferts de voix du reste de la gauche, et ce autant de la part de la gauche radicale que de la gauche de gouvernement".
Ainsi, "34% des électeurs qui pensaient voter pour Christiane Taubira envisagent désormais de voter pour Jean-Luc Mélenchon", notent ses auteurs, les politologues Antoine Bristielle et Laura Chazel. 19% de ceux qui se prononçaient pour Fabien Roussel, 17% de ceux en faveur de Yannick Jadot et 21% de ceux pour Anne Hidalgo en janvier, disent désormais vouloir voter LFI.
Et le potentiel d'augmentation de ce vote utile demeure important, écrivent les politologues: si "29% des électeurs de Fabien Roussel, 36% des électeurs de Yannick Jadot et 43% des électeurs d’Anne Hidalgo déclarent qu’ils ne pourront +jamais+ voter pour Jean-Luc Mélenchon", "29% des électeurs de Fabien Roussel, 21% des électeurs de Yannick Jadot et 13% des électeurs d'Anne Hidalgo font de Jean-Luc Mélenchon leur +second choix de vote+".
Les électeurs de gauche continuent à hésiter, et Jean-Luc Mélenchon le sait, en appelant à la "responsabilité individuelle" de chacun.
La Fondation Jean-Jaurès souligne: "si l’écart dans les sondages entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon reste faible jusqu’au premier tour, il peut espérer une mobilisation en sa faveur d’une partie de l’électorat de gauche" dimanche.
En filigrane, ce constat en appelle un autre: que les enquêtes continuent de donner Marine Le Pen plusieurs points au-dessus de l'Insoumis et l'argument-clé d'une possible qualification, incitatif au vote utile, sera amoindri.
Manuel Bompard est d'ailleurs le premier à le reconnaître: "Si Marine Le Pen fait 24 ou 25% (le 10 avril), on pourra rien faire. La gauche au total n'est qu'à 25... En revanche, (si elle fait) 20%, on peut y arriver" et la dépasser.