Ukraine: l'Europe discute de nouvelles sanctions, l'ONU «horrifiée» par Boutcha

A Boutcha, ceux qui ont survécu ne peuvent que constater l'horreur et tenter de rendre hommage aux civils exécutés en pleine rue par les Russes. SERGEI SUPINSKY / AFP
A Boutcha, ceux qui ont survécu ne peuvent que constater l'horreur et tenter de rendre hommage aux civils exécutés en pleine rue par les Russes. SERGEI SUPINSKY / AFP
Short Url
Publié le Lundi 04 avril 2022

Ukraine: l'Europe discute de nouvelles sanctions, l'ONU «horrifiée» par Boutcha

  • Le ministère russe de la Défense a assuré dimanche que ses forces n'avaient pas tué de civils à Boutcha, une ville proche de Kiev récemment reprise par les forces ukrainiennes
  • Le président français Emmanuel Macron a dénoncé dimanche les images «insoutenables» provenant de la ville ukrainienne de Boutcha où de nombreux cadavres ont été découverts

BUCHA, UKRAINE: Les Européens, révoltés par les images de dizaines de cadavres retrouvés dans les environs de Kiev, discutent lundi d'un alourdissement des sanctions contre Moscou, accusé de "génocide" en Ukraine mais qui rejette catégoriquement toutes ces accusations.
Plusieurs capitales occidentales et l'ONU ont exprimé dans la matinée leur indignation après le retrait russe de Boutcha, dans la banlieue nord-ouest de Kiev, et la découverte sur place de nombreux corps de civils dans les rues ou des fosses communes.
La Haute-commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, s'est dite "horrifiée" par ces informations qui "soulèvent des questions graves et inquiétantes sur de possibles crimes de guerre" et "violations graves des droits de l'homme", appelant "à préserver toutes les preuves".

La Russie dément avoir tué des civils à Boutcha

Le ministère russe de la Défense a assuré dimanche que ses forces n'avaient pas tué de civils à Boutcha, une ville proche de Kiev récemment reprise par les forces ukrainiennes. 

« Pendant la période au cours de laquelle cette localité était sous le contrôle des forces armées russes, pas un seul résident local n'a souffert d'actions violentes », a déclaré le ministère dans un communiqué.  

Il a ajouté que l'armée russe avait distribué 452 tonnes d'aide humanitaire aux civils dans ce secteur. 

Le ministère a ajouté que tous les habitants « avaient eu la possibilité de quitter librement » la localité « vers le nord », alors que les banlieues sud de la ville « étaient la cible de tirs des troupes ukrainiennes 24 heures sur 24 ». 

Le communiqué a en outre affirmé que les images de cadavres dans les rues de la ville étaient « une nouvelle production du régime de Kiev pour les médias occidentaux ».  

Il a assuré que toutes les unités militaires russes s'étaient retirées de Boutcha le 30 mars, au lendemain de l'annonce par la Russie qu'elle allait réduire de façon significative son activité dans le nord de l'Ukraine. 

Après la diffusion de ces images, l'Union européenne discutait lundi en "urgence" de nouvelles sanctions contre Moscou, réclamées notamment par la France et l'Allemagne, a indiqué le haut représentant de l'UE Josep Borrell.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a parlé lundi d'un possible "génocide" et réclamé la comparution des coupables "devant la Cour pénale internationale".
Dans la foulée, le Premier ministre de la Pologne, voisine occidentale de l'Ukraine, a repris le terme de "génocide" et réclamé la création d'une commission d'enquête internationale sur ce sujet.
En visite lundi à Varsovie, le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, s'est dit "profondément choqué". "Le meurtre de civils innocents est (...) inacceptable, et je condamne fermement ces actions", a-t-il déclaré.
Dimanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait fustigé les "meurtriers, tortionnaires, violeurs, pilleurs" russes responsables des "meurtres" et des "tortures" à Boutcha.
Le Kremlin a vivement réagi lundi matin en rejetant "catégoriquement toutes les accusations", par la voix de son porte-parole, Dmitri Peskov, qui a appelé les dirigeants étrangers à ne pas avancer d'"accusations hâtives" à l'égard de Moscou et à "écouter au moins les arguments russes".
Selon lui, des experts du ministère russe de la Défense ont découvert des signes de "falsifications vidéo" et des "fakes" dans les images présentées par les autorités ukrainiennes comme preuves d'un massacre russe.

«Les autorités russes devront répondre de ces crimes », affirme Macron

Le président français Emmanuel Macron a dénoncé dimanche les images « insoutenables » provenant de la ville ukrainienne de Boutcha où de nombreux cadavres ont été découverts, affirmant que « les autorités russes devront répondre de ces crimes ». 

« Les images qui nous parviennent de Boutcha, ville libérée près de Kiev, sont insoutenables », a écrit le chef de l'Etat sur Twitter, dénonçant « dans les rues, des centaines de civils lâchement assassinés ». 

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait auparavant condamné « avec la plus grande fermeté » les actes commis par l'armée russe contre des civils dans plusieurs villes ukrainiennes dont Boutcha, « constitutifs, s'ils sont confirmés, de crimes de guerre ». 

« J'ai pris connaissance des informations faisant état d'exactions massives commises par les forces russes dans des villes ukrainiennes qu'elles occupaient ces dernières semaines, en particulier dans la localité de Bucha (Boutcha, ndlr) », a déclaré le ministre dans un communiqué.  

« Je condamne avec la plus grande fermeté de tels actes constitutifs, s'ils sont confirmés, de crimes de guerre », a-t-il ajouté.  

« Nous travaillerons, en lien avec nos partenaires, les autorités ukrainiennes et les juridictions internationales compétentes, notamment la Cour pénale internationale, pour que ces actes ne restent pas impunis et que leurs responsables soient jugés et condamnés », a-t-il poursuivi. 

«Balle dans la nuque»

L'armée russe était parvenue à Boutcha et dans la ville voisine d'Irpin, qui borde Kiev au nord-ouest, très rapidement après le début de l'invasion de l'Ukraine le 24 février. Dans les semaines qui ont suivi, les deux villes ont été le théâtre de féroces combats qui les ont en partie dévastées et fait fuir la plupart des habitants.
Les Ukrainiens ont annoncé les avoir reprises ces derniers jours, après que les Russes ont indiqué desserrer l'étau sur Kiev et le nord pour concentrer leurs efforts militaires sur l'est du pays.
Le nombre total de morts dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes reste incertain. Selon la procureure générale d'Ukraine, Iryna Venediktova, les dépouilles de 410 civils y ont été retrouvées.
Samedi, l'AFP avait vu à Boutcha les cadavres d'au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, avait assuré qu'elles ont été tuées d'"une balle dans la nuque", suggérant des exécutions sommaires massives de la part des soldats russes.
M. Fedorouk a par ailleurs affirmé que "280 personnes" avaient été enterrées "dans des fosses communes" car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.

Washington et l'Otan dénoncent des actes «horribles», «cela doit s'arrêter»

Les Etats-Unis et l'Otan ont exprimé dimanche leur horreur face aux récits d'atrocités contre les civils imputées aux forces russes à Boutcha, près de Kiev, avertissant que le départ de Moscou de cette région ne représentait ni un « vrai retrait » ni un espoir de désescalade. 

« Ces images sont un coup de poing à l'estomac », a réagi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken sur la chaîne CNN, rappelant avoir prévenu « avant l'agression de la Russie » qu'elle risquait de »commettre des atrocités ». 

« Nous ne pouvons pas normaliser cela. C'est la réalité de ce qui se passe chaque jour, tant que la brutalité de la Russie contre l'Ukraine se poursuit. C'est pourquoi cela doit s'arrêter », a-t-il dit. 

Il a réaffirmé que les Etats-Unis contribuaient à « documenter » d'éventuels « crimes de guerre » auprès des institutions internationales pour que leurs responsables « rendent des comptes », refusant toutefois de dire s'il considérait qu'il s'agissait de « crimes contre l'humanité » ou même d'actes de « génocide ». 

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a pour sa part estimé que les violences de Boutcha étaient « horribles », dénonçant une « brutalité inédite en Europe depuis des décennies ». 

« Il est absolument inacceptable que des civils soient pris pour cibles et tués, et cela souligne l'importance de mettre fin à cette guerre », a-t-il estimé sur la même chaîne. 

Interrogé sur le départ des forces russes de la région de Kiev, que les forces ukrainiennes ont dit avoir repris, il s'est montré prudent: « Nous ne devons pas être trop optimistes » car « nous redoutons une potentielle augmentation des attaques, notamment dans le Sud et l'Est ». 

« Ce n'est pas un vrai retrait, c'est davantage une adaptation de leur stratégie », a-t-il insisté.  

Antony Blinken a encore affirmé que l'invasion de l'Ukraine était déjà « un revers spectaculaire pour la Russie ». « Ils avaient trois objectifs au départ: le premier était d'assujettir l'Ukraine et lui retirer sa souveraineté et son indépendance; le deuxième était d'affirmer la puissance russe; le troisième était de diviser l'Occident et l'Otan. Sur ces trois fronts, ils ont déjà perdu », a martelé le secrétaire d'Etat américain. 

"A en juger par ce que nous avons vu, on ne peut pas faire confiance à ces images vidéo", a répondu M. Peskov.
Moscou, qui dément toute exaction de son fait, a annoncé lundi qu'elle allait enquêter sur cette "provocation haineuse" qui vise selon elle à "discréditer" les forces russes en Ukraine. Et demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour statuer sur ces exactions commises selon elle par "des radicaux ukrainiens" à Boutcha.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, est arrivé dimanche soir à Moscou, et devait se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine. Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.
A la gare de Kramatorsk, dans l'est du pays encore sous contrôle de Kiev, ils étaient des centaines ce week-end à attendre leur train pour fuir dans l'ouest, par crainte d'être encerclés par les Russes.
"Beaucoup de gens sont déjà partis, les hommes restent, nos familles s'en vont", grimaçait Andreï, dont l'épouse et les deux enfants attendaient sagement, bagages aux pieds. Comme bien d'autres, il est angoissé, car "les bombardements peuvent commencer à tout moment".

EN BREF «Massacre» à Boutcha en Ukraine : ce que l'on sait

Voici ce que l'on sait pour le moment sur ces événements, qui suscitaient dimanche l'indignation des pays occidentaux pour lesquels il s'agit d'« un terrible crime de guerre ». 

Une ville dévastée  

Boutcha, une ville d'environ 37 000 habitants (avant la guerre) à 30 km de la capitale, ainsi que celle voisine d'Irpin, ont été le théâtre de combats parmi les plus féroces depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, le 24 février. 

Boutcha a été occupée par l'armée russe dès le 27 février, restant inaccessible pendant plus d'un mois. Les bombardements y ont cessé jeudi et les forces ukrainiennes n'ont pu complètement y pénétrer qu'il y a quelques jours. 

Des journalistes se sont rendus samedi dans cette localité et ont pu voir des trous béants provoqués par des obus dans des immeubles d'habitation, de nombreuses carcasses de voitures et des rues jonchées de débris ou de lignes électriques abattues. 

Ceux de ses habitants restés sur place, pris au piège par les tirs incessants, étaient privés d'eau et d'électricité par des températures très basses. 

Des témoins rencontrés ont affirmé avoir vu des combattants tchétchènes parmi les militaires russes. 

Une vingtaine de corps éparpillés 

L'AFP a vu samedi les cadavres d'au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues à Boutcha. L'un était couché près d'un vélo, d'autres avaient à côté d'eux des sacs à provisions.  

Un cadavre avait les mains liées dans le dos et la plupart des corps étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres dans une même rue. Un autre se trouvait près de la gare, sous une couverture. 

On ne pouvait pas dans l'immédiat déterminer la cause de la mort de ces personnes, mais au moins deux d'entre elles présentaient de larges blessures à la tête.  

La peau des visages avait un aspect cireux, laissant penser que les cadavres étaient là depuis au moins plusieurs jours. 

Selon le maire de Boutcha, Anatoli Fedorouk, ces personnes ont été tuées par les soldats russes d'« une balle dans la nuque ». 

Fosses communes 

Les cadavres de 57 personnes ont été retrouvés dans une fosse commune, a déclaré dimanche le chef des secours locaux, Serhiï Kaplytchny, en montrant à une équipe de l'AFP ce site. 

Une dizaine de cadavres étaient visibles, certains seulement partiellement inhumés, derrière une église du centre de la ville. Plusieurs d'entre eux étaient dans des sacs mortuaires noirs et ceux que l'on pouvait voir portaient des vêtements civils. 

Samedi, M. Fedorouk avait affirmé que « 280 personnes » avaient été enterrées « dans des fosses communes » car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières de Boutcha, tous à portée des tirs russes pendant les combats. 

Quel bilan ? 

Le nombre exact des victimes n'est pas encore connu, a déclaré le maire de Kiev, Vitali Klitschko, qui s'est rendu dimanche à Boutcha : « Nous pensons que plus de 300 civils sont morts ».  

Gaz et pourparlers

Dans le sud, huit personnes ont été tuées et 34 blessées dans des bombardements russes dimanche sur les villes d'Otchakiv et de Mykolaïv, a indiqué lundi le Parquet ukrainien.
Les Occidentaux veulent désormais adopter de nouvelles mesures contre Moscou, après avoir déjà acté plusieurs trains de sanctions depuis le 24 février, ciblant massivement des entreprises, des banques, des hauts responsables, des oligarques, et interdisant l'exportation de biens vers la Russie.
Dans un tweet, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a exigé l'adoption immédiate "de nouvelles sanctions dévastatrices du G7", en citant notamment l'"embargo sur le pétrole, le gaz et le charbon" et la fermeture de "tous les ports aux navires et marchandises russes".
La pression porte ainsi notamment sur les hydrocarbures, importante ressource financière pour la Russie. Dès samedi, les Etats baltes avaient annoncé la cessation de leur importation de gaz russe et le président lituanien Gitanas Nauseda avait appelé le reste de l'UE à les suivre.
Les Etats-Unis ont interdit l'importation de pétrole et de gaz russes peu après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l'UE qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a annoncé lundi suspendre l'accès de la Russie et de son alliée le Bélarus à ses financements et à son expertise.
Du côté de Moscou, on anticipe déjà un éventuel alourdissement des sanctions. "Tôt ou tard, nous devrons établir un dialogue, que quelqu'un outre-Atlantique le souhaite ou non", a toutefois souligné le porte-parole du Kremlin.
On ignore quel sera l'impact de Boutcha cette semaine sur les pourparlers russo-ukrainiens, difficiles mais où perce une lueur d'espoir. Le négociateur en chef russe, Vladimir Medinski, a salué une position "plus réaliste" selon lui de Kiev, prêt sous conditions à accepter un statut neutre du pays, réclamé par Moscou, et Dmitri Peskov a dit à propos d'un sommet Poutine-Zelensky que, "hypothétiquement, une telle rencontre est possible".
Le négociateur en chef ukrainien, David Arakhamia, avait affirmé samedi que Moscou avait accepté "oralement" toutes les positions ukrainiennes, "sauf en ce qui concerne la question de la Crimée".
La guerre, intense, a fait, a minima, des milliers de morts et contraint à l'exil plus de 4,2 millions d'Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants.


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

Short Url
  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
Short Url
  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

Short Url
  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.