La fuite de personnes hors d'Ukraine, met en évidence la crise mondiale des réfugiés

La crise des réfugiés qui connaît la croissance la plus rapide en Europe depuis la 2e Guerre mondiale a considérablement augmenté la population mondiale de personnes déplacées de force (Photo, AFP).
La crise des réfugiés qui connaît la croissance la plus rapide en Europe depuis la 2e Guerre mondiale a considérablement augmenté la population mondiale de personnes déplacées de force (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 03 avril 2022

La fuite de personnes hors d'Ukraine, met en évidence la crise mondiale des réfugiés

  • La crise des réfugiés qui connaît la croissance la plus rapide en Europe depuis la 2e Guerre mondiale a considérablement augmenté la population mondiale de personnes déplacées de force
  • Les organisations d'aide de l'ONU se dépêchent de trouver des fonds et des ressources pour loger, nourrir et soigner les Ukrainiens traumatisés par la guerre

DUBAÏ : Les longues files d'attente de personnes en détresse aux points de contrôle dans les frontières, transportant le peu de biens qu'elles pouvaient porter avant d'abandonner à la hâte leurs maisons et leurs moyens d'existence, sont devenus un signe de notre époque. La faim ronge la dignité de ces réfugiés alors que leurs yeux implorent la compassion, mais ils sont obligés de faire exactement ce que les gardes-frontières apathiques leur ordonnent, de manière à maintenir l'ordre.

Environs sept ans après qu'un nombre record de réfugiés et de migrants a provoqué une crise au sein de l'Union européenne, la scène d'une fuite massive de personnes hors d'Ukraine a mis en évidence la crise mondiale des réfugiés. Cela a également suscité des accusations de deux poids, deux mesure et de discrimination raciale concernant l’accueil réservé par la communauté européenne pour des civils déplacés par la guerre. 

Selon une analyse de l'ONU, faite  par le Pew Research Center, depuis le 24 février, plus de 4,1 millions d'Ukrainiens ont fui vers les pays voisins, déclenchant le sixième plus grand flux de réfugiés des 60 dernières années. Accueillis par la Pologne, la Roumanie, la Moldavie, la Hongrie, la Slovaquie, la Russie et la Biélorussie, ces Ukrainiens, font partie d'une marée humaine composée de plus de 10 millions de personnes, représentant plus d'un quart de la population ukrainienne d'avant-guerre, que l'on pense ont fui leur domicile.

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La Pologne a accueilli plus de 2 millions de personnes en provenance d'Ukraine depuis le début du conflit, lorsque les réfugiés ont affronté des températures glaciales et de longues files d'attente afin de se rendre à l'ouest (Photo, AFP).

Les organisation d'aide de l'ONU se dépêchent de trouver des fonds et des ressources pour loger, nourrir et soigner les Ukrainiens traumatisés par la guerre, tout en espérant qu'un accord de paix puisse être conclu bientôt afin de leur permettre de rentrer chez eux en toute sécurité.

Mais même les plus grandes crises de réfugiés des temps modernes ne peuvent masquer l'ampleur préoccupante du problème à l’échelle mondiale. Selon l'ONU, au moins 84 millions de personnes, dont près de la moitié sont des enfants, sont présentement des personnes déplacées dans le monde. 

Si la guerre en Ukraine se prolonge sans issue claire, les civils forcés de quitter leurs foyers par les combats pourraient n'être qu'une simple statistique, ne représentant qu'un petit chiffre du nombre total de personnes dans le monde qui n'ont nulle part où aller, dans de nombreux cas même après des décennies.

Ces victimes de conflits sont des résidents des camps de réfugiés du Moyen-Orient, d'Asie, d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Europe du Sud, qui sont incapables de rentrer chez eux ou même d’aller dans un nouveau pays. Ce qui était à l'origine conçu comme des abris temporaires est devenu au fil du temps des habitations permanentes qui sont plongées dans les communautés d'accueil.

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Selon l'ONU, au moins 84 millions de personnes, dont près de la moitié sont des enfants, sont actuellement des personnes déplacées dans le monde (Photo, AFP).

Au Moyen-Orient et en Asie centrale, peu de progrès ont été réalisés pour permettre le retour ou la réinstallation des millions de personnes, qui ont fui les vague de conflits majeurs au cours des 20 dernières années.

L'invasion américaine de l'Irak en 2003, qui a renversé le dictateur Saddam Hussein, a déclenché une insurrection sunnite meurtrière et une guerre sectaire en 2014, qui ont favorisé la montée de Daech. La violence et l'insécurité qui en ont résulté ont forcé des millions d'Irakiens, Arabes, Kurdes et autres minorités, à quitter leurs foyers.

Plus de 260 000 personnes ont fui l'Irak et 3 millions d'autres ont été déplacées à l'intérieur du pays au cours de cette période. Beaucoup de ceux qui sont restés à l'intérieur du pays se sont installés dans des camps ou des établissements informels dans les zones urbaines de la région du Kurdistan au nord de l'Irak.

L’agence des Nations Unies pour les réfugiés estime que plus de 4,1 millions d’Irakiens, soit environ 15 % de la population d’après-guerre du pays, ont encore besoin d’une forme de protection ou d’assistance humanitaire, même des années après la défaite territoriale de Daech à la fin de 2017.

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Depuis le 24 février, plus de 4,1 millions d'Ukrainiens ont fui vers les pays voisins, créant le sixième plus grand flux de réfugiés des 60 dernières années (Photo, AFP).

Le conflit s'est propager en Syrie voisine, où un soulèvement contre le régime de Bachar Al-Assad avait provoqué un exode de civils vers la Turquie, la Jordanie et le Liban, trois pays où la majeure partie de ces refugiés se trouve encore aujourd'hui.

Depuis 2011, plus de la moitié de la population syrienne d'avant-guerre, qui s'élevait à 22 millions, a dû faire face à des déplacements forcés, plus d'une fois. On estime que 6,7 millions de Syriens sont jusqu’à présent déplacés à l'intérieur du pays.

Beaucoup d’entre eux ont cherché refuge à Idlib, une zone instable sous le contrôle des rebelles au nord-ouest qui est soumis aux bombardements quotidiens du régime syrien et russes. 

Hajj Hassan, originaire de Homs en Syrie, a d'abord été déplacé en 2012, puis à nouveau en 2016. L'homme de 62 ans est depuis cette date à Idlib. «Nous avons tout perdu en 2012», a-t-il déclaré à Arab News.

«Aucun bâtiment n'a été épargné. J'ai de nouveau déménagé et les bombardements ont suivi. Je vis maintenant dans l'endroit le plus misérable du monde. Je suis devenu un réfugié dans mon propre pays».

Les enfants syriens ont enduré les conséquences du déplacement car ils étaient exposés à la violence, aux chocs, aux traumatismes et à la faim ainsi qu’aux conditions météorologiques difficiles. Beaucoup ont été contraints de grandir en exil, souvent séparés de leur famille, où ils ont été victimes de violences, de mariages précoces forcés, de recrutement par des groupes armés, d'exploitation et de détresse psychologique.

Depuis l'effondrement du gouvernement internationalement reconnu à Kaboul en août de l'année dernière, l'Afghanistan est confronté à des défis humanitaires, aggravés par la réduction de l'aide étrangère, du commerce international et de la nature de la gouvernance des talibans.

Au cours des 40 dernières années, les Afghans ont été victimes de guerres civiles, d'insurrections, de catastrophes naturelles, de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Ils forment aujourd'hui l'une des plus grandes populations de réfugiés au monde, avec au moins 2,5 millions enregistrés par l'ONU. La grande majorité de ces réfugiés vivent en Iran et au Pakistan.

Lorsque les crises humanitaires au Yémen, au Myanmar et dans les pays d'Afrique du Nord s'ajoutent à tous ces problèmes, le nombre de réfugiés semble trop important pour un monde fatigué par la guerre et toute une communauté d'ONG qui n’arrivent plus à les gérer. Selon des responsables humanitaires, «L'usure de compassion» menace la viabilité des programmes de santé et d'éducation dans les trois pays.

«Maintenant, avec la crise ukrainienne, l'accent sera encore moins mis sur le Yémen qu'auparavant. Il est peut-être temps de faire autre chose», a déclaré à Arab News, un travailleur humanitaire basé au Moyen-Orient. «Je ne peux pas supporter le coup dur qui serait de quitter lorsque l'argent s'épuise, alors je préfère partir en premier».

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Des migrants attendent d'être secourus par des membres de l'ONG Proactiva Open Arms en mer Méditerranée, à environ 12 milles marins au nord de la Libye (Photo, AFP).

La chose commune à la guerre en Ukraine et aux récents conflits au Moyen-Orient est le rôle majeur que les pays voisins ont joué dans les actions humanitaires.

Tout comme les pays frontaliers de la Syrie, qui ont accueilli des millions de réfugiés au cours de la dernière décennie, les pays d'Europe de l'Est qui ont accepté que les Ukrainiens déplacés auront peut-être besoin d'une aide extérieure pour faire face à la pression démographique accrue, surtout si l'invasion se transforme en une longue et épuisante guerre.

Le Liban accueille actuellement environ 850 000 des Syriens qui sont devenus des réfugiés par la guerre civile. La Jordanie abrite 600 000 autres et la Turquie plus de 3 millions. Toutefois, étant accablés par leurs propres problèmes socio-économiques et leurs difficultés budgétaires, ces pays ont montré une réticence croissante à assumer le fardeau tout en essayant de repousser certains réfugiés vers la Syrie.

Beaucoup de ceux qui sont rentrés chez eux dans le pays déchiré par la guerre se sont rapidement enrôlés dans l'armée nationale ou ils ont accepté d’appartenir aux groupes mafieux afin de se protéger.

Alors que l'afflux d'Ukrainiens a suscité un élan de générosité de la part des gouvernements européens, l'accueil unifié du continent contraste fortement avec l'accueil mitigé réservé aux réfugiés syriens, sans parler de l'hostilité pure et simple envers les migrants qui voulaient traverser la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, à la fin de l'année dernière.

Effectivement, il semble difficile de croire qu'il y a quelques mois à peine, la Pologne a commencé à construire un mur de 380 millions de dollars le long de sa frontière avec la Biélorussie dans le but de stopper des milliers de réfugiés non européens qui cherchent à demander l'asile dans les pays de l'UE.

«La situation des réfugiés non ukrainiens aux frontières, surtout en ce moment, est horrible. La scène est épouvantable à regarder», a déclaré à Arab News, Nadine Kheshen, une avocate des droits de l'homme basée au Liban. 

«D'une part, c'est beau de voir les Ukrainiens accueillis à bras ouverts. De l'autre, c'est tout à fait désolant de voir comment les réfugiés syriens, afghans, kurdes, irakiens et autres sont traités à la frontière polonaise.

L'opinion de Kheshen est reprise par Nadim Houry, directeur exécutif du groupe de réflexion Arab Reform Initiative basé à Paris. « Il y a sans aucun doute une sorte de deux poids, deux mesures dans la manière dont les réfugiés sont traités », a-t-il déclaré à Arab News. «Je dirais, en particulier vis-à-vis des réfugiés afghans en Europe, que cela doit être condamné. Les personnes fuyant la violence doivent être bien accueillies».

Bien que les besoins des réfugiés soient les mêmes, quelle que soit leur origine, il semble que le type de conflit qu'ils fuient pourrait bien déterminer pour combien de temps ils seront déplacés ou s'ils peuvent revenir un jour.

«Je trouve qu’il y a une différence majeure entre l'Ukraine et la Syrie, par exemple», a révélé Houry. «Dans le cas de l'Ukraine, les gens fuient un agresseur extérieur. Au moment où l'agresseur externe s'arrêtera, les gens se sentiront en sécurité pour revenir chez eux. Cependant, en Syrie, les gens fuyaient le régime syrien en général.

«La même chose s'est produite entre Israël et le Liban en 2006. Il y eu des déplacements massifs, mais une fois que les Israéliens se sont arrêtés, les Libanais sont retournés dans leurs villes».

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Des enfants réfugiés rohingyas jouent dans le camp de réfugiés de Kutupalong à Ukhia, le 27 mars (Photo, AFP).

Bien que les pays d'Europe centrale et orientale n'aient pas tardé à accueillir les millions d'Ukrainiens arrivant sur leur sol, on craint que ces nouveaux arrivants ne se retrouvent finalement confinés à une vie de réfugiés permanents. Beaucoup pourraient éventuellement rester plus longtemps que la période de leur accueil.

«Nous constatons maintenant des niveaux élevés de soutien, d'accueil et de solidarité de la part des pays voisins», a déclaré Houry à Arab News. «Cependant, certains pays, comme la Moldavie et la Pologne, auront besoin d'un soutien financier pour faire face au phénomène de réfugiés».

«Les gens ont tendance à oublier le début du conflit en Syrie. Les réfugiés syriens étaient généralement bien accueillis. Mais ensuite, cela a changé à mesure que le conflit faisait rage ».

La solidarité de l'Europe avec les personnes fuyant la guerre en Ukraine a été jusqu'à présent impressionnante. Mais étant donné que l'invasion n'en est qu'à sa cinquième semaine, ce n'est peut-être que le début.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouvelle date pour la conférence sur l’État palestinien relancée par la France et l’Arabie saoudite

Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
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  • Initialement prévue du 17 au 20 juin, la conférence a été reportée après le lancement par Israël, le 13 juin, d'une guerre de 12 jours contre l'Iran
  • L'objectif de la conférence, reprogrammée pour les 28 et 29 juillet, est l'adoption urgente de mesures concrètes conduisant à la mise en œuvre d'une solution à deux États

NEW YORK : Une conférence internationale organisée et coprésidée par l'Arabie saoudite et la France pour discuter de la création d'un État palestinien, qui avait été reportée le mois dernier, a été reprogrammée pour la fin du mois.

"La conférence ministérielle sur la solution des deux États reprendra les 28 et 29 juillet ; les détails seront communiqués sous peu", ont confirmé des diplomates à Arab News vendredi.

Initialement prévu du 17 au 20 juin, l'événement, officiellement intitulé "Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États", a été reporté après le lancement par Israël, le 13 juin, de son opération militaire de 12 jours contre l'Iran.

L'événement, convoqué par l'Assemblée générale des Nations unies, aura lieu au siège des Nations unies à New York. L'objectif est l'adoption urgente de mesures concrètes qui conduiront à la mise en œuvre d'une solution à deux États et mettront fin à des décennies de conflit entre Israéliens et Palestiniens.

Au moment du report, le mois dernier, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que la conférence était repoussée pour des raisons logistiques et de sécurité, mais avait insisté sur le fait qu'elle se tiendrait "dès que possible".

Ce report ne "remet pas en cause notre détermination à aller de l'avant dans la mise en œuvre de la solution des deux États", avait-il ajouté

M. Macron devrait annoncer officiellement la reconnaissance par la France d'un État palestinien lors de cet événement. Cette semaine, il a exhorté les autorités britanniques à faire de même.

La Palestine est officiellement reconnue par 147 des 193 États membres de l'ONU. Elle bénéficie du statut d'observateur au sein de l'organisation, mais n'en est pas membre à part entière.

Lors d'une réunion préparatoire des Nations unies en mai, Manal Radwan, conseillère au ministère saoudien des affaires étrangères, a déclaré que la conférence intervenait à un moment "d'urgence historique", alors que Gaza "endurait des souffrances inimaginables".

Elle a déclaré que l'Arabie saoudite était honorée de se tenir aux côtés des autres nations engagées dans des efforts diplomatiques pour apporter "un changement réel, irréversible et transformateur, afin d'assurer, une fois pour toutes, le règlement pacifique de la question de la Palestine".

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".