AULNAY-SOUS-BOIS: Le policier dont le tir a causé la mort d'un automobiliste lors d'un contrôle il y a une semaine à Sevran (Seine-Saint-Denis) a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, à quelques heures d'une marche organisée samedi en mémoire de la victime.
Le fonctionnaire de 32 ans, affecté à la brigade anti-criminalité (BAC) d'Aulnay-sous-Bois, a été mis en examen pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", a annoncé le parquet de Bobigny.
Les juges d'instruction chargés du dossier avaient demandé son incarcération mais le juge des libertés et de la détention l'a, ainsi que requis par le procureur, placé sous un contrôle judiciaire assorti notamment d'une interdiction d'exercer une activité de police, a précisé le parquet.
Lors de sa garde à vue, le policier a affirmé avoir été "déséquilibré" lors du contrôle du véhicule de la victime, a ajouté "s'être senti en état de légitime défense" et "avoir fait feu pour cette raison", avait détaillé vendredi le procureur de Bobigny Eric Mathais lors d'une conférence de presse.
La mort de Jean-Paul, 33 ans, un habitant du quartier des Beaudottes à Sevran, a causé plusieurs nuits de violences dans sa ville et les communes limitrophes d'Aulnay et Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis).
Elle est intervenue le 26 mars peu après midi, lorsqu'une équipe de policiers de la BAC a voulu contrôler la fourgonnette signalée volée conduite par la victime.
Un brigadier est descendu seul de la voiture de police banalisée qui était bloquée dans le trafic routier, selon les témoignages des trois autres fonctionnaires de police présents sur les lieux et les images de vidéosurveillance, a précisé le procureur de Bobigny.
Le fonctionnaire a déclaré "s'être placé au niveau de la vitre conducteur, avoir levé son arme en criant +police !+ et disait avoir tenté à plusieurs reprises d'ouvrir la portière qui était verrouillée", a-t-il poursuivi. "Il voyait le conducteur enclencher une vitesse et accélérer fortement", a relaté M. Mathais.
«Mort pour rien»
"A ce stade de l'enquête, la chronologie exacte de cet enchaînement très rapide n'est pas encore parfaitement établie", a insisté le procureur.
Grièvement blessé à l'omoplate par un tir du policier, le chauffeur est mort quelques heures après son admission à l'hôpital.
L'autopsie a confirmé que le tir était à l'origine du décès.
Sur place, un étui percuté de calibre 9 mm a été retrouvé. La balle a traversé la carrosserie et le dossier du siège de la victime.
Pour Me Arié Alimi, un des avocats de la famille, "Jean-Paul ne représentait aucune menace et il a été tué sans aucune justification, pour rien". L'avocat a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour "meurtre".
Le fonctionnaire de police a été placé en garde à vue à la "police des polices (IGPN) mercredi, quatre jours après le drame. En "état de choc", il n'avait pu être entendu plus tôt, selon le procureur.
Sollicité par l'AFP, son avocat n'a pas souhaité s'exprimer à ce stade de l'enquête.
Selon les récits d'habitants rencontrés lundi par l'AFP, la victime était un chauffeur livreur indépendant qui travaillait avec un prestataire de livraison de colis. Il lui avait subtilisé la camionnette en raison d'un litige financier.
Plusieurs habitants ont mis en doute la version de la légitime défense. "C'est un meurtre. C'est une injustice !", s'est indigné l'un d'eux, souhaitant rester anonyme.
Une marche a débuté samedi en fin de matinée au départ d'Aulnay-sous-Bois en mémoire de Jean-Paul, qui élevait quatre enfants et avait pour projet de s'installer au Canada, selon un autre avocat de la famille, Me Steeve Ruben.