WASHINGTON: Joe Biden s'en est pris mardi avec force à Vladimir Poutine, un "dictateur" qui est "plus isolé que jamais", pendant que Moscou intensifiait son offensive en Ukraine, frappant Kiev et la grande ville de Kharkiv.
Le président russe "pensait que l'Occident et l'Otan ne répondraient pas" à l'invasion de l'Ukraine lancée le 24 février, a-t-il lancé lors de son premier "discours sur l'état de l'Union" à Washington.
Mais "Poutine avait tort", "nous sommes prêts, nous sommes unis", a-t-il martelé, appelant le Congrès américain à offrir une ovation debout en soutien "au peuple ukrainien" qui "n'a peur de rien".
"Poutine est maintenant plus isolé que jamais du reste du monde", car dans la bataille contre "l'autocratie", "les démocraties sont au rendez-vous", a-t-il ajouté, énumérant les sanctions sans précédent qui se sont abattues sur la Russie.
Espace aérien américain fermé
Or "si les dictateurs ne paient pas le prix de leur agression, ils causent encore plus de chaos", a prévenu le 46e président de l'histoire américaine à l'adresse du maître du Kremlin.
Le locataire de la Maison Blanche a aussi menacé les oligarques russes de saisir leurs "yachts, appartements de luxe et jets".
"Quand l'histoire de cette période sera écrite, la guerre de Poutine sur l'Ukraine aura laissé la Russie plus faible et le reste du monde plus fort", a prédit le dirigeant démocrate.
De fait, la pression internationale ne cesse d'augmenter sur Moscou.
Joe Biden a annoncé l'interdiction de l'espace aérien des Etats-Unis "à tous les vols russes", comme l'avait fait l'Union européenne.
Et les 27 Etats de l'Union européenne ont donné leur feu vert à l'exclusion de "certaines banques russes" du système de messagerie Swift, rouage-clé de la finance internationale, et à l'interdiction de la diffusion des médias d'Etat russes RT et Sputnik.
Conséquence des sanctions d'une ampleur historique, que les pays du G7 ont menacé mardi de durcir encore, la principale filiale en Europe de la plus grande banque russe, Sberbank, se dirige vers un dépôt de bilan.
Saisie par le gouvernement ukrainien qui accuse Moscou de planifier un génocide, la Cour internationale de justice (CIJ), plus haute instance judiciaire des Nations unies, a de son côté annoncé des audiences les 7 et 8 mars.
Karkhiv bombardée
Au septième jour de l'invasion russe, l'armée ukrainienne a fait état du débarquement dans la nuit de mardi à mercredi de troupes aéroportées russes à Kharviv, la deuxième ville du pays.
Des combats étaient signalés dans cette ville de 1,4 million d'habitants proche de la frontière avec la Russie, déjà ciblée mardi par des bombardements qui ont, selon le gouverneur, partiellement détruit le siège de l'administration régionale, faisant au moins dix morts. Huit autres personnes ont péri quand un immeuble d'habitation a été touché.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a comparé ces frappes aux bombardements meurtriers sur Sarajevo, en Bosnie, dans les années 1990.
A Kiev, cinq personnes sont mortes lorsque la tour de télévision a été prise pour cible en fin d'après-midi. Mais la plupart des chaînes ukrainiennes ont repris rapidement leur diffusion.
L'armée russe a appelé les civils vivant près d'infrastructures des services de sécurité à évacuer, disant vouloir s'en prendre à elles pour faire cesser "les attaques informatiques contre la Russie".
Le futur assaut russe sur Kiev fait redouter un nombre considérable de victimes dans cette métropole comptant, en temps normal, près de trois millions d'habitants et dotée d'un riche patrimoine historique.
Des photos de la société américaine d'imagerie satellitaire Maxar montraient un convoi russe s'étirant sur des dizaines de kilomètres et se dirigeant vers la capitale.
"Nous avons le sentiment général que le mouvement de l'armée russe (...) vers Kiev est au point mort à ce stade", a toutefois dit un responsable du ministère américain de la Défense, évoquant la résistance ukrainienne mais aussi des problèmes "logistiques", d'approvisionnement en nourriture et carburant.
Entre Crimée et Donbass
Les forces russes semblaient en revanche avoir progressé dans le sud de l'Ukraine, sur les rives de la mer d'Azov.
Dans le port de Marioupol, "tous les quartiers" sont bombardés, a dit le gouverneur régional, évoquant un nombre indéterminé de morts.
Le ministère russe de la Défense a affirmé que ses troupes progressant sur la côte à partir de la Crimée avaient rejoint celles du territoire séparatiste prorusse de Donetsk, leur donnant une continuité territoriale stratégique -- une information invérifiable dans l'immédiat.
"Nous devons arrêter l'agresseur au plus vite", a tweeté le président ukrainien Volodymyr Zelensky après avoir discuté avec Joe Biden.
Au-delà des sanctions des Etats, la Russie a été écartée d'une multitude d'événements, du Mondial de football à la Coupe Davis de tennis, et de nombreuses sociétés se désengagent du marché russe.
Quatre des cinq principaux armateurs mondiaux ont ainsi cessé de desservir les ports de Russie, tandis que les géants pétroliers italiens Eni et américain ExxonMobil ont annoncé leur retrait du pays.
Comme de nombreuses entreprises, Apple a également suspendu la vente de tous ses produits en Russie.
Le gouvernement russe, qui s'évertue à contrer ces sanctions, préparait quant à lui un nouveau décret pour enrayer la fuite des investisseurs étrangers.
Dans le même temps, il faisait bloquer l'accès à une chaîne de télévision en ligne et à une station de radio indépendantes de renom, Dojd et Echo de Moscou.
Conséquence de ces tensions, les Bourses européennes et Wall Street ont terminé en forte baisse. Les prix du pétrole continuaient parallèlement de monter, avant la réunion mercredi de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et de ses alliés (Opep+). Idem pour les cours du blé et du maïs, à un niveau record en Europe.
«Profond regret» de Pékin
Même la Chine, qui n'a jusqu'ici pas condamné l'invasion russe, a exprimé mardi "son profond regret" face au conflit.
Depuis le début de l'invasion russe le 24 février, un million de personnes ont été déplacées en Ukraine même et plus de 677.000 sont parties vers les pays voisins, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés.
La Banque mondiale a annoncé une aide d'urgence de trois milliards de dollars pour l'Ukraine, dont au moins 350 millions pourraient être débloqués dès cette semaine.
De longues files de voitures continuaient à se diriger vers la frontière polonaise, à partir de Lviv, la grande ville de l'ouest de l'Ukraine devenue une porte de sortie et un centre de repli pour les Ukrainiens comme pour les ambassades occidentales.
Des femmes réfugiées dans cette cité, laissant les hommes de leur famille "défendre l'Ukraine", se mobilisaient pour les soutenir, donnant leur sang ou confectionnant des filets de camouflage.