LONDRES: Un Anglo-Iranien, libéré en mars après presque cinq ans de détention dans la prison d'Evin à Téhéran, a décrit «l'enfer» qu'il a enduré.
Anousheh Achouri, 68 ans, a été arrêté en août 2017 alors qu'il rendait visite à sa mère âgée en Iran. Elle venait de se faire opérer du genou. Lors de sa visite, il a été embarqué dans un van par les autorités iraniennes, et accusé d'espionnage en faveur d’Israël.
«Parfois, je n'arrive toujours pas à croire que je suis de retour», a-t-il confié cette semaine à la BBC. «Quand j'étais dans ma cellule, je me pinçais quand je rêvais que j'étais avec [ma femme] Sherry. Ensuite, je revenais à la triste réalité de ma cellule. Ici, c'est l'inverse qui se produit.»
Les conditions de détention étaient horribles. Des punaises et des cafards infestaient la cellule, où se trouvaient jusqu'à quinze personnes à la fois. Achouri a dû fabriquer ses propres bouchons pour les oreilles avec du fil métallique et de la mousse pour pouvoir dormir en paix.
«Bien qu’un grand nombre de détenus aient un haut niveau d’instruction, il était très difficile pour tous de toujours vivre en paix ensemble. Cela provoquait parfois des batailles. Mais ensuite, nous avons appris à vivre les uns avec les autres parce que nous n'avions pas d'autre choix», a-t-il raconté à la chaîne de télévision britannique.
Au début de son arrestation, il a été soumis à un isolement total et a subi des interrogatoires incessants.
«J'essaie d’oublier tout cela, et de ne pas trop y penser», a-t-il affirmé à la BBC, ajoutant que le régime avait également tenté de le briser en proférant des menaces contre sa famille. Il tentait régulièrement de se suicider, mais en était empêché par les gardiens de la prison.
Achouri a précisé que le pire en détention avait été d'avoir été témoin de la souffrance des autres dans la prison. Nombreux sont ceux qui sont devenus fous à la suite d’une longue incarcération. «Il y a des gens là-bas qui sont comme des zombies. Ils font juste des allers et retours dans la cour. Parfois, vous les voyez se parler à eux-mêmes et faire des gestes. Ils vivent dans leur propre monde.»
Les souvenirs de sa famille et le soutien de ses codétenus l'ont aidé à tenir le coup. «Quand vous êtes dans votre cellule, vous regardez toujours derrière vous. Vous essayez de vous rappeler de tous les bons souvenirs avec votre famille. Vous vivez dans vos souvenirs.»
Les journées étaient longues et épuisantes. Il les a surmontées grâce à une activité constante, et en formant une société de poésie pour d'autres détenus. Mais maintenant, il est libre. Il s'est adapté au changement soudain de son mode de vie. Fraîchement sorti de «l'enfer» de la prison d'Evin, il a retrouvé sa bière préférée et ses petits déjeuners anglais complets.
«Même lorsque je suis éveillé, et que je suis par exemple assis dans le jardin, je me dis parfois que cela ne peut pas être vrai, que cela ne peut être la réalité», a-t-il expliqué. «Je dois être dans ma cellule, et je m'attends à tout moment à me réveiller. Alors je me prépare à ne pas être trop troublé au réveil. C'est toujours un défi pour moi de reconnaître que je suis ici et libre. Parfois encore, la nuit, je touche la main de Sherry pour m’assurer si ce que je vis est bien réel.»
Son arrestation et sa détention soudaines ont été un choc important pour sa famille, qui a supposé que les autorités avaient fait une erreur. Achouri, ingénieur de profession, n'avait jamais été impliqué dans la politique. Il avait aidé à créer un système pour protéger les maisons iraniennes des tremblements de terre, qui a été diffusé en 2003. À Londres, il a créé des bottes autochauffantes que sa fille pouvait porter lorsqu'elle travaillait sur un stand de gâteaux à Greenwich Market.
Finalement, il est devenu clair que le régime iranien l'utilisait comme monnaie d'échange avec le gouvernement britannique pour obtenir le règlement d’une dette militaire vieille de plusieurs décennies, et due depuis les années 1970.
La dette, objet du litige, avait été débattue au sein de la politique britannique pendant un certain temps, nombre de personnes soutenant que l'argent ne devrait pas être payé en raison des sanctions prises contre le régime, et par crainte que celui-ci n'utilise cet argent pour renforcer sa campagne de terreur.
Achouri a précisé: «Ce n'était pas moi qui étais important, c'était mon passeport qui était arrêté, et le titulaire de ce passeport, c'était moi».
Achouri a été libéré avec Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une compatriote ayant la double nationalité, arrêtée pour de fausses accusations similaires, après que la Grande-Bretagne a payé l'argent pour un contrat de chars d’assaut qui n'avait pas été respecté après la révolution de 1979.
Téhéran et Londres ont tous deux affirmé qu’il n’existait pas de rapport entre le paiement de la dette et la libération des prisonniers. Mais il y en a encore d'autres personnes qui endurent «l'enfer» dont Achouri s'est échappé. Morad Tahbaz, protecteur de la faune sauvage, né en Grande-Bretagne, a été laissé pour compte.
«Il est malade et a besoin de soins médicaux», a soutenu Achouri. «Parfois, je pense que cela aurait dû être lui au lieu de moi dans cet avion, et le sentiment de culpabilité que j’ai d'avoir laissé derrière vous toutes ces bonnes personnes est vraiment douloureux. C'est quelque chose que je n'arrive pas à accepter. J'appelle [le Premier ministre britannique] M. Johnson à achever cet excellent travail et à s'assurer qu'ils reviendront – Morad et les autres ressortissants britanniques.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com