GENÈVE: Rien ne laissait présager le drame, quand les cinq membres d'une famille française se sont précipités jeudi les uns après les autres du 7e étage de leur appartement de Montreux, en Suisse.
L'enquête « permet d’écarter l’intervention d’un tiers et laisse supposer que toutes les victimes ont sauté du balcon les unes après les autres », estimait mardi la police du canton de Vaud, cinq jours après le drame qui s'est déroulé dans cette ville cossue des bords du lac Léman.
Sur les cinq membres de la famille - un homme, son épouse et sa sœur jumelle qui vivait avec la famille ainsi qu'une fillette de 8 ans et un adolescent de 15 ans - seul le garçon a survécu.
Après une chute de 20 mètres du 7e étage de l'appartement où la famille « vivait retirée de la société » selon la police, le jeune homme se trouve toujours dans le coma et il est hospitalisé dans un état stable.
Plus un bruit
Les enquêteurs ont pu reconstituer le déroulé des faits, entre l'arrivée de deux gendarmes à l'appartement aux alentours de 6H15 pour un problème de scolarisation à domicile de l'adolescent et exécuter un mandat d'amener.
Ils ont frappé à la porte et entendu une voix leur demandant qui était là. Après s'être annoncés, ils n'ont plus entendu de bruit provenant de l'intérieur et sont repartis. La procédure ne justifiant pas une ouverture forcée du domicile.
Selon les enquêteurs c'est peu après, aux alentours de 07H00, que « toutes les victimes ont sauté du balcon les unes après les autres », dans un intervalle de cinq minutes.
Les enquêteurs, qui ont trouvé un escabeau sur le balcon d'où ont sauté les membres de cette famille, n'ont pu déceler aucune trace de lutte, ce qui semble bien conforter la thèse de gestes volontaires.
« Avant ou pendant les faits, aucun témoin, y compris les deux gendarmes présents sur place dès 06h15 et les passants se trouvant au bas de l’immeuble, n'a entendu le moindre bruit ou cri en provenance de l'appartement ou du balcon », souligne le communiqué.
« Les investigations techniques ne montrent aucun signe avant-coureur d’un tel passage à l'acte », souligne la police, notant toutefois que « depuis le début de la pandémie, la famille était très intéressée par les thèses complotistes et survivalistes ».
Stock de vivres
La famille vivait en quasi-autarcie, retirée de la société.
Elle avait constitué un stock impressionnant de vivres en tout genre, très bien organisé, occupant la majeure partie des différentes pièces de l’appartement, devant lui permettre de faire face à une crise majeure, souligne un communiqué de la police.
Seule la sœur jumelle de la maman travaillait à l’extérieur du domicile, précisent les enquêteurs.
Ni la maman, ni la fillette n'étaient enregistrées auprès des autorités et cette dernière n'allait pas à l'école.
« L’ensemble de ces éléments suggère, chez les membres de cette famille, la crainte d’une immixtion de l'autorité dans leur vie », souligne le communiqué.
Selon le Journal du Dimanche, le père, Éric David, qui a grandi à Marseille dans un des quartiers les plus cossus de la ville, est un ancien de l'école Polytechnique, une des plus prestigieuses écoles de France.
Les deux soeurs jumelles, Nasrine et Narjisse Feraoun, ont grandi au sein d'une fratrie de cinq enfants qui ont tous été scolarisés au prestigieux lycée Henri-IV à Paris, indiquait le journal ce week-end.
Il soulignait aussi que les deux femmes - la mère des enfants était dentiste et sa sœur ophtalmologue - sont les petites-filles de l'écrivain algérien Mouloud Feraoun, un proche d'Albert Camus, assassiné par l'OAS, le groupe armé pro Algérie française.