CASABLANCA: Les hauts faits de l’intelligence artificielle ne sont plus à démontrer, mais d’année en année les bastions de supériorité humaine se réduisent comme peau de chagrin.
Au terme de deux journées de compétition organisée cette semaine par la start-up, le programme d’IA Nook a eu de meilleurs résultats que les champions en titre dans 83,7% des 80 parties jouées durant la compétition, selon Jean-Baptiste Fantun, le directeur général de NukkAI.
Nook est une intelligence artificielle conçue, originellement par l’entreprise française NukkAI.
Elle a réussi, l’exploit, de battre huit champions internationaux de bridge alors que ce célèbre jeu de cartes restait, y compris pour les logiciels les plus performants, trop complexe à assimiler pour les machines.
Deep Blue
Si l’intelligence artificielle est loin d’égaler, pour l’instant en tout point, l’intelligence humaine. En revanche, elle la dépasse en certains domaines en imitant sa logique et son fonctionnement, disposant, en renfort, une capacité de stockage de données qui ne souffre aucune concurrence humaine et une vitesse de traitement inégalable. L’IA prend donc, pas à pas, l’avantage sur les hommes ayant la plus haute maîtrise de leur domaine de compétence. En la matière, l’histoire connait une évolution à sens unique depuis les années 50, lorsque le mathématicien Alan Turing s’est, déjà, demandé si une machine était capable d’adopter des schémas de pensée comparables à l’intelligence humaine. Le bras de fer, de prime abord gagné sans grande difficulté contre Backgammon, Othello, ou encore Puissance 4 a connu un point de bascule dans la mémoire collective, et ce, à l’issue de la confrontation entre Garry Kasparov champion du monde et Deep l’ordinateur conçu par IBM.
Du 10 février 1996 au 17 février 1996, Deep Blue remporte la première partie, mais Kasparov parvient à décrocher trois victoires, le match se soldant par un score de 4-2 en faveur du joueur humain.
Un an plus tard, un match revanche, au retentissement mondial, en six parties entre Kasparov et Deep Blue a vu s'incliner le joueur d’échec le plus impressionnant de son époque, contre l'ordinateur, sur un score de 2,5 à 3,5 en faveur de Deep Blue.
Depuis, l’intelligence artificielle a fait des progrès gigantesques. Elle est maintenant capable de battre l’homme, non seulement sur des jeux de calcul et de société, mais aussi sur des jeux où le langage et les émotions entrent en jeu et sont partie intégrante de la confrontation.
Histoire du Bridge
Au XIVe, les jeux de cartes arrivent en Europe depuis le Moyen-Orient, via le sud, l'Italie et l'Espagne. Au XVè, le principe de l'atout du tarot adapté aux cartes ordinaires est appelé « Triomphe», «Trumpf » en Allemagne, il devient le « French Trump » en Angleterre ce qui sera, à la fin du XIX, le Bridge, tel qu’on le joue aujourd’hui.
Nook vu par les champions
Jeudi soir, la championne Nevena Senior a eu la preuve par l’exemple en déclarant à nos confrères de l'AFP «C'est vraiment le seul robot qui peut battre des champions». Elle confirmait, ainsi, son appréciation face au nombre des joueurs invités à Paris pour ce défi diffusé et commenté en direct sur les plateformes de streaming.
Brad Moss, un autre joueur, saluait également, après une journée face à son micro-ordinateur dans des locaux de NukkAI les performances de Nook qui serait «bien plus avancée » que les autres robots jouant au bridge auprès de nos confrère de l'Agence France Presse.
Selon le député et mathématicien français, Cédric Villani les concepteurs de Nook ont d'ores et déjà prouvé qu’ils avaient conçu quelque chose de très original
C'était fascinant de voir les joueurs analyser après coup le jeu de la machine, et essayer de se perfectionner, a-t-il commenté en marge de l’événement auquel il a participé cette semaine.
Hybride
La spécificité de Nook se situe dans son caractère qualifié d’hybride, à savoir sa capacité à allier deux grandes traditions de l'intelligence artificielle, l'intelligence symbolique reposant sur l'apprentissage de règles logiques, et l'intelligence numérique, reposant sur l'ingestion préalable d'énormes quantités de données par des réseaux de neurones semblables aux travaux d’Alphazero développé par Google dans le monde des échecs.
Ce caractère hybride permet la possibilité d'expliquer les choix opérés par l’IA. C’est l’un des défis majeurs pour les réseaux de neurones qui sont très performants mais restent souvent des boîtes noires aux décisions indéchiffrables, voire même incompréhensibles, y compris pour les intelligences humaines les plus aigües et pour les concepteurs de ces logiciels.
Pour le fondateur de NukkAI l’explicabilité est fondamentale pour que «l'humain garde la main et ne se fasse pas dépasser par sa créature.»