LA ROCHELLE: Six ans après le drame du car de Rochefort qui a causé la mort de six adolescents, le procès d'une "erreur humaine" s'ouvre lundi devant le tribunal correctionnel de la Rochelle où le chauffeur d'un camion-benne doit répondre seul d'"homicides et blessures involontaires".
Au petit matin du 11 février 2016, vers 7H15, alors qu'il faisait encore nuit et qu'il bruinait à Rochefort (Charente-Maritime), l'autocar transportant quinze adolescents avait été littéralement cisaillé sur toute sa longueur par un camion-benne arrivant en sens inverse.
La faute à une ridelle, cette paroi métallique amovible maintenant en place le chargement sur le côté, qui était restée ouverte en position horizontale à 90 degrés, telle une lame géante. "C'était une scène de guerre", se souvient Hervé Blanché, maire LR de Rochefort et avocat de deux rescapés, "marqués à vie par le bruit, l'impact".
Six adolescents, 5 lycéens et 1 collégien, âgés de 15 à 19 ans avaient été tués et deux blessés grièvement, l'un des plus graves accidents de transport d'enfants survenus en France depuis celui de Beaune en 1982 (53 morts dont 44 enfants). Le drame a choqué Rochefort et plus encore Surgères, à 25 km, où les victimes étaient scolarisées.
"Six ans d'attente, c'est long, les parties civiles ont besoin de ce procès. C'est comme un enterrement, une façon de tourner la page et peut-être de faire son deuil", estime Me Blanché.
Certes ce matin là, le ciel était brumeux et l'autocar, reliant Surgères à Saint-Pierre-d’Oléron, empruntait une déviation au lieu du parcours habituel. Mais "ça n'était pas simplement de la malchance", estime Sandrine Audet qui a perdu son fils de 15 ans, Florian. "A la base, il y a une erreur humaine, qui a coûté la vie à 6 enfants et détruit beaucoup de familles". Comme d'autres parents qui abordent ce procès avec "angoisse", elle n'a "pas pu dire au revoir" à son garçon, en raison de l'état de sa dépouille.
Jusqu'à mercredi, les 42 parties civiles vont replonger dans le scénario de la collision, face à un seul homme, le conducteur du camion, 23 ans au moment des faits. Une question sera au coeur des débats: pourquoi cette ridelle était ouverte?, une position qualifiée d'"inhabituelle" et "dangereuse" par le parquet à l'époque.
«Charge émotionnelle»
L'instruction, jalonnée d'expertises, contre-expertises et recours, avait imputé l'accident, sans stupéfiants ni alcoolémie, à cette ridelle oubliée en position horizontale et que le conducteur du camion n'avait aperçue qu'au dernier moment.
Cette pièce lourde de 450 kg et épaisse de 8 cm, était dépliée du côté gauche, et peu avant le drame un automobiliste avait dû faire un écart pour l'éviter.
Le jeune chauffeur, qui a fait l'objet d'une "procédure d'éloignement" de la région, comparaît libre et encourt 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende. Certaines parties civiles auraient voulu le voir jugé au côté de son ex-employeur Eiffage mis en examen fin 2020, mais qui a bénéficié d'un non-lieu confirmé en appel en février.
La justice a exclu toute responsabilité pénale, considérant qu'aucune "défaillance mécanique propre au camion-benne" et "aucun manquement à la législation relative à la sécurité" ne pouvaient être reprochés au groupe de BTP. Car, à l'époque, aucune norme n'imposait aux camions d'être équipés d'alarmes sonore et visuelle qui auraient prévenu le conducteur.
"Mes clients attendent des réponses, mais quelle peine infliger? La douleur des victimes comment la réparer? Ce jeune homme a commis une erreur qui a eu des conséquences effroyables mais elle est involontaire", souligne Me Stéphane Ferry, avocat de la famille Audet et d'une autre.
"Le prévenu attend cette audience avec impatience, compte tenu du temps écoulé, et appréhension, compte tenu de la charge émotionnelle qui marquera les débats. La mémoire de ces malheureuses victimes commande que la justice soit à la hauteur et au rendez-vous, nous y contribuerons", a déclaré son avocat Thierry Sagardoytho dans un courriel à l'AFP.
Le délibéré sera rendu dans quelques semaines.