Vibrant appel de Zelensky au Congrès américain, Poutine qualifie l'invasion de « succès»

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'adresse virtuellement au Congrès américain le 16 mars 2022, à l'US Capitol Visitor Center Congressional Auditorium, à Washington, DC. (AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'adresse virtuellement au Congrès américain le 16 mars 2022, à l'US Capitol Visitor Center Congressional Auditorium, à Washington, DC. (AFP)
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Publié le Mercredi 16 mars 2022

Vibrant appel de Zelensky au Congrès américain, Poutine qualifie l'invasion de « succès»

  • Volodymyr Zelensky a interpellé son homologue américain Joe Biden, l'exhortant à être le «leader du monde» et le «leader de la paix»
  • L'opération militaire lancée le 24 février est « un succès», a martelé le président russe dans un discours défendant vertement l'invasion, et cela alors que l'armée russe ne peut revendiquer la prise d'aucune grande ville du pays

KYVIV : Vladimir Poutine a assuré mercredi que l'invasion russe de l'Ukraine était "un succès", son homologue Volodymyr Zelensky lançant lui un nouveau vibrant appel à l'aide, en pleines négociations sur une éventuelle neutralité ukrainienne.

L'opération militaire lancée le 24 février est "un succès", a martelé le président russe dans un discours défendant vertement l'invasion, et cela alors que l'armée russe ne peut revendiquer la prise d'aucune grande ville du pays. 

La Russie ne laissera jamais l'Ukraine devenir une "tête de pont" pour des "actions agressives" contre la Russie, a-t-il ajouté. 

Juste avant, le président Zelensky avait lui lancé par visioconférence un appel à l'aide vibrant devant le Congrès américain. Ovationné, il a de nouveau réclamé l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine.

"J'ai une nécessité, la nécessité de protéger notre ciel. J'ai besoin de votre décision, de votre aide," a-t-il lancé. "Est-ce trop demander de créer une zone d'exclusion aérienne (...) pour sauver des gens? Est-ce trop demander, une zone d'exclusion aérienne humanitaire?", a-t-il ajouté, avant de faire projeter des images des Ukrainiens sous les bombes.

"Souvenez-vous de Pearl Harbor, ce terrible matin du 7 décembre 1941, quand votre ciel était assombri par les avions qui vous attaquaient, (...) souvenez-vous du 11-Septembre, ce terrible jour de 2001", a-t-il aussi déclaré. "Cette terreur, l'Europe ne l'a pas vécue depuis 80 ans".

Le président américain Joe Biden a jusqu'ici rejeté une zone d'exclusion aérienne, de peur de voir les Etats-Unis et l'Otan entraînés dans un conflit qui pourrait se transformer en 3e guerre mondiale. 

Il devait néanmoins annoncer mercredi après-midi une nouvelle assistance sécuritaire de 800 millions de dollars pour aider Kiev.

Tués en faisant la queue

Ces déclarations des deux présidents interviennent sur fond d'intensification des frappes russes sur les villes ukrainiennes ces derniers jours, même si les avancées des forces de Moscou semblent au ralenti. 

Plus de trois millions d'Ukrainiens - dont près de la moitié d'enfants - ont déjà pris les routes de l'exil, en grande majorité vers la Pologne.

La capitale Kiev, vidée de plus de la moitié de ses 3,5 millions d'habitants, est sous couvre-feu depuis mardi 20H00 (18H00 GMT) et jusqu'à jeudi 07H00, après que plusieurs missiles eurent touché des immeubles d'habitation lundi et mardi. 

Plusieurs explosions ont à nouveau été entendues à l'aube mercredi. D'épaisses colonnes de fumées noires s'élevaient peu après au-dessus de la ville, comme la veille.

Dans la ville de Tcherniguiv, au nord de Kiev, dix personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain ont été abattus mercredi par des tirs, a indiqué le parquet général ukrainien.   

Et plus de 500 personnes sont mortes depuis le début de la guerre dans la deuxième ville du pays, Kharkiv, proche de la frontière russe, bombardée sans répit, selon les secours ukrainiens.

Des milliers de personnes restent toujours coincées sous les bombardements à Marioupol, terrées dans des caves, même si quelque 20.000 personnes ont pu mardi quitter ce port stratégique sur la mer d'Azov assiégé depuis des jours, en direction de Zaporojie, à plus de 200 km au nord-ouest. 

Mais cette ville refuge a pour la première fois depuis le début du conflit été visée, la gare ayant été touchée mercredi par au moins un missile, apparemment sans faire de victime, selon le gouverneur régional. C'est dans cette région que se trouve la plus grande centrale nucléaire d'Europe, que les Russes occupent depuis le 4 mars.

"Modèle ukrainien

L'offensive et la détermination des deux camps n'empêchent pas la poursuite en parallèle de pourparlers, relancés lundi par visioconférence au niveau des délégations.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a indiqué mercredi que les négociateurs discutaient désormais d'"un compromis", qui ferait de l'Ukraine un pays neutre, sur le modèle de la Suède et de l'Autriche.

"Il y a des formules très concrètes qui, je pense, sont proches d'un accord", a affirmé aussi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, soulignant que les pourparlers "ne sont pas faciles".

Sans démentir des discussions sur une neutralité, le négociateur-en-chef ukrainien a rejeté "un modèle suédois ou autrichien" et insisté sur des "garanties de sécurité absolues" face à la Russie, dont les signataires s'engageraient à intervenir au côté de l'Ukraine en cas d'agression. 

"L'Ukraine est maintenant en état de guerre directe avec la Russie. Par conséquent, le modèle ne peut être qu'+ukrainien+", a déclaré Mykhaïlo Podoliak sur son compte Telegram.

Le président Zelensky avait estimé dans la nuit de mardi que les positions des deux camps étaient désormais "plus réalistes", tout en estimant qu'il faudrait "encore du temps pour que les décisions soient dans l'intérêt de l'Ukraine". 

Il s'était dit auparavant prêt à renoncer à toute adhésion de son pays à l'Otan, un casus belli pour la Russie.

M. Zelensky n'a pas caché qu'il espérait aussi obtenir une rencontre avec M. Poutine. 

"Il n'y a pas d'obstacle à l'organisation d'une telle rencontre", a indiqué mercredi M. Lavrov, tant que "ce n'est pas juste pour faire une photo pour internet. Il faut qu'il y ait une vraie valeur ajoutée (...) pour la résolution du conflit".  

Après un entretien, les chefs des Eglises catholique et orthodoxe russe, le pape François et le patriarche Kirill, "ont souligné l'importance cruciale du processus de négociations en cours, exprimant l'espoir d'arriver rapidement à une paix équitable", a indiqué le patriarcat de Moscou.

Médiation turque

Sur le front diplomatique, la Turquie, pays membre de l'Otan mais ayant refusé de s'associer aux sanctions contre Moscou, poursuit ses efforts de médiation. Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu était à Moscou mercredi, et devait se rendre jeudi en Ukraine.

Il succédera aux Premiers ministres polonais, tchèque et slovène. MM. Mateusz Morawiecki, Petr Fiala et Janez Jansa, se sont rendus mardi à Kiev, après un long périple en train, pour assurer le président ukrainien de leur soutien. 

Parallèlement, la Pologne a réclamé la mise en place d'une "mission de paix" de l'Otan, "protégée par les forces armées" pour venir en aide à l'Ukraine. 

Le sujet pourrait être abordé lors du sommet extraordinaire de l'Otan prévu le 24 mars à Bruxelles, où Joe Biden se rendra.

"Blitzkrieg"

A défaut d'intervenir militairement directement, les Occidentaux continuent de fournir des armes à l'Ukraine et de durcir leurs sanctions.

Moscou avait répliqué mardi avec des contre-sanctions visant Joe Biden, le Premier ministre canadien Justin Trudeau et plusieurs membres de leurs gouvernements.

Mercredi, Vladimir Poutine a promis des aides financières aux particuliers et aux entreprises, qualifiant les sanctions à un "blitzkrieg" contre la Russie. Il a aussi comparé les condamnations et exclusions occidentales frappant les sportifs et le monde culturel russe aux "pogroms antisémites".

Les autorités russes continuent en parallèle à réprimer toute opposition à la guerre. 

Après l'arrestation d'une employée de la Première chaîne russe qui avait protesté contre la guerre en faisant irruption lundi soir sur le plateau du journal télévisé, les autorités ont bloqué les sites d'une trentaine de médias supplémentaires, dont le site d'investigation Bellingcat.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »