LEERS: « Une mère et ses enfants qui fuient la guerre... On s'est dit, ‘ça pourrait être nous’ »: dans leur petite maison de Leers (Nord), Guillaume et Amandine Lamoitte accueillent depuis samedi une famille ukrainienne, alliant « débrouille » et « partage ».
« Il y a dix jours, on ne se connaissait pas. Aujourd'hui, on fête ensemble l'anniversaire de ma mère », sourit Guillaume, 37 ans. Au bout de la table, Edith, 60 ans aujourd'hui, découpe une tarte aux fraises.
Regard cerné mais souriant sous sa frange rousse, Tetiana Drozd, 47 ans, hoche la tête pour remercier son hôte. Sa fille Kateryna, 20 ans, déjà surnommée « Katya » par toute la famille, baragouine quelques mots d'anglais. Quand elle ne trouve plus ses mots, son frère Serhii, 14 ans, vient à sa rescousse.
Sur la nappe, tous font glisser leurs téléphones, échangeant anecdotes et questions « grâce à Google traduction ».
« On est bien aidé par la technologie! Mais on fait aussi des gestes, on rit, les enfants échangent par le jeu, le dessin. C'est assez facile de se comprendre », se réjouit Guillaume, qui les hébergera « le temps qu'il faudra ».
L'idée est venue « dès le début, en voyant les premières images des gens qui quittaient leur foyer », raconte-t-il. « On a deux enfants. On s'est dit qu'il pourrait nous arriver la même chose. Accueillir, c'était la bonne chose à faire ».
« Arrivés sans rien »
Le couple s'était « déjà posé des questions » lors de précédents afflux de réfugiés, « surtout » à la vue d'une famille afghane près de Calais. « Mais cette fois, c’est facilité par une simplicité législative, administrative », mise en place par l'Union européenne.
Fin février, Guillaume « se porte immédiatement volontaire » auprès de la préfecture, mais n'obtient pour retour qu'un accusé de réception. Très connecté, il tombe vite sur un groupe Télégram ukrainien, où « des milliers d'Ukrainiens s'échangent des conseils ». Il y poste une proposition d'hébergement, traduite automatiquement.
A 1 400 km, Katya répond depuis Varsovie. Elle a fui les bombardements à Kharkiv, où elle était étudiante, et a d'abord rejoint sa famille près de Perchotravensk, cité minière du sud-est de l'Ukraine. Mais face à l'avancée des Russes, mère et enfants ont fui à l'Ouest, le père restant pour combattre.
Boxeuse professionnelle, Katya est « déjà venue en France » pour des championnats, notamment à Nantes ou près de Nice, mais « jamais à Lille », dit-elle. Sur Telegram, les Lamoitte suivent »au jour le jour » leur éprouvant périple de sept jours via Berlin, puis Paris.
« Ils sont arrivés épuisés, avec trois sacs à dos. Ils avaient abandonné leurs valises sur un quai, en Ukraine, pour permettre à plus de monde de monter dans le train », s'émeut Guillaume. « Toutes les interrogations qu'on avait, sur le fait d’accueillir des inconnus, ont vite été balayées ».
« Chaîne de solidarité »
A l'étage, le couple a réaménagé une grande pièce qui « servait de bureau », avec des lits récupérés.
« Il n’y a pas besoin d’énormément de choses. Ils ont seulement besoin de se sentir en sécurité », estime Amandine, 33 ans. « On a reçu beaucoup d'aide, d'amis ou famille qui ont donné des pyjamas, chaussettes, vêtements à la bonne taille », se réjouit-elle.
Un commerçant a même offert des fruits et légumes, « aidant pas mal pour le budget ». « Si on devait trouver tout ça, je ne sais pas si on y arriverait, mais il y a vraiment une grande chaîne de solidarité », dit-elle.
Sourire appuyé, mais mélancolique, Katya ne cesse de « remercier cette famille, et tous ceux, en Europe, qui s'inquiètent pour l'Ukraine ». Si elle « a très peur » pour ses proches, restés à 80 km du front, elle dit « se sentir vraiment bien ici ». Cette semaine sera consacrée aux démarches administratives, « pour pouvoir vite travailler ».
Deux autres familles ont déjà écrit à Guillaume. L'une « cherche encore à quitter l'Ukraine » et devrait s'installer chez ses parents, Edith et Patrice. La troisième a été « mise en contact avec des gens dans le Sud ».
« Dans dix ans, mon frère et moi, on aura l'âge de Katya et Serhii », observe Alice, 9 ans, en distribuant des chocolats. Amandine acquiesce. « On se ressemble beaucoup ».