L'Ouest ukrainien, entre exode hongrois et afflux de déplacés

Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux. (Photo, AFP)
Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux. (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 13 mars 2022

L'Ouest ukrainien, entre exode hongrois et afflux de déplacés

  • À la fuite des habitants de la minorité hongroise craignant d'être enrôlés, succède l'arrivée d'une partie des deux millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays
  • Des Ukrainiens ont fui l'invasion russe jusqu'à Tijuana, plus grand poste frontalier au monde entre le Mexique et les Etats-UnisRuss

BEREHOVE : Les uns partent, les autres cherchent un refuge: la guerre a bouleversé le quotidien de la ville frontalière ukrainienne de Berehove, pourtant épargnée par les combats.

À la fuite des habitants de la minorité hongroise craignant d'être enrôlés, succède l'arrivée d'une partie des deux millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays.

Ici la moitié de la population est d'origine hongroise, l'héritage magyar omniprésent et les écriteaux s'affichent dans les deux langues.

Mais désormais, on entend surtout parler ukrainien dans la rue. Sur la place principale, un grand écran diffuse en boucle des images d'un clip promotionnel de l'armée.

Hôtels, logements, écoles accueillent ceux qui ont tout quitté devant l'invasion russe et les bombardements incessants.

"Nous affichons complet. Ils ont réservé des chambres pour des semaines, voire pour certains des mois", commente Konstantyn Popovych, 34 ans, gérant de l'hôtel Olesja en plein centre.

Mosaïque et tensions

L'adjoint au maire estime entre "4 000 et 5 000" le nombre de nouveaux arrivants dans la commune de 22 000 habitants, qui a à l'inverse déjà vu partir plusieurs milliers de Hongrois.

"Dès que la guerre a éclaté et que le gouvernement a décrété la mobilisation générale, beaucoup ont fait leurs bagages, souvent pour rejoindre des proches ou amis dans leur patrie d'origine", explique Istvan Vincze.

Interrogé par l'AFP devant la mairie, où flottent sur le fronton drapeaux ukrainien et hongrois, l'élu s'inquiète des conséquences de ces départs massifs. "Je comprends leurs raisons, leur envie d'échapper à la guerre, la perspective d'une vie meilleure, mais nous voulons évidemment qu'ils reviennent vite", dit-il.

La Transcarpatie, coupée géographiquement du reste de l'Ukraine par la partie orientale des Carpates, était sous contrôle de Budapest jusqu'à la Première Guerre mondiale. Ballottée entre Etats, elle a finalement intégré en 1991 l'Ukraine devenue indépendante.

Cette région compte 1,2 million de personnes: aux côtés des Ukrainiens, cohabite une mosaïque de minorités, les Hongrois étant les plus nombreux.

Mais on craint maintenant que la guerre n'avive des relations tendues de longue date, sur fond de sentiment d'abandon par Kiev et de craintes d'assimilation forcée.

En 2017, une loi renforçant la place de l'ukrainien à l'école avait suscité l'inquiétude. Le dirigeant hongrois souverainiste Viktor Orban, dénonçant une discrimination, en avait fait un argument pour bloquer toute velléité d'accession de l'Ukraine à l'Otan.

Dans le même temps, il a choyé la diaspora hongroise depuis son retour au pouvoir en 2010 en accordant aide financière, droits de vote et double citoyenneté.

"Seul Orban s'occupe de nous", lance une retraitée, croisée aux abords d'un lycée rénové avec des fonds hongrois. "Sans ce soutien, nous n'aurions rien", ajoute-t-elle sous couvert d'anonymat. 

À 10 000 km de Kiev, des réfugiés ukrainiens bloqués aux portes des Etats-Unis au Mexique

TIJUANA : Des Ukrainiens ont fui l'invasion russe jusqu'à Tijuana, plus grand poste frontalier au monde entre le Mexique et les Etats-Unis, où ils espèrent se réfugier chez un proche à 10 000 km de Kiev malgré l'intransigeance américaine.

Natalia Poliakova, 25 ans, raconte qu'elle a commencé dès le 24 février au premier jour de la guerre un voyage de 40 heures de Kiev à Budapest, puis Barcelone, Bogota, Mexico, et enfin Tijuana.

La jeune styliste raconte qu'elle venait de trouver un très bon poste à Kiev. Et qu'en 2014, elle avait déjà dû abandonner sa Crimée natale, annexée par la Russie, pour se réfugier à Kiev.

La jeune femme cherche à rejoindre une tante qui vit aux Etats-Unis, mais assure vouloir revenir en Ukraine. "Nous voulons tous rentrer à la maison et reconstruire notre pays".

Au bout de son périple, elle affiche ce samedi la même désillusion que les milliers de migrants centro-américains qui sont chaque année interdits de territoire états-unien après un long voyage jusqu'à Tijuana.

"Le gouvernement des Etats-Unis dit: 'nous vous aiderons', mais cela fait des jours que nous sommes dans la rue", soupire la styliste de 25 ans, les traits tirés.

Avec son anglais parfait, elle aide ses compatriotes dans la même situation qu'elle face aux agents du CBP américain (Agence de protection des douanes et des frontières).

Ces derniers jours, l'AFP à Tijuana a pu constater l'arrivée récente d'Ukrainiens qui demandent l'asile aux frontières des Etats-Unis. Quelques familles ont pu passé au compte-goutte.

"Il en arrive plus ou moins 20 par jour", a déclaré côté mexicain un officiel de l'Institut national de Migration (INM), cité par le journal Milenio.

"Ils n'ont aucun type de documents (...)" donc les autorités américaines "ne laissent passer personne", ajoute au même journal Jann Budd, une militante aidant les migrants qui affirme "identifier les familles ukrainiennes" qu'elle rencontre.

Les Etats-Unis appliquent le "Titre 42", qui permet aux agents des frontières d'écarter les demandeurs d'asile et les migrants pour des raisons sanitaires. Cette disposition a été mise en place au début de la pandémie par l'administration Trump.

À Tijuana, tout près du poste-frontière de San Ysidro, les Ukrainiens cotoient quelques Russes et Bélarusses, dont les deux gouvernements sont alliés dans l'invasion de l'Ukraine.

Un Bélarusse de 40 ans, qui se présente sous le nom d'Andrei, assure avoir fui des persécutions politiques. Il cherche aussi à rejoindre des proches aux Etats-Unis. "Si je retourne au Bélarus, je vais en prison".

D'après le service américains, l'arrivée des Ukrainiens via le Mexique a augmenté ces derniers mois après une chute drastique en 2020-2021, années de pandémie.

À la frontière des Etats-Unis, Tijuana a davantage l'habitude de voir transiter des centro-américains du Guatemala, Honduras, Salvador ou Nicaragua, souvent privés du rêve américain après un long voyage. 

Le poste-frontière de San Ysidro est réputé être le plus fréquenté au monde (7,3 millions de piétons et 25,5 millions d'automobiles, d'après la presse mexicaine en 2019, citant l'administration américaine).

«Crève-coeur»

Les Ukrainiens, eux, déplorent les liens tissés par le Premier ministre hongrois avec le président russe Vladimir Poutine, et le soupçonnent de convoiter la Transcarpatie. 

Ils lui reprochent aussi son refus de laisser passer sur son territoire des armes létales destinées à l'Ukraine.

Mais pour Istvan Vincze, "l'heure n'est pas à l'affrontement ethnique. Il faut agir ensemble".

Et de citer la mise en place de cinq centres d'accueil pour les Ukrainiens venus de l'Est. 

Dans un pensionnat de la ville, Kyril, metteur en scène de théâtre de 41 ans, apprécie cette offre de couvert et logis qui vient adoucir un peu l'exode.

Originaire de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe, il raconte la soudaine annulation de la tournée prévue.

"Tout a basculé du jour au lendemain", confie-t-il, assis sur un lit aux côtés de sa famille. Sa femme Lubov, scénographe, "s'inquiète" pour ses parents bloqués dans une ville "bombardée depuis plusieurs jours", "sans lumière ni gaz" pour se chauffer.

"Il y a tant de témoignages crève-coeur", soupire le directeur de l'établissement, Arpad Szabo, dans les couloirs. Et de "prier pour que l'école retrouve son cours normal". Car depuis le début de la guerre, les enfants n'ont pas classe.

En Finlande, les frontaliers de la Russie entre flegme et inquiétude

IMATRA : Dans sa maison de bois couverte de neige à 20 minutes de la frontière russe, Maija Pöyhä a sur sa tête le foulard bleu traditionnel que sa mère portait lorsqu'elle a fui l'invasion de la Finlande par l'URSS en 1939.

"La maison d'enfance de mon père est toujours du côté finlandais", mais celle de sa mère est aujourd'hui en Russie, explique la septuagénaire à l'AFP.

Dans sa petite ville de Lappeenranta comme ailleurs dans cette région finlandaise voisine de la Russie, la guerre en Ukraine a réveillé des parallèles douloureux avec la "guerre d'Hiver", lorsque les troupes soviétiques ont envahi la Finlande par surprise, franchissant la frontière longue aujourd'hui de 1 340 kilomètres.

Comme en Ukraine aujourd'hui, la petite armée finlandaise avait surpris le monde par sa résistance acharnée et les lourdes pertes infligées à l'Armée rouge.

La Finlande, indépendante du voisin russe depuis 1917, avait toutefois dû perdre la moitié de sa province de Carélie, entraînant le déplacement de presque un demi-million de personnes, avant de se compromettre dans une deuxième guerre (1941-1944) avec cette fois une alliance de facto avec l'Allemagne nazie.

Durant toute la guerre froide, Moscou garda ensuite aussi un droit de regard étroit sur le pays nordique, qui lui interdisait notamment de rejoindre l'Otan.

Visiteurs russes

Aujourd'hui, le mari de Maija, Seppo Laaksovirta, trouve que la Finlande devrait rejoindre l'alliance militaire occidentale - comme pour la première fois une majorité de Finlandais, à la suite de l'invasion de l'Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine.

"Ca fera plus de bien que de mal", assure le Finlandais de 76 ans. "Aujourd'hui on a des armes d'Amérique et de l'Ouest ici. Dans les années 60, elles étaient russes".

Malgré les traumatismes historiques de ce coin de Carélie, ni lui ni sa femme ne se disent toutefois inquiets d'une invasion russe. "Je ne connais personne ici qui nous ait dit qu'il fallait que nous soyions sur nos gardes", dit-il.

Pour la maire de la ville voisine d'Imatra, Anna Helminen, l'inquiétude est plutôt de voir s'effacer les liens reconstruits ces dernières décennies avec les Russes.

Dans sa ville de 26 000 habitants, un millier de résidents ont la nationalité russe et la ville doit son essor "au pouvoir d'achat russe", explique-t-elle.

Les commerces, hôtels et spas d'Imatra ont déjà souffert de l'absence de touristes russes durant la pandémie.

"Maintenant bien sûr, la même situation va continuer", déplore la dirigeante élue du conseil municipal.

Une nouvelle liaison ferroviaire avec Saint-Pétersbourg et plusieurs autres projets transfrontaliers "ont disparu du jour au lendemain", de même que "les contacts quotidiens", après l'invasion de l'Ukraine et les lourdes sanctions contre l'économie russe.

Même s'il a lancé une réévaluation de la stratégie de sécurité du pays, le gouvernement finlandais a affirmé qu'il ne voyait pas de "menace imminente" de conflit avec la Russie.

«Comme un rat»

"On veut croire à ça et voir l'avenir avec optimisme", souligne Mme Helminen, "mais bien sûr cette situation laissera des traces, y compris dans les échanges entre les gens" des deux côtés de la frontière.

Des groupes communautaires de Finlandais russophones se sont inquiétés d'une montée d'un sentiment antirusse ces dernières semaines, notamment sur les réseaux sociaux.

Anastasia Petrichina, une Russe qui vit et travaille près d'Imatra depuis dix ans, dit ne pas avoir observé ce phénomène. Ses amis finlandais "comprennent que la Russie en tant qu'Etat n'est pas la même chose que le peuple russe", dit cette responsable de qualité dans le secteur pharmaceutique.

"Mais je ne peux pas être sûre à 100% de ce qu'il en sera à l'avenir, surtout venant de gens qui ne me connaissent pas personnellement", reconnaît cette mère de deux enfants.

Elle a aussi renoncé à un projet de visite auprès de sa fille aînée à Saint-Pétersbourg. "Je ne veux pas être coincée là bas comme un rat", incapable de revenir en Finlande, explique Anastasia Petrichina.

Les lois draconiennes en Russie menaçant de prison quiconque critique "l'opération spéciale" en Ukraine l'ont aussi poussée à réduire au minimum ses conversations avec ses proches en Russie sur la guerre.

"Optimiste pas principe", la Russe de Finlande croit que les choses finiront par s'améliorer. "Mais la question c'est: 'Combien de temps ça va prendre?'".


Deuxième session de discussions entre l'Iran et les États-Unis sur le nucléaire à Rome

Une photo montre l'entrée de l'ambassade d'Oman à Rome, où se tiendra le deuxième cycle de négociations nucléaires entre l'Iran et les États-Unis, le 19 avril 2025. (Photo d'Andreas SOLARO / AFP)
Une photo montre l'entrée de l'ambassade d'Oman à Rome, où se tiendra le deuxième cycle de négociations nucléaires entre l'Iran et les États-Unis, le 19 avril 2025. (Photo d'Andreas SOLARO / AFP)
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  • Iran et États-Unis reprennent ce samedi à Rome les pourparlers sur le programme nucléaire iranien, une semaine après des échanges qualifiés de « constructifs » par les deux pays
  • « Nous sommes conscients que la voie vers un accord sera semée d'embûches », a écrit samedi sur X le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï. 

ROME : Iran et États-Unis reprennent ce samedi à Rome les pourparlers sur le programme nucléaire iranien, une semaine après des échanges qualifiés de « constructifs » par les deux pays, ennemis depuis la Révolution islamique de 1979.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, et l'envoyé américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, tiendront ces discussions sous la médiation du sultanat d'Oman, comme lors des précédents pourparlers tenus à Mascate.

Les pourparlers doivent débuter à « midi, heure d'Iran », soit 10 h 30 à Rome (8 h 30 GMT), a indiqué depuis l'Italie l'envoyée spéciale de la télévision d'État iranienne.

La délégation iranienne est arrivée à Rome dans la nuit, selon des images diffusées samedi par la télévision d'État iranienne, sur lesquelles on peut voir M. Araghchi descendre d'un avion. Il mènera des discussions « indirectes », a précisé la chaîne.

À la veille des discussions, M. Araghchi a fait part de ses « sérieux doutes » quant aux intentions des États-Unis.

« Nous sommes conscients que la voie vers un accord sera semée d'embûches », a écrit samedi sur X le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï. 

M. Araghchi a de nouveau mis en garde les États-Unis contre « des demandes déraisonnables et irréalistes », après que M. Witkoff a réclamé, en début de semaine, un démantèlement total du programme nucléaire, y compris civil.

Les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique d'Iran, ont pour leur part exclu toute discussion sur les capacités militaires et de défense, notamment le programme balistique qui inquiète la communauté internationale.

L'influence régionale de l'Iran figure aussi parmi « les lignes rouges » du pays, selon l'agence de presse officielle Irna.

Téhéran soutient dans la région ce qu'il qualifie d'"axe de la résistance", une alliance de groupes armés hostiles à Israël incluant le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, les rebelles Houthis du Yémen, ainsi que des milices chiites en Irak.

Après le lancement des pourparlers irano-américains, Israël a réaffirmé sa détermination à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire, disant disposer d'un « plan d'action » pour ce faire.


Une plainte pour racisme et islamophobie a été déposée contre la Ligue italienne d'extrême droite

Si l'Agcom estime que le contenu de la Ligue est contraire à la réglementation, elle pourrait agir en vertu de la loi européenne sur les services numériques, qui lui permet d'ordonner la suppression de messages, de fermer des comptes ou d'imposer des amendes aux plateformes de médias sociaux qui ne modèrent pas les contenus préjudiciables. (AFP/File)
Si l'Agcom estime que le contenu de la Ligue est contraire à la réglementation, elle pourrait agir en vertu de la loi européenne sur les services numériques, qui lui permet d'ordonner la suppression de messages, de fermer des comptes ou d'imposer des amendes aux plateformes de médias sociaux qui ne modèrent pas les contenus préjudiciables. (AFP/File)
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  • Les partis d'opposition ont déposé une plainte auprès de l'organisme de surveillance des communications, accusant le parti d'utiliser des images générées par l'intelligence artificielle dans le cadre d'une stratégie d'« incitation à la haine ».
  • Si dénoncer les crimes commis par des étrangers constitue de la « xénophobie », le problème ne serait peut-être pas le mot, mais ceux qui l'utilisent pour censurer le débat », estime le porte-parole de la Ligue.

LONDRES : Le parti italien d'extrême droite, la Ligue, a été renvoyé devant l'organisme de surveillance des communications du pays après que les partis d'opposition ont déposé une plainte concernant des images "racistes, islamophobes et xénophobes" générées par une intelligence artificielle et partagées sur les médias sociaux par le vice -premier ministre et chef du parti, Matteo Salvini.

La plainte a été déposée jeudi auprès de l'Agcom, l'autorité italienne de régulation des communications, par le Parti démocrate de centre- gauche, ainsi que par les Verts et l'Alliance de gauche. Les images publiées par la Ligue contiendraient "presque toutes les catégories de discours de haine", selon The Guardian, qui a été le premier à rapporter l'histoire.

"Dans les images publiées par le parti de Salvini et générées par l'IA, on trouve presque toutes les catégories de discours de haine, du racisme et de la xénophobie à l'islamophobie. Ils utilisent l'IA pour cibler des catégories spécifiques de personnes - les immigrés, les Arabes - qui sont présentées comme des criminels, des voleurs et des violeurs potentiels", a déclaré Antonio Nicita, sénateur du PD.

M. Nicita a également critiqué la décision de flouter les visages des victimes supposées, la qualifiant de "trompeuse" et accusant la Ligue d'induire intentionnellement les utilisateurs en erreur en leur faisant croire que les images étaient réelles.

Emilio Borrelli, député de l'Alliance des Verts et de la Gauche, a déclaré que ces images faisaient "partie de leur stratégie visant à susciter la peur parmi les citoyens" et à "inciter à la haine". 

Au cours du mois dernier, des dizaines d'images apparemment générées par l'IA ont été publiées sur les canaux de médias sociaux de la Ligue, notamment Facebook, Instagram et X. Beaucoup d'entre elles représentent des hommes de couleur, souvent armés de couteaux, attaquant des femmes ou des agents de police.

Un porte-parole du parti de M. Salvini a confirmé que certaines de ces images avaient été générées numériquement, mais il a insisté sur le fait que "le problème n'est pas l'image. L'important, c'est le fait", ajoutant que les posts étaient "basés sur des rapports véridiques de journaux italiens".

Toutefois, des experts en informatique légale ont déclaré que toutes les images en question présentaient des signes évidents d'avoir été générées artificiellement. Ils ont également noté que, bien que les plateformes soient tenues d'étiqueter les contenus générés par l'IA, dans la plupart des cas, les outils de détection automatique n'ont pas réussi à le faire.

Dans l'un des post cités dans la plainte, une mère et un père en tenue islamique semblent crier leur colère à une jeune fille - une représentation qui, selon les plaignants, alimente les stéréotypes raciaux et islamophobes. Le journal cité dans l'article, Il Giorno, ne fait aucune référence à la religion de la famille et n'inclut aucune photographie. Le seul détail donné est que l'enfant a suivi des cours d'arabe.

Comme l'indique le Guardian, l'utilisation d'images générées par l'IA par les partis d'extrême droite en Europe s'est intensifiée ces derniers mois. Les cibles sont souvent des réfugiés de zones de conflit comme la Syrie, le Soudan et l'Afrique subsaharienne, ainsi que des personnes issues d'une autre minorité

 minoritaires. Ces représentations invoquent fréquemment la théorie du complot du "Grand Remplacement", qui a été démentie et qui prétend faussement que l'immigration fait partie d'un complot visant à éroder l'identité et la culture européennes.

Salvini, qui a profité de l'augmentation du nombre de réfugiés en Europe pour conserver un rôle de premier plan dans la politique italienne et plaider en faveur de politiques d'immigration plus strictes, a souvent fait la une des journaux pour des remarques incendiaires, notamment en qualifiant les immigrants - souvent des hommes - de "chiens et de porcs". Fin 2024, il a été acquitté des accusations d'enlèvement et de manquement au devoir, les juges ayant estimé que les preuves présentées par les procureurs étaient insuffisantes pour le condamner. L'affaire découlait d'un incident survenu en 2019, au cours duquel M. Salvini, alors ministre de l'intérieur, avait refusé d'autoriser un navire de sauvetage de migrants espagnols à accoster dans un port italien, laissant les personnes à bord bloquées en mer pendant 19 jours.

Interrogé sur le fait de savoir si la Ligue était consciente que les images pouvaient inciter à la haine, un porte-parole du parti a déclaré : "Nous sommes désolés, mais notre solidarité va aux victimes, pas aux auteurs. Si dénoncer les crimes commis par des étrangers signifie 'xénophobie', le problème n'est peut-être pas le mot mais ceux qui l'utilisent pour censurer le débat. Nous continuerons à dénoncer, avec des mots et des images fortes, ce que d'autres préfèrent ignorer.

Si l'Agcom estime que le contenu de la Ligue enfreint la réglementation, elle pourrait agir en vertu de la loi européenne sur les services numériques, qui lui permet d'ordonner la suppression de messages, de fermer des comptes ou d'infliger des amendes aux plateformes de médias sociaux qui n'ont pas modéré les contenus préjudiciables.


Première réunion à Paris entre Américains, Européens et Ukrainiens, rendez-vous à Londres

(De gauche à droite) Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andrii Sybiha, le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy et le directeur politique du ministère allemand des Affaires étrangères Gunter Sautter posent pour une photo au Quai d'Orsay, le ministre français des Affaires étrangères après avoir participé à une réunion diplomatique à Paris, le 17 avril 2025.
(De gauche à droite) Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Andrii Sybiha, le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy et le directeur politique du ministère allemand des Affaires étrangères Gunter Sautter posent pour une photo au Quai d'Orsay, le ministre français des Affaires étrangères après avoir participé à une réunion diplomatique à Paris, le 17 avril 2025.
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  • De premières discussions sur l'Ukraine impliquant Américains, Européens et Ukrainiens, se sont déroulées jeudi à Paris
  • Le président français Emmanuel Macron a salué sur X une "discussion positive et constructive" sur l'Ukraine

PARIS: De premières discussions sur l'Ukraine impliquant Américains, Européens et Ukrainiens, se sont déroulées jeudi à Paris, avant une prochaine réunion à Londres, au moment où les négociations de cessez-le-feu initiées par Washington piétinent et où les Européens veulent imposer leur voix.

Le président français Emmanuel Macron a salué sur X une "discussion positive et constructive" sur l'Ukraine, estimant que "nous partageons tous la même volonté de paix", plus de trois ans après l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022.

"Les échanges se poursuivront dès la semaine prochaine à Londres", a-t-il précisé, estimant que "la coordination entre alliés est cruciale", alors que les Européens craignent depuis des semaines d'être mis à l'écart des négociations.

"La nouveauté (...) c'est qu'aujourd'hui à Paris, les Etats-Unis, l'Ukraine et les Européens se sont retrouvés autour d'une même table" pour évoquer les pistes vers "une paix juste et durable", a souligné le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot lors d'une brève allocution.

Les Etats-Unis "ont compris qu'une paix juste et durable, une paix durable, ne peut être atteinte qu'avec le consentement et la contribution des Européens", a insisté le ministre interrogé plus tard sur la chaîne LCI. Tout dialogue avec Moscou sera subordonné au fait qu'elle accepte un "cessez-le-feu sans condition et immédiat".

- Echange Rubio-Lavrov -

De son côté, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio, présent à Paris, a appelé son homologue russe Sergueï Lavrov pour lui faire part des intenses échanges de la journée, avant même de s'exprimer publiquement.

Il a transmis le "même message" à Moscou qu'aux Européens et aux Ukrainiens, selon un communiqué du département d'Etat: "l'accueil encourageant réservé à Paris au cadre américain montre que la paix est possible si toutes les parties s'engagent à parvenir à un accord".

Les deux hommes "ont convenu de la nécessité de maintenir des canaux de communication rapides, en particulier à la lumière des réunions prévues la semaine prochaine entre des fonctionnaires américains et européens et des représentants ukrainiens", a pour sa part indiqué le ministère des Affaires étrangères russe sur Telegram.

Concernant la réunion de Paris, la présidence ukrainienne a salué "une discussion constructive et positive", avant de souligner "l'importance du volet humanitaire, notamment le retour des enfants ukrainiens déplacés de force en Russie et la libération des prisonniers de guerre et des otages civils".

Depuis Kiev, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait plus tôt accusé l'émissaire américain Steve Witkoff, qui a aussi participé aux échanges, d'avoir "adopté la stratégie russe".

M. Witkoff, proche ami du président américain Donald Trump, est l'interlocuteur du président russe Vladimir Poutine dans les négociations de cessez-le-feu, et avait déjà été accusé par Kiev de reprendre les éléments de langage du Kremlin.

Moscou, pour sa part, a accusé les Européens de vouloir "poursuivre la guerre" et a estimé que "de nombreux pays" tentaient de "perturber" le dialogue bilatéral renaissant entre Moscou et Washington.

C'est dans ce climat tendu, et alors que la guerre continue à faire rage sur le terrain - dix personnes ont été tuées par des frappes russes en Ukraine jeudi - que les réunions se sont enchaînées à Paris.

Outre les Américains, une délégation ukrainienne de haut niveau dont le chef de la diplomatie Andriï Sybiga, et des conseillers à la sécurité britannique et allemand, ont également participé aux échanges à Paris.

Depuis que le président Trump a effectué un rapprochement spectaculaire avec Vladimir Poutine et dit tenter d'obtenir un cessez-le-feu en Ukraine, les Européens ont été quasiment exclus des discussions.

Le président Emmanuel Macron s’est entretenu avec Volodymyr Zelensky à l’issue des réunions, après lui avoir parlé par téléphone en amont des discussions.

Le président ukrainien avait appelé jeudi matin à faire "pression" sur le Kremlin pour "mettre fin à (la) guerre et garantir une paix durable".

- Flou sur les garanties de sécurité -

Ce troisième déplacement en Europe du secrétaire d'Etat américain intervient alors que des négociations, lancées par l'administration Trump pour une trêve dans le conflit ukrainien qui a débuté en février 2022, peinent à progresser.

Sous la pression de Washington, Kiev avait accepté une cessation sans conditions des combats pour 30 jours, ignorée par la Russie.

Steve Witkoff a rencontré le président russe pour la troisième fois début avril. Lundi, il a déclaré que les discussions étaient "sur le point" de permettre des avancées.

Paris et Londres ont de leur côté monté une "coalition des volontaires", composée d'une trentaine de pays alliés de l'Ukraine travaillant notamment à la création d'une "force de réassurance" destinée à garantir un éventuel cessez-le-feu et empêcher toute nouvelle attaque de la Russie.

Mais un contingent militaire multinational en cas de paix, souhaité par Kiev, est une ligne rouge pour Moscou. Et le sujet n'a pas été abordé en détail dans les compte-rendus émis jeudi par la France. "Les Américains sont prêts à discuter de la question des garanties de sécurité", s'est borné à dire la présidence française.

En parallèle, le ministre américain de la Défense Pete Hegseth a exhorté jeudi son homologue français Sébastien Lecornu, en visite à Washington, à "augmenter les dépenses militaires" et à assumer, avec d'autres pays de l'Otan, "la responsabilité principale de la défense conventionnelle de l'Europe", selon le Pentagone.