Inquiétudes en Turquie suite à la répression contre le principal parti pro-kurde

Les partisans du Parti démocratique populaire (HDP) pro-kurde de Turquie lors d’un rassemblement.(Fichier Photo/AFP)
Les partisans du Parti démocratique populaire (HDP) pro-kurde de Turquie lors d’un rassemblement.(Fichier Photo/AFP)
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Publié le Samedi 10 octobre 2020

Inquiétudes en Turquie suite à la répression contre le principal parti pro-kurde

  • Quatre membres du HDP ont été arrêtés le 8 octobre en raison de manifestations en 2014
  • Le HDP, troisième plus grand parti de Turquie, a remporté 65 municipalités mais seuls six de ses 65 maires restent en fonction

ANKARA: La répression pratiquée dernièrement contre le Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP) de Turquie a soulevé des inquiétudes concernant les motivations sous-jacentes du gouvernement et la menace adressée aux partis d’opposition.

Quatre membres du HDP - dont Sevin Alaca, l’adjoint-maire de la province orientale de Kars - ont été arrêtés le 8 octobre en raison des manifestations de 2014, portant à 16 le nombre d'arrestations récentes suite à cet incident.

Les personnes arrêtées sont accusées d’inciter aux manifestations anti-gouvernementales dans les provinces du sud-est en octobre 2014 en réaction au siège par Daech de la ville frontalière, en grande partie kurde de la Syrie, Kobané. Les manifestants auraient prétendu que le gouvernement turc n'avait pas protégé Kobané contre Daech.

Certains considèrent les récentes arrestations comme une tentative du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir en Turquie d’affaiblir le HDP, qui a obtenu 13% des voix lors des dernières élections générales.

S'adressant à Halk TV le 7 octobre, le coprésident du HDP, Mithat Sancar, a affirmé que le coût politique pour le gouvernement de la fermeture du HDP serait trop élevé car le gouvernement fait l’impossible pour que le parti ne puisse pas fonctionner correctement.

Acteur inefficace

« La Cour constitutionnelle subit de plus en plus de pressions ces derniers jours et elle est surtout menacée », a-t-il déclaré. « Par conséquent, nous ne serions pas surpris par la fermeture du HDP. Mais le gouvernement ne veut pas emprunter cette voie pour le moment, car cela aurait un coût politique nuisible qui déclencherait des réactions tant au niveau mondial que national. C'est pourquoi le gouvernement adopte une méthode moins dommageable en faisant du parti un acteur réellement inefficace.

Berk Esen, un analyste politique de l'Université Sabanci d'Istanbul, a déclaré à Arab News qu'il y avait plusieurs raisons pour lesquelles le gouvernement ne fermerait pas tout simplement le HDP, la principale étant qu'il ne veut pas créer un précédent pour les interdictions de parti, qui ont extrêmement nui au mouvement islamiste dans le passé.

Interdire un parti entraînerait probablement une violente réaction contre le gouvernement turc de la part de l'Union européenne, a ajouté Esen. Le président du parti de la gauche suédoise s’était rendu au siège du HDP à Ankara le 6 octobre, à la tête d’une délégation venue exprimer ses inquiétudes concernant les actions de réduire au silence le HDP, ce qui serait, selon le parti suédois, « une grande perte » pour laTurquie.

« Garder le HDP fonctionnel mais gravement affaibli permet au gouvernement de conserver l'image d'un régime démocratique en Turquie, même si le système politique ne satisfait pas les exigences démocratiques minimales », a déclaré Esen.

Esen a ajouté que le HDP sert également de point de ralliement pour l'alliance du parti au pouvoir et de son partenaire, le Parti du mouvement nationaliste (MHP) d'extrême droite et contribue à maintenir les électeurs ultra-nationalistes derrière l'administration du président Recep Tayyip Erdogan. « En outre, le gouvernement n'a pas besoin de dissoudre le parti pour limiter ses opérations. Il a déjà nommé des administrateurs par intérim dans la plupart des municipalités contrôlées par le HDP et il arrêté des centaines de ses responsables, y compris son ancien chef », a-t-il déclaré.

Lors des élections locales de 2019, le HDP - le troisième plus grand parti de Turquie - a remporté 65 municipalités dans tout le pays, mais seuls six de ses 65 maires restent en fonction; les autres ont été destitués sous des accusations liées au terrorisme et leurs postes ont été occupés par des bureaucrates nommés par le gouvernement. « Le HDP a été durement touché par la répression du gouvernement et doit faire face à d’énormes défis organisationnels dans les mois à venir. À ce stade, sa résistance dépend principalement des urnes, où ses fidèles électeurs continuent, encore et encore, à le soutenir », a déclaré Esen.

Pour Sinem Adar, associée au Centre d'études appliquées sur la Turquie (CATS) de l'Institut allemand des affaires internationales sécuritaires, la dernière répression contre le HDP correspond à une tendance générale en place depuis les élections de juin 2015 en Turquie: une attaque systématique par le parti d'Erdogan contre toute représentation politique kurde.

« Cette tendance s’est traduite par une variété de méthodes, telles que la suppression de l'immunité parlementaire des représentants kurdes, leur criminalisation et leur exclusion systématique des processus politiques, jusqu’au remplacement des maires élus par des administrateurs nommés par le gouvernement, » a-t-elle déclaré à Arab News.

« Les factions nationalistes au sein de l'appareil de sécurité s’inscrivent désormais dans cette tendance surtout après l'échec de la tentative de coup d'État en 2016, et a la lumière des développements dans le nord de la Syrie, avec les interventions militaires turques, la classe dirigeante est déterminée à étouffer la représentation et la participation politique des kurdes, » a -t- elle ajouté.

Les autres partis d'opposition craignent également que ce qui est arrivé au HDP ne leur arrive. « Nous devons nous dresser contre toutes les injustices, quel que soit le parti, qui les subit », a déclaré Hasan Subasi, un député du parti IYI Good le 6 octobre lors d'un discours télévisé, tout en affirmant qu'un parlement turc sans le HDP ne représenterait nullement la Turquie et serait « anti-démocratique ».

Selon Adar, violer les droits politiques des membres du HDP est une tactique que le gouvernement utilise pour creuser un fossé entre le HDP et les partis d’opposition notamment le Parti républicain du peuple (CHP). « Après tout, les élections de mars 2019 ont clairement montré que les Kurdes sont devenus des faiseurs de rois », a-t-elle déclaré.

Adar a ainsi constaté que la répression pourrait également s’inscrire dans la tactique de « diviser pour régner » adoptée par le gouvernement envers le CHP lui-même.

« Le CHP est connu pour inclure diverses factions qui pourraient ne pas être nécessairement d'accord les unes avec les autres sur la manière dont la question kurde devrait être traitée. La répression systématique du HDP peut également être un moyen d’alimenter les différences existantes au sein du CHP », a-t-elle déclaré.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.