RENNES: Vingt-quatre personnes de nationalité irakienne comparaissent jeudi devant le tribunal correctionnel de Rennes pour trafic de migrants vers la Grande-Bretagne, parfois acheminés dans des camions frigorifiques depuis des aires d'autoroutes du centre de la France.
Les faits jugés se sont produits entre 2018 et 2020. Au premier jour du procès, la présidente du tribunal a évalué à quelque 70 millions d'euros le montant collecté par le réseau, et à environ 10.000 le nombre de migrants pris en charge, dont des enfants, à un rythme allant jusqu'à 500 par mois.
Les passeurs, des Kurdes d'Irak, faisaient d'abord venir les clandestins, principalement des compatriotes, dans la région de Dunkerque. Ces derniers étaient ensuite conduits en voiture, ou prenaient seuls le train pour se rendre dans la Sarthe, en Indre-et-Loire ou dans la Vienne.
Ils étaient alors hébergés dans des "zones d'attente", des appartements squattés à Châtellerault ou au Mans, dans une scierie abandonnée ou encore dans des bois, dans des conditions particulièrement précaires selon des images montrées à l'audience.
Le jour de leur passage, des hommes cagoulés les appelaient pour les faire embarquer la nuit à bord de camions qui stationnaient sur des aires d'autoroute.
Les clandestins avaient le choix entre deux "formules", normale ou "VIP". Ils pouvaient monter dans les camions à l'insu des chauffeurs moyennant 5.000 livres (environ 6.000 euros).
La seconde "formule" consistait à les faire embarquer avec la complicité des chauffeurs, la plupart originaires des pays de l'Est, moyennant 8.000 à 11.000 euros. Ces derniers pouvaient alors leur aménager des caches dans leurs véhicules.
"Le caractère très lucratif de cette activité a donné lieu à des guerres de territoire, les aires d'autoroute étant devenues des enjeux de guerres entre passeurs", allant jusqu'au meurtre, a souligné la présidente du tribunal.
Une information judiciaire avait été ouverte en décembre 2018 après saisine de la Juridiction interrégionale spécialisée de Rennes (Jirs), notamment pour "traite d’êtres humains" et "aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire".
Les prévenus sont âgés de 22 à 53 ans. Vingt-trois comparaissent détenus, un autre est sous contrôle judiciaire, tandis que six personnes font l'objet de mandats d’arrêt.
Ils encourent une peine de 10 ans de prison, doublée en cas de récidive. Le procès doit se tenir jusqu'au 25 mars.