AJACCIO : Le Premier ministre Jean Castex a levé mardi le statut de "détenu particulièrement signalé" du militant indépendantiste Yvan Colonna, près d'une semaine après son agression en prison qui a suscité de nombreuses manifestations de colère en Corse.
Cette décision "se fonde sur la particulière gravité de la situation de santé" d'Yvan Colonna, toujours entre la vie et la mort dans un hôpital marseillais après une tentative d'étranglement et d'étouffement par un codétenu à la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône), a indiqué Matignon dans un communiqué.
Ce statut, qui empêchait son rapprochement vers une prison corse, était contesté depuis des années par le militant indépendantiste, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998.
La décision de levée apparaît comme un geste symbolique et d'apaisement, selon une source gouvernementale.
Mais la famille et certains militants nationalistes se sont insurgé contre une décision jugée trop tardive.
"Appel de l’administration pénitentiaire à 20h32 sur mon mobile pour m’informer de la radiation du statut de DPS d’Yvan Colonna compte tenu de son état de santé qui fait disparaître le risque d'évasion et reconsidérer sa dangerosité. Les mots nous manquent", a tweetté l'un de ses avocats, Me Emmanuel Mercinier-Pantalacci.
"Ce soir, un palier supplémentaire de la vengeance d'Etat: la levée de DPS pour un homme cloué sur un lit d'hôpital après une tentative d'assassinat", a pour sa part tweeté la soeur d'Yvan Colonna.
"C’était avant qu’il fallait le faire comme ça il aurait pu rentrer chez lui, finir sa peine sur sa terre. Il est trop tard et l’argumentation est à vomir", a réagi mardi soir Vannina Angelini Buresi, ancienne élue du parti indépendantiste Corsica Libéra à l'Assemblée de Corse, interrogée par l'AFP, en marge d'une nouvelle manifestation à Ajaccio.
La Ligue des droits de l'homme de Corse avait demandé dans la journée des "signes d’apaisement", en faisant référence aussi aux demandes de rapprochement de deux autres membres du commando qui a tué le préfet Erignac, un rapprochement déjà réclamé par plusieurs députés de tous bords politiques.
A Paris, les députés ont annoncé qu'ils auditionneraient de hauts responsables de l'Administration pénitentiaire "sur les conditions de surveillance" d'Yvan Colonna.
En Corse, où les nationalistes et la famille d'Yvan Colonna accusent l'Etat d'une "responsabilité accablante", la journée a débuté mardi à Ajaccio par le défilé de plusieurs centaines de lycéens dénonçant un "Etat français assassin".
Blessés légers
En fin de matinée, des heurts ont éclaté devant la préfecture et à proximité, des groupes de protestataires jetant divers projectiles et bombes agricoles (artisanales) en direction des forces de l'ordre, une agitation cantonnée à ce quartier. les incidents ont pris fin vers 22H00.
"Pour l'instant nous sommes à neuf blessés comptabilisés dont deux forces de l'ordre", a indiqué en début de soirée à l'AFP Nicolas Septe, procureur de la République à Ajaccio, précisant qu'il s'agissait de blessés légers.
Les six manifestants ont été touchés par des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD), a-t-il ajouté. "Il s'agit de tirs en réplique notamment à des jets de cocktails molotov sur la préfecture", a ajouté le procureur.
A Bastia, des heurts ont débuté vers 16H30 devant la préfecture avec des jets de projectiles sur les forces de l'ordre et ils ont fait un "blessé léger chez un CRS", a indiqué à l'AFP le procureur de la République de Bastia Arnaud Viornery. Des heurts avaient déjà eu lieu lundi.
Dès le 2 mars, jour de l'agression d'Yvan Colonna, des manifestants avaient brûlé des poubelles devant la préfecture d'Ajaccio.
Dimanche, une manifestation à Corte (Haute-Corse) qui avait réuni 4.200 personnes selon les autorités, 15.000 selon les organisateurs, s'était terminée par des heurts qui avaient fait une vingtaine de blessés légers.
Mardi, le Conseil exécutif de Corse a estimé que la mobilisation en Corse "doit se poursuivre" mais a appelé "les jeunes corses à ne prendre aucun risque", a tweeté son président Gilles Simeoni.
"Il demande aux forces de l’ordre de cesser sans délai l'utilisation de moyens dangereux", a-t-il insisté.
A Corte, le conseil d'administration de l'université de Corse, bloquée depuis jeudi, a elle demandé "solennellement la libération de tous les prisonniers politiques corses".