PARIS: Au-delà du montant des financements, la suppression de la redevance proposée par Emmanuel Macron fait craindre une perte d'indépendance envers l’État de l'audiovisuel public, qui se retrouve à nouveau au cœur de la campagne présidentielle.
En cas de réélection, "on supprimera les impôts qui restent, la redevance en fait partie", a déclaré lundi M. Macron lors de sa première sortie comme candidat.
Payée par les foyers qui possèdent un téléviseur, la redevance doit rapporter cette année 3,2 milliards d'euros nets.
Selon le président-candidat, sa suppression est "cohérente" avec celle de la taxe d'habitation prévue pour fin 2022, puisque les deux sont prélevées en même temps.
De quoi faire craindre une baisse des financements des entreprises de l'audiovisuel public, à commencer par France Télévisions et Radio France ?
"Ce que nous proposons de supprimer, ça n'est pas le financement, c'est l'outil (...), c'est-à-dire faire payer à 28 millions de Français 138 euros quels que soient leurs revenus", a voulu rassurer le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, mardi sur France Inter.
"On a besoin d'un audiovisuel public fort", a-t-il assuré.
Mécanisme incertain
Mais quel que soit le montant de l'enveloppe, des voix s'élèvent pour mettre en garde contre une perte d'indépendance de l'audiovisuel public vis-à-vis de l’État en fonction du mécanisme de financement qui sera choisi.
Un système de redevance garantit un "montant affecté directement chaque année", a déclaré à l'AFP le sénateur PS David Assouline, rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias.
Cela évite "les aléas d'une décision budgétaire, avec arbitrage de Bercy et d'un gouvernement tous les ans", et cela donne donc "de la pérennité et de l'indépendance au service public", a-t-il poursuivi.
En cas de suppression de la redevance, on ne sait pas encore par quel mécanisme de financement elle sera remplacée.
Cette question est au cœur d'une mission de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac), mandatée en octobre par l'exécutif.
Pour sa part, M. Attal a évoqué la piste d'"un budget voté pour cinq ans", auquel "on ne peut pas déroger".
"Au moment de choisir le futur mode de financement de l'audiovisuel public, il est important que ce choix nous mette à l'abri de tout soupçon sur notre liberté et notre indépendance", a réagi mardi la présidente de Radio France, Sibyle Veil.
Elle y voit "un enjeu démocratique" dans "un monde où la défiance et la désinformation sont partout".
"L'enjeu majeur pour le service public est un mécanisme qui assure la garantie, la pérennité et la prévisibilité de notre financement", a pour sa part estimé la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, selon laquelle "c'est la condition et le pilier de notre indépendance".
Recette
"J'attends de savoir ce qui prendrait la suite de la redevance telle qu'on la connaît aujourd'hui, et je suis heureuse d'entendre réaffirmer la nécessité d'un service public fort", a de son côté assuré Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde (France 24 et RFI).
"Il faut trouver une recette", a jugé sur France Inter Roch-Olivier Maistre, président du régulateur des médias, l'Arcom (ex-CSA).
Au cas où le financement serait assuré à l'avenir par des dotations spécifiques, "pourquoi ne pas envisager (...) que le régulateur donne chaque année un avis" sur leur montant, a-t-il avancé.
Ces derniers mois, les candidats de droite et d'extrême droite à la présidentielle avaient déjà fait de l'audiovisuel public un thème récurrent de leur campagne.
Avant M. Macron, Éric Zemmour (Reconquête!), Marine Le Pen (RN) et Valérie Pécresse (LR) avaient aussi annoncé leur intention de supprimer la redevance.
Ils ont proposé de privatiser tout ou partie des médias publics, accusés à plusieurs reprises par M. Zemmour d'être partiaux et engagés à gauche.
"Ça suffit ! L'audiovisuel public n’est pas un punching-ball électoral", a dénoncé mardi le SNJ, premier syndicat de journalistes.