PÉKIN : "Beaucoup plus de risques": avec les incertitudes liées à la Covid et à la guerre en Ukraine, la Chine se prépare à un ralentissement de sa croissance cette année, a annoncé samedi le Premier ministre, lors de la grand-messe annuelle du régime communiste.
Devant les quelque 3 000 députés de l'Assemblée nationale populaire (ANP), le chef du gouvernement, Li Keqiang, a fixé pour cette année un objectif de croissance "d'environ 5,5%", contre "au moins 6%" prévu en 2021.
Ce rythme serait, hors période de Covid, le plus faible pour la Chine depuis le début des années 1990.
"La pandémie de la Covid-19 est toujours en cours, la reprise mondiale manque de dynamisme et le prix des matières premières reste élevé [...] ce qui rend la conjoncture volatile, difficile et incertaine", a dit le Premier ministre chinois.
Cette année, la Chine "fera face à beaucoup plus de risques et défis", a averti M. Li, relevant notamment une consommation atone et les perturbations des chaînes d'approvisionnement.
"Atteindre cet objectif de croissance nécessitera des efforts ardus", a estimé dans le cadre solennel du Palais du peuple le Premier ministre chinois, donné pour partant lors du renouvellement attendu des instances dirigeantes fin 2022.
Jusqu'à vendredi, les députés de l'ANP doivent ratifier comme un seul homme les décisions du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.
La session du Parlement doit également préparer le terrain au Congrès quinquennal du PCC qui renouvellera en partie l'équipe dirigeante en fin d'année.
Après 10 ans à la tête de la deuxième puissance mondiale, le président Xi Jinping vise lui un troisième mandat inédit grâce à un amendement de la Constitution en 2018.
«Stabilité»
La Chine avait renoncé à se fixer en 2020 un objectif annuel de croissance, alors que l'épidémie paralysait son économie. Le pays avait finalement terminé l'année avec une progression de 2,3%.
Remis de la Covid, le pays avait facilement atteint son objectif l'an dernier grâce à un effet de rattrapage (+8,1% sur un an).
Mais la croissance s'est essoufflée en cours d'année (+18,3% au 1er trimestre 2021 contre 4% au dernier).
La priorité est donc de "stabiliser" la croissance, a insisté le Premier ministre, utilisant le terme 28 fois, au moment où l'économie chinoise fait face à de multiples défis.
Sur le front épidémique, la Chine continue à suivre une politique zéro Covid, à contre courant de bon nombre de pays qui optent pour une cohabitation avec le virus et lèvent les restrictions.
Si la stratégie chinoise a permis au pays de se remettre rapidement du premier choc épidémique, le zéro Covid est aujourd'hui un frein à la consommation.
"Nous devons constamment affiner les mesures" contre l'épidémie, a indiqué Li Keqiang, au moment où des voix plaident pour un assouplissement.
Le pouvoir communiste célèbre sa politique sanitaire comme une preuve de la supériorité de son système politique, en comparaison avec la flambée épidémique dans le reste du monde.
Malgré tout, la souche Omicron de la Covid-19, particulièrement contagieuse, circule en Chine et paralyse son territoire semi-autonome de Hong Kong.
Immobilier en souffrance
La pandémie met également sous pression les chaînes d'approvisionnement et perturbe au niveau mondial les échanges commerciaux, sur lesquels repose la puissance économique chinoise.
Sur le front de l'immobilier, les déboires du promoteur géant Evergrande, au bord de la faillite, refroidissent les acheteurs et l'ensemble du secteur.
L'immobilier et la construction, qui pèsent plus du quart du PIB du pays, avaient joué un rôle clé dans la reprise post-pandémie en 2020.
De nombreux acteurs sont aujourd'hui fragilisés par des mesures prises par Pékin pour assainir un secteur criblé de dettes et marqué par une spéculation effrénée.
Dans son discours, le Premier ministre n'a fait aucune référence à l'invasion russe de l'Ukraine, que Pékin refuse de condamner au nom de l'amitié qui lie le géant asiatique à Moscou.
Mais avec la montée de la tension mondiale, les dépenses militaires chinoises progresseront de 7,1% cette année, nettement plus que le PIB.
Les grandes orientations économiques de la Chine pour 2022
Le Premier ministre chinois Li Keqiang a fixé samedi les grandes orientations économiques pour son pays en 2022, dans un contexte de ralentissement de la croissance et d'incertitudes mondiales.
Voici les chiffres clés à retenir:
- Croissance en 2022 -
La Chine vise une croissance "d'environ 5,5%" cette année alors que la seconde économie mondiale fait face à un fléchissement de l'activité.
L'an dernier le produit intérieur brut (PIB) du géant asiatique avait progressé de 8,1% sur un an.
Mais cette performance était en grande partie due à l'effet de rattrapage par rapport à 2020, quand l'activité avait été paralysée par le Covid.
La croissance s'est toutefois essoufflée en cours d'année (+18,3% au 1er trimestre 2021 contre 4% au dernier).
L'objectif "d'environ 5,5%" serait pour la Chine son rythme le plus faible depuis le début des années 1990, hors période de Covid (+2,3% en 2020).
- Emploi et chômage -
Pékin se fixe comme objectif de créer cette année quelque 11 millions d'emplois, un chiffre en baisse par rapport à 2021 (12,69 millions).
Ce critère ne renseigne en rien sur le nombre d'emplois détruits à cause de la crise sanitaire.
La Chine s'attend d'ailleurs à une hausse du taux de chômage cette année. Mais il "ne dépassera pas 5,5%", a assuré Li Keqiang.
Ce chiffre est supérieur à celui de l'an dernier (5,1%) mais moindre que le record absolu de 6,2% en février 2020, au plus fort de l'épidémie.
Là aussi, ce chiffre dresse un tableau incomplet de la conjoncture: en Chine, le chômage est calculé pour les seuls urbains.
- Déficit et inflation -
En pleine reprise post-Covid, la Chine avait creusé son déficit budgétaire à 3,2% du PIB.
En 2022, ce ratio sera ramené autour de 2,8%. Ce chiffre est identique à celui de 2019, avant la pandémie.
Quant à l'inflation, l'objectif est fixé à 3% contre 0,9% l'an dernier, sur fond de flambée des cours mondiaux des matières premières.
- Mesures de soutien -
Face au fléchissement de sa croissance, Pékin compte soutenir PME et auto-entrepreneurs, ses principaux viviers d'emplois.
Les mesures fiscales et réductions d'impôt en 2022 sont estimées à 2.500 milliards de yuans (361,8 milliards d'euros).
Les remboursements de TVA représenteront 1.500 milliards de yuans (217,1 milliards d'euros) qui "iront directement aux entreprises", s'est félicité Li Keqiang.
- Défense -
Dans un contexte de tension mondiale ravivée par l'invasion russe en Ukraine, ainsi que sa rivalité traditionnelle avec Taïwan et les riverains de mer de Chine méridionale, Pékin a annoncé un coup d'accélérateur sur ses dépenses militaires.
La Chine augmentera son budget militaire de 7,1% cette année, a indiqué le ministère des Finances.
Ce pourcentage est en hausse par rapport à l'an dernier (6,8%).
Avec cette enveloppe de 1.450 milliards de yuans (230 milliards de dollars), la Chine dispose du deuxième budget de défense mondial, après les Etats-Unis.
La progression des dépenses militaires chinoises est nettement supérieure à la croissance attendue du PIB.
Coup d'accélérateur sur les dépenses militaires
La Chine a annoncé samedi un coup d'accélérateur sur ses dépenses militaires, dans un contexte de tension mondiale ravivée par l'invasion russe en Ukraine et sa rivalité traditionnelle avec Taïwan et les riverains de mer de Chine méridionale.
Le budget militaire augmentera de 7,1% cette année, a annoncé le ministère des Finances, à l'ouverture de la session plénière annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP, le Parlement chinois).
Ce pourcentage est en hausse par rapport à l'an dernier (+6,8%). Il s'agit de la plus forte progression depuis 2019 (+7,5%).
Avec cette enveloppe de 1.450 milliards de yuans (230 milliards de dollars), la Chine dispose du deuxième budget de défense mondial, après les Etats-Unis (740 mds USD prévus pour 2022).
Surtout, la progression des dépenses militaires chinoises est nettement supérieure à la croissance attendue du PIB, fixée samedi par le Premier ministre Li Keqiang à 5,5% pour l'année en cours.
Cette augmentation survient alors que les tensions mondiales se sont accrues la semaine dernière avec l'intervention russe en Ukraine, que Pékin s'est jusqu'à présent refusé à condamner, disant "comprendre" les préoccupations de Moscou pour sa sécurité.
Lors d'une visite du président russe Vladimir Poutine à Pékin début février, les deux pays se sont prononcés de concert contre l'expansion de l'Otan.
Le président chinois Xi Jinping a obtenu de son côté le soutien de son voisin pour dénoncer "l'influence négative pour la paix et la stabilité" des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique.
Pékin ne cesse d'élever la voix pour s'en prendre au régime rival de Taïwan, l'île qu'il considère comme une de ses provinces et dont il se réserve le droit de s'emparer par la force.
L'an dernier, le régime communiste a multiplié les incursions dans la zone d'identification de défense aérienne de Taïwan, en réponse notamment à des visites de hauts responsables américains dans l'île.
Le mois dernier, Xi Jinping a ordonné à toutes les unités militaires de mener des "exercices orientés vers le combat" et d'améliorer leurs capacités en matière "d'affrontements informatiques".
Planeur hypersonique
Le renforcement de l'armée chinoise suscite la méfiance récurrente des nations voisines, alimentée par un manque de transparence sur ce que le budget militaire recouvre exactement.
La Chine revendique ainsi sa souveraineté en mer de Chine méridionale (vis-à-vis notamment du Vietnam et des Philippines), en mer de Chine orientale (sur les îles Senkaku contrôlées par le Japon) ainsi que dans l'Himalaya (face à l'Inde).
Les Etats-Unis envoient régulièrement des navires de guerre en mer de Chine méridionale pour y contrarier les prétentions territoriales de Pékin, mais aussi à proximité de Taïwan pour y soutenir les dirigeants locaux.
Dans ce contexte, l'armée de Pékin poursuit sa modernisation avec l'objectif de rattraper l'avance technologique de Washington.
Selon le Pentagone, l'Armée populaire de libération (APL) a notamment lancé l'an dernier un planeur hypersonique, qui a fait le tour de la Terre à plus de 6.000 km/h.
L'appareil aurait tiré un projectile pendant sa course, une performance qui semble avoir pris de court les Américains, Washington ne disposant pas encore de ce type d'armement.
"L'APL est le bras armé du Parti communiste chinois et la direction du parti a besoin du soutien continu des militaires", observe James Char, un expert des questions de défense à l'Université technologique Nanyang à Singapour.
"L'un des moyens d'y parvenir est de prouver que les besoins de l'APL restent une priorité", ajoute-t-il.
De son côté, l'armée chinoise donne la priorité à la modernisation de ses équipements "afin de devenir une force entièrement mécanisée et informatisée".