Les groupes français peu pressés de quitter la Russie, le gouvernement prudent

La France est le premier employeur étranger en Russie et le deuxième plus gros pourvoyeur d'investissements directs étrangers. (Photo, AFP)
La France est le premier employeur étranger en Russie et le deuxième plus gros pourvoyeur d'investissements directs étrangers. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 04 mars 2022

Les groupes français peu pressés de quitter la Russie, le gouvernement prudent

  • Au-delà des groupes contraints par les sanctions européennes, l'armateur CMA CGM a annoncé qu'il allait cesser de desservir les ports russes
  • TotalEnergies a lui décidé qu'il «n'apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie», sans évoquer un quelconque retrait d'un pays dans lequel il a des intérêts importants

PARIS : Une semaine après le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine, peu de grandes entreprises françaises ont pour l'instant annoncé leur intention de se retirer de Russie, tandis que le gouvernement français dose prudemment ses messages vis-à-vis de la communauté d'affaires.

Les britanniques BP, Shell et Land Rover, les américains ExxonMobil et Disney, l'allemand Daimler Truck, le norvégien Equinor, le constructeur suédois Volvo ou encore les géants de la tech américaine Microsoft et Meta... de nombreuses multinationales ont pris leur distance avec la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine.

En France, le mouvement est plus timide. Au-delà des groupes contraints par les sanctions européennes, l'armateur CMA CGM a annoncé qu'il allait cesser de desservir les ports russes, mais davantage "dans un souci de sécurité" que de rétorsion économique.

TotalEnergies a lui décidé qu'il "n'apportera plus de capital à de nouveaux projets en Russie", sans évoquer un quelconque retrait d'un pays dans lequel il a des intérêts importants.

"La position de TotalEnergies a été partagée avec les autorités françaises qui l'ont bien comprise", assure le groupe à l'AFP, dont le président Patrick Pouyanné a été reçu à Bercy ainsi qu'à l'Elysée mardi soir dans le cadre d'une réunion du Dialogue du Trianon, qui réunit les sociétés civiles franco-russes.

Quant à la banque Société générale, très exposée via sa filiale Rosbank, elle a simplement assuré jeudi qu'elle pourrait résister si elle venait à être privée de cet actif en Russie.

Du côté gouvernemental, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a vu "un problème de principe" dans le fait que des entreprises travaillent avec les proches du pouvoir russe, mais sans appeler plus globalement les entreprises françaises à revoir leur présence dans ce pays. Au Royaume-Uni, le ministre des Entreprises Kwasi Kwartang affirmait lui sur Twitter lundi qu"'il y a maintenant un impératif moral fort pour les entreprises britanniques d'isoler la Russie".

Bruno Le Maire a aussi dû faire marche arrière après avoir affirmé que l'Union européenne allait "livrer une guerre économique et financière totale à la Russie", jugeant après coup le mot guerre "inapproprié". Ses propos avaient suscité une vive réaction et une menace à peine voilée de l'ancien président russe Dimitri Medvedev. 

Au gouvernement, le message est plutôt "d'accompagner" les entreprises exposées aux répercussions du conflit en Ukraine et aux sanctions imposées à la Russie, affirmait le ministre au Commerce extérieur Franck Riester mardi à l'issue d'une réunion avec une soixantaine d'entreprises, dont l'essentiel du CAC40, et de fédérations professionnelles.

«Aucune orientation précise»

Après un point sur la situation géopolitique et l'évolution du conflit en Ukraine, cette réunion a aussi été l'occasion pour le Quai d'Orsay et Bercy de mettre en garde les entreprises sur la perspective d'un conflit long, avec la possibilité de contre-sanctions russes contre les intérêts occidentaux.

Le ministère des Affaires étrangères appelle d'ailleurs désormais sur son site internet les voyageurs - touristes et professionnels - à "quitter sans délai le pays" alors que les liaisons aériennes se raréfient avec la Russie et à "différer tout déplacement vers la Russie".

"La perception d'un conflit qui pourrait escalader et durer a eu un impact fort sur les entreprises, surtout pour une communauté d'affaires assez résiliente, prompte à s'adapter aux circonstances locales", avance une source diplomatique.

Mais concrètement, "il n’y a eu aucune annonce ni orientation précise donnée aux entreprises quant à une position à adopter" sur notre présence en Russie, a indiqué un participant à l'AFP. "Il n’y a pas eu de demande de désengagement à ce stade", a abondé un participant du secteur agro-alimentaire.

Un autre assure qu'il n'a pas été demandé "de rappeler les travailleurs expatriés". "Le gouvernement n'a pas demandé aux entreprises d'arrêter leurs activités en Russie mais ses représentants ont demandé si certaines envisageaient" des actions, confirme encore un autre.

La France est le premier employeur étranger en Russie et le deuxième plus gros pourvoyeur d'investissements directs étrangers, et n'a donc pas uniquement des relations commerciales avec la Russie, ce qui peut compliquer un retrait du pays. 

"Les entreprises françaises globalement sont plutôt des investisseurs, ce sont des entreprises qui ont du personnel sur place, donc la communication doit être calibrée", indique ainsi la source diplomatique.


La France échappe à une dégradation de sa note par Fitch

Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
Cette photo prise le 17 janvier 2012 à Paris montre un gros plan d'une page du site de l'agence de notation Fitch. Le 14 mars 2025, Fitch a maintenu la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie d'une "perspective négative" en octobre. (AFP)
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  • L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative"
  • La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois

PARIS: L'agence de notation Fitch a maintenu vendredi soir la note souveraine "AA-" de la France, qu'elle avait assortie en octobre d'une "perspective négative", le gouvernement se disant aussitôt "déterminé" à poursuivre le redressement des finances publiques.

La perspective négative attribuée le 11 octobre était une menace d'abaissement de la note qui ne s'est pas concrétisée cette fois.

Fitch observe que, malgré son "dérapage budgétaire" de 2024 - le déficit public est passé de 4,4% du PIB en 2023 à 6% du PIB - la France conserve une économie "vaste et diversifiée", avec des "institutions fortes et efficaces".

L'agence de notation relève toutefois que le déficit public reste à un niveau élevé et que sa réduction reste difficile en raison de l'incertitude politique et de l'absence de majorité du gouvernement Bayrou à l'Assemblée nationale.

Le ministère de l’Économie français a immédiatement "pris note" de la décision de Fitch "de confirmer la notation française à AA−, témoignant de la très haute qualité de la signature française, et de maintenir sa perspective négative".

- "Bonne qualité" -

"Le gouvernement, écrit Bercy dans un communiqué, est déterminé à poursuivre la mise en œuvre de sa trajectoire de consolidation des finances publiques initiée par la loi de finances 2025 et à l’inscrire dans la durée. La résorption de nos déficits est une priorité".

La note AA- désigne une dette de "bonne qualité". Un abaissement aurait fait tomber la France en A, "moyenne supérieure", avec le risque de taux d'intérêt sur les marchés plus élevés et d'une charge annuelle de la dette qui finisse par devenir le premier budget de la nation, devant l’Éducation.

Les trois grandes agences, S&P, Fitch et Moody's, classent désormais la France de la même façon, Moody's conservant toutefois une perspective stable.

Fitch prévoit un déficit public à 5,5% du PIB cette année et non 5,4% comme espéré par le gouvernement, et la croissance à 0,6% (0,9% pour le gouvernement).

"Cette baisse s'explique principalement par les risques de montée du protectionnisme international et de ralentissement de la croissance en Allemagne, premier partenaire commercial de la France", explique-t-elle.

Le président américain Donald Trump ne cesse en effet d'agiter des menaces de hausse des tarifs douaniers américains depuis son retour à la Maison Blanche en janvier

- Défense et aéronautique -

Jeudi, il s'est dit prêt à porter à 200% les droits sur les alcools européens si Bruxelles n'abandonnait pas l'idée de taxer à 50% le bourbon. Une nouvelle qui serait "particulièrement inquiétante" pour la France, selon Sylvain Bersinger, chef économiste d'Asterès, car elle est un grand producteur d'alcool.

Fitch considère néanmoins que l'impact de ces points négatifs "est quelque peu atténué par l'augmentation des dépenses de défense européennes, qui bénéficiera au secteur français de la défense et de l'aéronautique".

L'UE va en effet augmenter massivement sa capacité de dissuasion face à la Russie, les visées de la politique étrangère américaine étant devenues plus incertaines depuis janvier.

Fitch remarque aussi que l'incertitude politique en France "a diminué après l'approbation du budget 2025". "Mais la confiance des entreprises et des ménages reste faible", observe-t-elle.

La menace d'une future dégradation est toujours là. Fitch émaille sa note d'observations selon lesquelles la situation financière française est pire que celle de ses pairs classés "AA".

"L’incapacité à mettre en œuvre un plan crédible de consolidation budgétaire à moyen terme, par exemple en raison d’une opposition politique ou de pressions sociales, qui conduirait à une stabilisation de la dette à moyen terme", au lieu d'une baisse, serait un facteur de dégradation, prévient-elle.

La dette représentait 113,7% du PIB à la fin du troisième trimestre. Fitch l'anticipe au-dessus de 120% du PIB fin 2028.


Emmanuel Macron recevra son homologue libanais Joseph Aoun le 28 mars à Paris

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse à l'issue d'un Conseil européen spécial consacré à la poursuite du soutien à l'Ukraine et à la défense européenne, au siège de l'UE à Bruxelles, le 6 mars 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse à l'issue d'un Conseil européen spécial consacré à la poursuite du soutien à l'Ukraine et à la défense européenne, au siège de l'UE à Bruxelles, le 6 mars 2025. (AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a annoncé vendredi qu'il recevrait le 28 mars à Paris son homologue libanais Joseph Aoun,
  • Emmanuel Macron a fait cette annonce sur le réseau social X en rendant compte d'une conversation téléphonique avec le Premier ministre libanais Nawaf Salam

PARIS: Le président français Emmanuel Macron a annoncé vendredi qu'il recevrait le 28 mars à Paris son homologue libanais Joseph Aoun, nouvelle marque de l'engagement "total" de Paris pour le "redressement" et la "souveraineté" du Liban.

Emmanuel Macron a fait cette annonce sur le réseau social X en rendant compte d'une conversation téléphonique avec le Premier ministre libanais Nawaf Salam, qu'il a félicité "pour le travail qu'il accomplit avec le gouvernement en faveur de l'unité, la sécurité et la stabilité du Liban".

"Nous avons évoqué les perspectives de reconstruction et les réformes qu'elle nécessite. Ce travail est essentiel pour le Liban et pour toute la région", a précisé le président français.

"L'engagement de la France aux côtés du Liban reste total. Pour son redressement et pour sa souveraineté", a-t-il ajouté.

Emmanuel Macron s'était rendu à Beyrouth le 17 janvier neuf jours seulement après l'accession à la présidence libanaise de l'ancien chef de l'armée. Celle-ci avait été suivie quatre jours plus tard par la nomination de Nawaf Salam au poste de Premier ministre, marquant un déblocage de la situation politique au Liban après environ deux années de vacance de la présidence.

Le chef de l'Etat français avait alors annoncé la tenue d'une conférence internationale pour la reconstruction du Liban, après la guerre qui a opposé Israël au Hezbollah pro-iranien et a pris fin le 27 novembre dernier. Cette conférence destinée à mobiliser des financements devait coïncider avec une visite de Joseph Aoun à Paris, avait-il alors indiqué.


Lutte contre le narcotrafic: le Conseil d'Etat suggère quelques modifications aux amendements de Darmanin

Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence. (AFP)
Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence. (AFP)
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  • La haute juridiction administrative avait été saisie pour avis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à l'origine de ces deux amendements
  • Le premier prévoit de créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée en prison, dans lesquels seraient affectées les personnes issues de la criminalité organisée les plus dangereuses, sur décision du garde des Sceaux

PARIS: Le Conseil d'Etat a suggéré d'apporter quelques modifications à deux amendements à la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic qui sera examinée à partir de lundi à l'Assemblée nationale, concernant le régime carcéral d'isolement prévu pour les détenus les plus dangereux et la généralisation de la visioconférence.

La haute juridiction administrative avait été saisie pour avis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, à l'origine de ces deux amendements.

Le premier prévoit de créer des quartiers de lutte contre la criminalité organisée en prison, dans lesquels seraient affectées les personnes issues de la criminalité organisée les plus dangereuses, sur décision du garde des Sceaux et pour une durée de quatre ans renouvelable.

Le régime qui y serait appliqué prévoit des fouilles intégrales systématiques, des parloirs hygiaphones, une interdiction d'accès aux unités de vie familiale et parloirs familiaux, ou encore une restriction de l'accès au téléphone.

Des dispositions très strictes jugées liberticides par plusieurs observateurs.

Dans son avis rendu jeudi et consulté vendredi par l'AFP, le Conseil d'Etat estime que pour remédier aux "risques d'inconstitutionnalité et d'inconventionnalité", "plusieurs aspects du régime doivent être aménagés". Il recommande, par ailleurs, certaines "améliorations rédactionnelles".

En particulier, il considère que la durée d'affectation fixée à quatre ans n'est "pas proportionnée" et estime qu'une durée de deux ans, renouvelable sous conditions, est "préférable".

Concernant les parloirs hygiaphones et la restriction de l'accès au téléphone, il juge que ces dispositions sont conformes aux exigences constitutionnelles. Sur les visites, il suggère toutefois au gouvernement d'examiner notamment l'opportunité d'introduire une "possibilité d'aménagement pour répondre à des circonstances familiales exceptionnelles".

Sur les restrictions des appels téléphoniques, la haute juridiction estime qu'elles ne doivent pas s'appliquer aux échanges entre les détenus et leurs avocats.

Concernant la généralisation de la visioconférence dans les informations judiciaires, destinée à éviter les extractions judiciaires et donc le risque d'évasion des détenus, le Conseil d'Etat suggère de limiter ce dispositif "aux seules personnes détenues ayant fait l'objet d'une décision d'affectation au sein d'un quartier de lutte contre la criminalité organisée, ce qui devrait concerner, selon le gouvernement, 800 personnes au maximum à terme".

La haute juridiction appelle, par ailleurs, le gouvernement à "déployer les moyens suffisants pour s'assurer que les moyens de télécommunications audiovisuelles" mis en oeuvre permettent de garantir les droits de la défense.