Lutte contre le narcotrafic: au Sénat, un texte pour «réarmer» la France face aux trafiquants

"Submersion", "point de bascule", "mexicanisation" de la France: Bruno Retailleau ne manque pas une occasion de rappeler l'ampleur du phénomène. (AFP)
"Submersion", "point de bascule", "mexicanisation" de la France: Bruno Retailleau ne manque pas une occasion de rappeler l'ampleur du phénomène. (AFP)
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Publié le Mardi 28 janvier 2025

Lutte contre le narcotrafic: au Sénat, un texte pour «réarmer» la France face aux trafiquants

  • Face à la multiplication des faits divers liés au trafic de drogue, une réponse législative à la hauteur ?
  • Les ministres de la Justice et de l'Intérieur, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, affichent en tout cas leur franc soutien à ce texte présenté à la chambre haute

PARIS: Une boîte à outils judiciaire et policière pour "répondre à la menace" et "réarmer" la France face au narcotrafic: le Sénat examine à partir de mardi une proposition de loi transpartisane soutenue par le gouvernement, qui en a fait une priorité.

Face à la multiplication des faits divers liés au trafic de drogue, une réponse législative à la hauteur ? Les ministres de la Justice et de l'Intérieur, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, affichent en tout cas leur franc soutien à ce texte présenté à la chambre haute.

"Je n'ai pas à attendre la loi pour renforcer les moyens contre le narcotrafic", a lancé le garde des Sceaux lundi soir sur TF1, érigeant la lutte contre le narcotrafic comme une "priorité absolue" dans une circulaire de politique pénale envoyée en parallèle à tous les procureurs.

"Submersion", "point de bascule", "mexicanisation" de la France: Bruno Retailleau ne manque pas une occasion, lui non plus, de rappeler l'ampleur du phénomène.

"Il faut se réarmer, parce que c'est une menace, avec la corruption notamment, désormais existentielle pour notre pays", a-t-il lancé mardi matin sur France 2.

Parquet dédié 

Au Sénat, le constat a été dressé l'année dernière par deux parlementaires, Etienne Blanc (Les Républicains) et Jérôme Durain (Parti socialiste), pilotes d'une commission d'enquête au long cours.

Leurs propositions de toutes sortes, allant de la restructuration du système judiciaire à la question de l'immunité des repentis, en passant par une réforme de la procédure pénale, figurent dans ce texte très attendu.

Un vote solennel est prévu mardi 4 février au Palais du Luxembourg, puis l'Assemblée nationale s'en saisira, potentiellement durant la semaine du 17 mars, selon plusieurs sources parlementaires.

"Nous devons donner au ministère de l'Intérieur tous les moyens d'agir pour rétablir l'ordre dans la République", plaide le chef des sénateurs LR Mathieu Darnaud.

Les sénateurs entendent ainsi tenter de rétablir la "symétrie" entre les moyens de la justice et ceux des narcotrafiquants, tout en donnant une "incarnation" à cette lutte: c'est l'objet de la création d'un "Pnaco", un parquet national anti-criminalité organisée.

Gérald Darmanin, favorable à cette proposition-phare des sénateurs, a dit souhaiter sa mise en place au 1er janvier 2026.

Sur le modèle du parquet antiterroriste, la nouvelle structure aurait un "monopole sur les crimes les plus graves", soit quelques centaines de dossiers, tout comme un rôle de coordination des parquets. Il s'appuierait sur un Office anti-stupéfiants (Ofast) aux prérogatives renforcées, placé sous la double tutelle de Beauvau et de Bercy.

Prévention en question 

Le texte propose également la création d'une procédure "d'injonction pour richesse inexpliquée" pour obliger les suspects à s'expliquer sur leur train de vie, ou encore d'une nouvelle infraction "d'appartenance à une organisation criminelle". Autre idée: un mécanisme de gel administratif des avoirs des narcotrafiquants, pour les "frapper au portefeuille".

"Il faut qu'on se dote d'outils pour répondre à la menace. Il ne s'agit pas d'une délinquance habituelle, donc on ne peut pas se contenter de l'arsenal habituel", justifie Jérôme Durain, parlementaire socialiste qui assume de travailler main dans la main avec la droite majoritaire au Sénat pour répondre à ce "sujet devenu transpartisan".

Certaines mesures sont plus irritantes, comme l'idée de créer un procès-verbal distinct - ou "dossier-coffre" - pour ne pas divulguer à la défense certaines techniques d'enquête sensibles; ou la possibilité accordée aux préfets de prononcer des "interdictions de paraître" sur les points de deal.

Ce dernier point, "c'est une mesure Retailleau", veut croire le sénateur écologiste Guy Benarroche, dont le groupe réserve encore sa position sur l'ensemble du texte. Comme d'autres élus et plusieurs associations, il craint "une atteinte aux libertés individuelles et au droit de la défense", et regrette que le texte laisse de côté le volet de la prévention et de la santé publique.

Les débats dériveront donc forcément sur l'épineuse question de la dépénalisation de l'usage de drogues, mais également sur l'absence de financement nécessaire à la restructuration de l'arsenal répressif prônée par ce texte.

Le ministère de la Justice évalue ainsi à 130 millions d'euros les moyens nécessaires à la création du Pnaco.

 


L’Europe en rangs dispersés face à la déferlante Trump

Le président américain Donald Trump arrive sur la pelouse sud de la Maison Blanche à Washington, DC, le 27 janvier 2025. (AFP)
Le président américain Donald Trump arrive sur la pelouse sud de la Maison Blanche à Washington, DC, le 27 janvier 2025. (AFP)
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  • Les Européens ont beau tenter de se préparer au retour de la déferlante Trump, ils ne sont toujours pas à jour, selon un ancien diplomate français
  • Il craint que l’Europe ne soit en train de risquer gros, en raison de son manque de préparation

PARIS: Ça va mal pour l’Europe. C’est le constat que fait un ancien diplomate français, un peu plus d’une semaine après l’investiture du président républicain Donald Trump pour un nouveau mandat à la Maison Blanche.

Durant son premier mandat (2017 à 2021), les dirigeants européens ont certes eu le loisir d’expérimenter ses méthodes brusques unilatérales et souvent provocantes.

Ils ont également compris que toutes ses décisions sont prises sur la seule base des intérêts des États Unis partant du fameux slogan «America first», faisant fi des accords internationaux et bilatéraux ainsi que des intérêts de ses propres alliés.

Pendant ces quatre années, Trump a avancé à la manière d’une déferlante, porté par un courant d’Américains protestataires, que certains croyaient éphémère et voué à disparaître sous le poids des frasques présidentielles.

Avec sa réélection pour succéder au président démocrate Joe Biden, force est de constater que c’est le contraire qui s’est passé.

Au lieu de se dissiper, le courant protestataire s’est radicalisé, pour devenir un courant idéologique porteur d’une vision bien précise du monde et de la place suprémaciste des États-Unis à la tête de ce monde.

Les Européens ont beau tenter de se préparer au retour de la déferlante Trump, ils ne sont toujours pas à jour assure l’ancien diplomate, qui craint que l’Europe ne soit en train de risquer gros, en raison de son manque de préparation.

Or depuis son retour à la Maison Blanche, Trump s’est d’emblée livré à une multitude de coups d’éclat, dont le dernier en date est sa décision de se retirer de nouveau de l’accord de Paris sur le climat.

Auparavant il avait assuré qu’il était en mesure de régler le conflit ukrainien en 24 heures dans l’ignorance la plus totale des intérêts européens et des menaces que cela peut impliquer au niveau de la sécurité du continent.

Sans tenir compte de leurs capacités économiques, il a sommé les pays européens de consacrer cinq pour cent de leurs revenus au budget de la Défense, tout en laissant planer un doute sur l’avenir de l’engagement américain dans le cadre de la sécurité européenne.

Il a réitéré à souhait son attachement à une mondialisation débridée, privilégiant les marchés et les produits américains, sans écarter une hausse exorbitante des droits des douanes sur les exportations européennes vers les États-Unis.

Il faut une Europe homogène et unifiée, souligne la source diplomatique, au sujet de l’attitude à adopter face au retour de Trump, mais cela est loin d’être le cas, puisque les rangs européens sont plus que jamais dispersés.

Pour comble, le couple franco-allemand qui, pendant de longues années, a été le moteur qui a fait évoluer l’Europe et mis un peu d’ordre dans ses rangs est en panne, pour des raisons inhérentes à la mauvaise conjoncture politique aussi bien à Paris qu’à Bonn.

Selon la même source, l’Europe diverge et hésite, entre une approche d’apaisement et une approche robuste et défensive.

La présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Leyen, prône une approche latérale, qui consiste à proposer au président américain «des deals» conçus de façon à donner à Trump l’impression d’être à son avantage.

La France elle, indique la source, cherche à dégager un minimum de dénominateur commun entre les composantes européennes et une approche commune à minima pour éviter à l’Europe nombre de revers économiques et politiques dans les cinq années à venir.

Cela en tout cas semble être l’objectif de la rencontre européenne informelle qui se tiendra à l’initiative de la France au Château Limont, le 3 février prochain, sans aucune garantie de succès, surtout que, précise la source, certains pays d’Europe, dont l’Italie et la Pologne courtisent Trump.

Par ailleurs, cette approche ne fait pas l’unanimité en France, où de nombreuses voix s’élèvent en faveur d’une politique musclée face aux États-Unis, allant jusqu’à brandir le slogan «œil pour œil et dent pour dent», pour affronter l’agressivité trumpiste.

La période est cruciale, estime l’ancien diplomate et, à défaut d’unité et de préparation, les années à venir risquent d’être une sorte de «vallée de larmes», aussi bien pour l’Europe que pour le reste du monde, lorgné à travers le prisme abrupte et arbitraire du président américain.


Macron reprend ses déplacements de terrain mercredi dans le Nord

Le chef de l'Etat, qui a raréfié ses prises de parole et déplacements de terrain depuis la dissolution - un des derniers remonte à septembre 2024 dans une usine pharmaceutique près de Lyon - va ainsi pouvoir reprendre le pouls du pays en direct. (AFP)
Le chef de l'Etat, qui a raréfié ses prises de parole et déplacements de terrain depuis la dissolution - un des derniers remonte à septembre 2024 dans une usine pharmaceutique près de Lyon - va ainsi pouvoir reprendre le pouls du pays en direct. (AFP)
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  • Le chef de l'Etat est attendu à 18H00 dans le territoire de Sambre-Avesnois-Thiérache, qui s'étend sur deux départements (Nord et Aisne), où il avait donné le coup d'envoi de deux plans d'aide, avec près de 500 millions d'euros d'investissements de l'Etat
  • Il se rendra d'abord à l'usine Framatome de Maubeuge (Nord), spécialisée dans l'entretien de matériel de l'industrie nucléaire, puis à Aulnoye-Aymeries (Nord) pour un échange avec des élus et représentants des forces économiques

PARIS: Emmanuel Macron, en retrait sur la gouvernance du pays depuis la dissolution de l'Assemblée, renoue mercredi avec les visites de terrain, dans les Hauts-de-France, où il va faire le point sur le développement de territoires sinistrés.

Le chef de l'Etat est attendu à 18H00 dans le territoire de Sambre-Avesnois-Thiérache, qui s'étend sur deux départements (Nord et Aisne), où il avait donné le coup d'envoi de deux plans d'aide, avec près de 500 millions d'euros d'investissements de l'Etat, en 2018 et 2021.

Il se rendra d'abord à l'usine Framatome de Maubeuge (Nord), spécialisée dans l'entretien de matériel de l'industrie nucléaire, puis à Aulnoye-Aymeries (Nord) pour un échange avec des élus et représentants des forces économiques.

"Le but de ce déplacement est bien de montrer les apports qui ont été faits et (d'examiner) les perspectives à donner", a indiqué un conseiller présidentiel sans plus de précisions.

Le chef de l'Etat, qui a raréfié ses prises de parole et déplacements de terrain depuis la dissolution - un des derniers remonte à septembre 2024 dans une usine pharmaceutique près de Lyon - va ainsi pouvoir reprendre le pouls du pays en direct.

Très isolé, il espère aussi renouer avec l'opinion alors qu'il atteint des records d'impopularité depuis son arrivée à l'Elysée en 2017, avec seulement 20% de personnes satisfaites d'après les sondages.

S'il a perdu la main sur la politique économique et sociale au profit du Premier ministre, il entend continuer à incarner de grands rendez-vous et des batailles emblématiques, des Jeux olympiques au sommet de l'intelligence artificielle en février à Paris, et défendre son bilan.

"Il est tout à la fois sur des enjeux d'avenir, de rayonnement national et international du pays, et au côté des Français sur des sujets de préoccupation du quotidien", pointe un conseiller de l'Elysée.

Montée du RN 

"La nouvelle situation politique a changé sa manière de faire mais ça n'a pas effacé les sept ans d'action au cours desquels il a annoncé un certain nombre de plans, réformes qui ont eu un effet concret dans la vie des Français", ajoute-t-il.

Comme pour les annonces sur le Louvre mardi, tout cela se fait "en bonne intelligence" avec le gouvernement de François Bayrou, "dans le respect des prérogatives de chacun", assure-t-il encore.

Le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache, autrefois marqué par l'essor de la métallurgie, des industries textiles, du verre et de la pierre, est confronté à des difficultés socio-économiques importantes avec la désindustrialisation de la fin du XXe siècle.

Les deux plans y ont fait reculer le chômage de 16,5% en 2017 à 12% en 2024 et relancé les créations d'entreprises avec quelque 2.500 par an contre 1.500 en 2018, se félicite l'Elysée.

Ils ont permis de doubler le nombre de voies de la RN2, de construire un nouveau complexe hospitalier à Maubeuge, un commissariat à Aulnoye ou de réhabiliter 70.000 logements et nombre de friches industrielles.

Sans enrayer pour autant la montée du Rassemblement national dans ce secteur aux législatives de 2022 et 2024.

"Le président, quand il s'engage pour des territoires, ne le fait pas dans une perspective de combat électoral", réplique-t-on à l'Elysée.

"Pour autant, ça doit sans doute interroger et inciter l'Etat à poursuivre ses engagements", souligne la présidence en rappelant les pactes similaires conclus dans d'autres départements comme les Ardennes.

 


Les défenseurs des droits des migrants dénoncent un débat «saturé de stigmatisations»

Un navire transportant 49 migrants, selon les autorités italiennes, arrive au port albanais de Shengjin quelques jours après que l'Italie ait repris, après une pause de plusieurs mois, le transfert de demandeurs d'asile vers son voisin maritime dans le cadre d'un programme controversé qui fait l'objet d'un examen judiciaire, le 28 janvier 2025. (AFP)
Un navire transportant 49 migrants, selon les autorités italiennes, arrive au port albanais de Shengjin quelques jours après que l'Italie ait repris, après une pause de plusieurs mois, le transfert de demandeurs d'asile vers son voisin maritime dans le cadre d'un programme controversé qui fait l'objet d'un examen judiciaire, le 28 janvier 2025. (AFP)
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  • "Depuis un an, les choses n'ont pas cessé de se dégrader", a déploré la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte lors d'une conférence de presse organisée par une quarantaine d'ONG, associations et syndicats
  • "Le tout dans un débat qui est saturé de stigmatisations et un climat particulièrement nauséabond", a complété la militante

PARIS: Les défenseurs des droits des migrants ont dénoncé mardi un débat public "saturé de stigmatisations", un an après la promulgation de la loi Darmanin et en réaction à la nouvelle circulaire Retailleau et aux propos de François Bayrou évoquant un "sentiment de submersion".

"Depuis un an, les choses n'ont pas cessé de se dégrader", a déploré la secrétaire générale de la Cimade, Fanélie Carrey-Conte lors d'une conférence de presse organisée par une quarantaine d'ONG, associations et syndicats. "Le tout dans un débat qui est saturé de stigmatisations et un climat particulièrement nauséabond", a complété la militante.

"Ne nous laissons pas enfermer dans un triptyque: +stigmatiser, enfermer, précariser+", selon la responsable de la Cimade.

Interrogée sur les propos du Premier ministre François Bayrou, lundi soir sur LCI, sur un "sentiment de submersion" en matière d'immigration, Mme Carrey-Conte a jugé qu'ils illustraient un "basculement vers des analyses de plus en plus stigmatisantes sur la question migratoire avec des choses qu'on n'entendait pas avant".

"Ce type de propos étaient jadis réservés à la droite et à l'extrême droite mais le Premier ministre n'est pas le seul. Il y avait dans la loi Darmanin, la préférence nationale, le président de la République a lui pu parler de politique immigrationniste, il y a aussi l'obsession sur l'AME (aide médicale d'Etat). Tout cela illustre une fuite en avant et le franchissement de lignes rouges", a commenté la responsable de la Cimade.

"On a mis (dans la) tête du peuple que nous sommes le danger. Tous ceux (les sans papiers) qui ont fait du bien dans le pays sont invisibilisés", s'est ému Gollé Sylla, membre du collectif des sans papiers de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Les organisations mobilisées parmi lesquelles la Cimade, Médecins du Monde, le Secours catholique, le syndicat Solidaires ou bien encore des collectifs de sans papiers, ont tenu à faire "le triste bilan des droits bafoués" un an après la promulgation de la loi Darmanin.

"Dans la loi Darmanin, il n'y a que les mesures répressives qui sont appliquées et il n'y a rien d'intégration", a commenté Mariama Sidibé, membre de l'intercollectif des sans-papiers.

La récente circulaire Retailleau visant à restreindre les régularisations est accusée de participer à "la fabrique des sans papiers".

"Bâtiment, restauration, logistique, livraison, aide à la personne, ouvrier agricole. Des centaines de milliers de sans-papiers travaillent", a relevé Abderrahmane Sidibé de l'intercollectif des sans papiers. Ça signifie de nombreuses années de précarité et de pression, de travail dissimulé, le tout sans garantie d'avoir des papiers".