DUBAÏ : La pandémie de coronavirus (Covid-19) a mis en évidence les inégalités raciales dans le monde, a indiqué une réunion du C20 jeudi.
Les pays ont eu du mal à lutter contre différentes formes de racisme dans le cadre d'une « prise en compte mondiale de la race », selon les constats d’une table ronde à laquelle ont participé des professeurs américains et australiens.
Le groupe du C20 a expliqué comment la pandémie de Covid-19 avait « accentué l'expérience du racisme » dans différents pays, que ce soit de manière directe ou indirecte.
« Nous avons observé des exemples assez clairs à travers le monde où l'émergence de la Covid-19 a vu certains groupes directement ciblés par le racisme – ceux d'origine chinoise et asiatique, par exemple, ont été accusés dans de nombreux pays d’avoir propagé la maladie puisqu’elle a commencé en Chine », note Tim Soutphommasane, de l’Université de Sydney.
Certains gouvernements, ajoute-t-il, ont aggravé les choses en désignant la Covid-19 comme le « virus chinois », des propos qui ont pris de l’ampleur au début de la pandémie.
Cette stigmatisation s'est effectivement traduite par des crimes de haine contre des groupes ethniques dans les grandes villes d'Europe, d'Australie et des États-Unis, mentionne M. Soutphommasane, ajoutant que la pandémie avait également mis en lumière une forme plus subtile d'inégalité raciale.
« Nous pouvons constater que ceux qui sont les plus susceptibles d’attraper le virus sont ceux qui ont travaillé dans des industries où l’exposition au virus est considérablement plus élevée et où le luxe relatif de travailler à domicile n’est pas nécessairement possible ».
« Nous pouvons remarquer que ceux qui sont confrontés à ces risques professionnels appartiennent, dans la plupart des cas, à des minorités raciales », précise-t-il.
Le professeur a souligné que les personnes qui travaillaient dans les industries à risque élevé faisaient généralement partie des groupes minoritaires, des communautés de migrants, et de ceux « qui occupent des positions plus marginales de la société ».
William Spriggs, de l’Université Howard à Washington, D.C., a affirmé que le même phénomène pouvait être observé aux États-Unis où un grand nombre d’afro-américains travaillent dans les industries les plus exposées au virus.
Au Moyen-Orient, destination mondiale pour les communautés de migrants, de nombreuses nationalités ont dû faire face à des défis extraordinaires lorsque la pandémie a éclaté. En effet, plusieurs personnes ont été licenciées et bloquées dans leur pays d'accueil en raison de la suspension des vols internationaux.
Le groupe a également évoqué la manière dont le racisme pouvait être considéré comme une maladie, surtout avec l’intensification des débats autour de la santé publique durant la crise de Covid-19.
Selon M. Soutphommasane, « certains éléments du racisme ressemblent à un problème de santé publique », bien que M. Spriggs et lui conviennent que cette analogie pourrait être dangereuse.
Le professeur de sociologie basé à Sydney a ajouté que le racisme peut être à la fois contagieux et évitable, deux caractéristiques propres à une maladie.
« Vu qu’une épidémie de préjugés et de haine peut se propager rapidement, je crois que cette analogie serait intéressante », dit-il.
« Je pense vraiment que nous pouvons empêcher la haine raciale… et tout comme dans les scénarios de santé publique – comment l'inaction ou l'indifférence des gouvernements et des dirigeants peuvent conduire à une détérioration des résultats en matière de santé publique – si vous avez une société politique qui ne prend pas de mesures condamnant les préjugés et l'inaction, (le racisme) ne fera qu’empirer », poursuit-il.
M. Spriggs, qui est également économiste en chef à la Fédération américaine du travail - Congrès des organisations industrielles à Washington, D.C., a argumenté que le racisme ne devrait pas être comparé à une maladie car il n’est pas « individuel » mais plutôt systémique.
Les deux professeurs ont noté que le racisme était un problème politique qui nécessite une solution différente de celle utilisée pour éliminer un virus pandémique.
« Nous ne parlons pas seulement de changer les comportements, ce qui est un paradigme dans les interventions de santé publique, nous parlons de systèmes », indique M. Soutphommasane.
« Nous ne pouvons nous contenter de corriger les comportements, nous devons aussi réparer les systèmes, ce qui crée alors une proposition intrinsèquement politique ... c'est là que je pense que l'analogie peut commencer à s’effondrer un peu ».
Le groupe a convenu que les gouvernements devraient faire davantage pour lutter contre le racisme et la discrimination, notamment en votant des lois qui « pourraient fournir des moyens pratiques de lutter contre de nombreuses formes de racisme ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com