BARCELONE : Malgré la perte de sa couronne dans les smartphones, l'empire Huawei contre-attaque: le géant chinois, affaibli par les sanctions américaines, a profité du salon mondial du mobile à Barcelone pour afficher ses ambitions sur le marché des PC/tablettes, l'un des piliers de sa stratégie de diversification.
Habitué aux annonces de nouveaux smartphones dernier cri, le public technophile de Barcelone a découvert les nouveaux produits phares du groupe: un ordinateur tout-en-un tactile haut de gamme, un PC/tablette hybride ou encore une tablette-liseuse, qui se présentent comme des concurrents respectifs de l'iMac d'Apple, le Surface de Microsoft ou la liseuse Kindle d'Amazon.
Pourquoi un tel positionnement? Face aux sanctions qui entravent depuis 2019 ses activités dans le domaine des smartphones, le fondateur de Huawei, Ren Zhengfei, avait appelé en début d'année ses salariés à accélérer la diversification du groupe.
"Après avoir développé notre marque dans le secteur des smartphones, nous avons constaté que nous pouvions nous diversifier et nous intéresser à différents produits: les tablettes, les technologies portables ("wearables", vêtements ou accessoires connectés, NDLR), l'audio, les PC, ordinateurs portables et écrans", explique à l'AFP Andreas Zimmer, responsable produits de Huawei en Europe de l'Ouest.
"De marque de smartphones, Huawei évolue progressivement vers une marque d'électronique grand public, traversant de nombreuses 'verticales'", complète-t-il, précisant que le géant chinois s'est lancé sur le marché du PC en 2017.
Diversification
Premier fournisseur mondial d'équipements réseaux et télécoms, Huawei a un temps été l'un des trois principaux fabricants de smartphones au monde, avec le sud-coréen Samsung et l'américain Apple.
Il a même brièvement occupé la place de numéro un mondial, stimulé par la demande chinoise et les ventes sur les marchés émergents.
Mais les sanctions américaines, qui ont notamment coupé l'entreprise des chaînes d'approvisionnement mondiales en composants, ont plongé sa branche smartphones dans l'incertitude.
Contraint de se séparer de Honor fin 2020, sa marque de smartphones d'entrée de gamme, Huawei ne figurait plus fin 2021 dans le Top 5 mondial du classement des fabricants en matière de parts de marché.
Au centre de la rivalité sino-américaine, sur fond de guerre commerciale et technologique, le géant chinois s'était retrouvé dans le collimateur de l'ex-administration de Donald Trump, qui l'accusait d'espionnage au profit de Pékin.
En 2019, Washington avait placé le groupe sur liste noire pour l'empêcher d'acquérir des technologies américaines, indispensables à ses produits.
L'administration de Joe Biden a maintenu ces restrictions.
Pénalisé par ces mesures, Huawei a annoncé en décembre dernier un chiffre d'affaires pour 2021 en repli de près d'un tiers sur un an, à 634 milliards de yuans (87,4 milliards d'euros).
Pari «difficile»?
Du fait des sanctions, les smartphones Huawei sont privés des mises à jour du système d'exploitation Android, propriété de l'américain Google. Ainsi, le groupe chinois a été contraint de développer son propre système d'exploitation, HarmonyOS, pour tous ses nouveaux appareils.
Les ordinateurs portables, tablettes et autres PC peuvent-ils devenir des alternatives crédibles aux smartphones en termes de source de revenus pour Huawei, alors que le marché du PC et des tablettes est estimé à 250 milliards de dollars par le cabinet Canalys?
"Le marché des PC est basé sur l'échelle, la seule façon pour les fabricants de survivre est d'avoir des volumes importants car les marges sur les PC sont à un chiffre", explique à l'AFP Ranjit Atwal, directeur de recherche au cabinet Gartner, specialiste du marché des ordinateurs.
"Il est difficile de se différencier sur le marché, d'autant plus que la moitié du marché est destiné aux entreprises, ce qui nécessite une couverture mondiale la plupart du temps", ajoute-t-il.
Avec 19,8% de part de marché au quatrième trimestre 2021, le Chinois Lenovo est le N°1 mondial du secteur devant les Américains Apple (18,1%) et HP (13,9%) selon Canalys.
"Huawei doit concurrencer Lenovo en Chine, ce qui sera difficile, mais pas impossible. Mais pour vraiment réussir, ils doivent prendre des parts de marché aux États-Unis et en Europe occidentale. Ces marchés ont été difficiles à pénétrer, étant donné qu'ils doivent trouver de l'espace dans les rayons avec des produits vraiment différents", prévient encore Ranjit Atwal.