Défense et diplomatie: l'Allemagne change de cap avec l'Ukraine

Le chancelier allemand Olaf Scholz (en haut) écoute le discours du chef de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) allemande Friedrich Merz (en bas) lors d'une session extraordinaire du Bundestag (chambre basse du parlement) le 27 février 2022 à Berlin. (AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz (en haut) écoute le discours du chef de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) allemande Friedrich Merz (en bas) lors d'une session extraordinaire du Bundestag (chambre basse du parlement) le 27 février 2022 à Berlin. (AFP)
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Publié le Lundi 28 février 2022

Défense et diplomatie: l'Allemagne change de cap avec l'Ukraine

  • Livraisons d'armes dans une zone de conflit, hausse du Budget de la Défense, rigueur budgétaire mise de côté et grand débat sur la politique énergétique nationale: en l'espace de quelque jours tous les tabous semblent être tombés
  • Berlin, champion d'ordinaire de la rigueur budgétaire, est prêt pour cela à accroître son endettement

BERLIN : L'invasion russe en Ukraine est en train de transformer l'Allemagne à vitesse accélérée en faisant sauter tous les verrous qui jusqu'ici encadraient sa politique en matière de défense et de diplomatie.

Livraisons d'armes dans une zone de conflit, hausse du Budget de la Défense, rigueur budgétaire mise de côté et grand débat sur la politique énergétique nationale: en l'espace de quelque jours tous les tabous semblent être tombés.

"Le monde est entré dans une nouvelle ère" avec l'invasion de l'Ukraine, a martelé le chancelier Olaf Scholz, en annonçant une nette augmentation de ses dépenses militaires dans les années à venir, devant les députés réunis dimanche en séance extraordinaire.

Il a promis une enveloppe immédiate de 100 milliards d'euros pour moderniser son armée, notoirement sous-équipée. Et "nous allons à partir de maintenant, d'année en année, investir plus de 2% de notre Produit intérieur brut dans notre défense", a-t-il ajouté, ce qui va donc au-delà de l'objectif que se sont fixé les pays de l'Otan, à savoir tendre vers 2% du PIB national.

Berlin, champion d'ordinaire de la rigueur budgétaire, est prêt pour cela à accroître son endettement.

Plus explicite encore, la cheffe de la diplomatie, l'écologiste Annalena Baerbock, a reconnu que l'Allemagne était "en train de rompre avec une forme de retenue particulière et solitaire en matière de politique étrangère et de sécurité". Longtemps comparé à une "grande Suisse" surtout soucieuse de sa prospérité économique et peu présente sur la scène internationale, le pays est contraint de faire sa mue.

Monde « différent » 

"Si notre monde est différent, notre politique doit l'être aussi", a insisté la ministre.

Sur la Défense, le gouvernement d'Olaf Scholz, au pouvoir depuis moins de trois mois, opère ainsi un tournant dans un pays qui a nettement réduit les effectifs de son armée depuis la fin de la Guerre froide et qui, ces dernières années, traînait des pieds pour se conformer aux engagements de l'Alliance atlantique en matière de dépenses militaires, s'attirant régulièrement les foudres des Etats-Unis.

Le quotidien Bild ne s'y est pas trompé assurant que le chancelier, réputé piètre orateur et peu charismatique, "a beaucoup changé avec la crise ukrainienne et change maintenant l'Allemagne!".

Il a envoyé une "secousse" dans une Allemagne jusqu'ici assoupie, selon Bild. 

Depuis la Réunification du pays en 1990, les effectifs de la Bundeswehr sont passés de 500.000 personnes environ à tout juste 200.000 aujourd'hui. Les déficiences en matière d'équipements de la Bundeswehr sont régulièrement pointées du doigt.

Mais l'invasion de l'Ukraine a agi comme un électrochoc dans un pays où le pacifisme est profondément ancré depuis le nazisme et qui se repose en grande partie sur les États-Unis pour assurer sa protection militaire. 

 Energie 

Tous ces changements sont d'autant plus spectaculaires qu'ils viennent d'une coalition gouvernementale menée par les sociaux-démocrates, où règne un fort courant pro-russe, incluant des Verts, longtemps anti-militariste, ainsi que des Libéraux très à cheval sur les comptes publics.

Samedi, Berlin a surpris en acceptant de livrer des armes à l'Ukraine en guerre après s'y être longtemps refusé. Depuis la Seconde Guerre mondiale, à de rares exceptions prêt, l'Allemagne s'est refusée à livrer des armes "létales" dans les zones de conflit.

Cette position était toutefois de moins en moins tenable sur le plan politique depuis le déclenchement jeudi de l'invasion de l'Ukraine.

Dans une autre volte-face, le gouvernement allemand a finalement accepté l'exclusion de banques russes de la plateforme interbancaire Swift, un rouage essentiel de la finance mondiale. Berlin craignait jusqu'ici d'être pénalisé en retour pour ses livraisons de gaz, pétrole et charbon russes, dont le pays est étroitement dépendant pour se chauffer.

Berlin avait également annoncé la suspension du chantier pharaonique du gazoduc Nord Stream 2. 

Même la question de la sortie du pays du nucléaire, prévue à la fin de cette année, n'est plus taboue. Tout en estimant qu'un report n'aiderait pas l'Allemagne à faire face à ses besoins lors du prochain hiver, le ministre du Climat, l'écologiste Robert Habeck, a jugé dimanche soir qu'il ne voulait pas "rejeter idéologiquement" une question "pertinente" dans le contexte actuel.


Canada: le suspect de l'attaque à la voiture-bélier qui a fait 11 morts inculpé

Le Premier ministre canadien Mark Carney s'est rendu dimanche à Vancouver, où il a assisté dimanche, des fleurs à la main, à une veillée religieuse organisée pour les victimes, selon le média CPAC. (AFP)
Le Premier ministre canadien Mark Carney s'est rendu dimanche à Vancouver, où il a assisté dimanche, des fleurs à la main, à une veillée religieuse organisée pour les victimes, selon le média CPAC. (AFP)
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  • L'homme présenté comme un habitant de Vancouver, qui a comparu devant un tribunal avant d'être remis en garde à vue, a agi délibérément et a des antécédents de troubles mentaux, selon la police
  • "Le parquet de Colombie-Britannique a inculpé Kai-Ji Adam Lo", le suspect âgé de 30 ans, "de huit chefs de meurtre", a déclaré la police dans un communiqué, ajoutant que d'autres inculpations étaient attendues

VANCOUVER: Le suspect d'une attaque à la voiture-bélier qui a tué 11 personnes et fait des dizaines de blessés lors d'un festival de la communauté philippine de Vancouver a été inculpé de meurtre, a annoncé dimanche la police.

"Le parquet de Colombie-Britannique a inculpé Kai-Ji Adam Lo", le suspect âgé de 30 ans, "de huit chefs de meurtre", a déclaré la police dans un communiqué, ajoutant que d'autres inculpations étaient attendues.

L'homme présenté comme un habitant de Vancouver, qui a comparu devant un tribunal avant d'être remis en garde à vue, a agi délibérément et a des antécédents de troubles mentaux, selon la police.

Aucun motif n'a été confirmé pour cette attaque survenue samedi soir dans la ville de Vancouver, dans l'ouest du pays, en pleine campagne électorale alors que les Canadiens sont appelés aux urnes lundi pour des élections législatives. La police a exclu cependant la piste terroriste.

Le Premier ministre canadien Mark Carney s'est rendu dimanche à Vancouver, où il a assisté dimanche, des fleurs à la main, à une veillée religieuse organisée pour les victimes, selon le média CPAC.

"La nuit dernière, des familles ont perdu une sœur, un frère, une mère, un père, un fils ou une fille", a-t-il déclaré. "Ces familles vivent le cauchemar de toutes les familles.

Le suspect a "un lourd passé d'interactions, avec la police et des soignants, liées à la santé mentale", a déclaré Steve Rai, un haut responsable de la police de Vancouver, lors d'une conférence de presse dimanche.

"Même si je ne peux pas m'exprimer à ce stade sur un possible mobile, je peux désormais dire, confiant, que les éléments de ce dossier ne nous mènent pas à penser qu'il s'agit d'un acte terroriste", a-t-il ajouté.

"Il y a désormais 11 décès confirmés, et nous pensons que des dizaines d'autres sont blessés, dont certains gravement", a poursuivi Steve Rai, prévenant que le nombre de morts pourrait augmenter.

"Il s'agit du jour le plus sombre de l'histoire de Vancouver", a-t-il estimé.

Des corps "écrasés" 

Peu après 20H00 locales samedi (03h00 GMT dimanche) selon la police, "un homme au volant d'un SUV Audi noir" a foncé à travers la foule dans le quartier Sunset on Fraser de la ville de la côte pacifique où des membres de la communauté philippine s'étaient rassemblés pour célébrer la journée Lapu-Lapu, qui commémore une victoire du XVIe siècle contre les explorateurs européens.

Abigail Andiso a raconté au Vancouver Sun qu'elle a entendu de grands bruits, puis des hurlements: "Il y avait des corps. Ils ont été écrasés. Certains étaient déjà morts sur place".

Des images partagées sur les réseaux sociaux et vérifiées par l'AFP montrent un véhicule, un SUV noir dont l'avant est très endommagé, arrêté dans une rue jonchée de débris avec des camions de restauration rapide tout autour.

Sheila Nocasa était sur place peu avant l'incident. Elle a dit à l'AFP être "sous le choc", "anéantie".

Des personnes sont venues dimanche déposer des fleurs pour rendre hommage aux victimes sur le site de l'attaque.

"C'est très traumatisant", a indiqué à l'AFP Mohamad Sariman, qui travaillait dans un food truck au festival Lapu Lapu et qui dit avoir entendu une "grosse détonation".

De nombreuses communautés asiatiques, notamment chinoise, indienne et philippine, vivent dans l'ouest du Canada, pour beaucoup autour de Vancouver, troisième agglomération du pays.

Dimanche, le roi Charles III, chef d'Etat du Canada, s'est dit "profondément attristé" par cette "terrible tragédie". Le président français Emmanuel Macron a dit sa "solidarité aux Canadiens et à la communauté philippine".

De son côté, le président des Philippines Ferdinand Marcos a déclaré dans un communiqué qu'il était "complètement bouleversé d'apprendre ce terrible incident".

"J'ai peur" 

"J'étais choqué" en apprenant la nouvelle, a déclaré dimanche matin à l'AFP Julie Dunbar, une retraitée de la capitale Ottawa. Elle rappelle tristement qu'il "est arrivé la même chose à Toronto" en 2018, quand un homme avait tué 11 personnes avec un van. "J'ai peur de la société dans laquelle on vit".

Ce drame fait monter la tension à quelques heures du scrutin, lundi. La campagne électorale a été dominée par la question de la guerre économique avec les Etats-Unis de Donald Trump et ses menaces d'annexion.

Le nouveau Premier ministre Mark Carney, qui se présente comme un rempart face au président américain, est donné favori par les sondages. Il a modifié le programme de son dernier jour de campagne en raison de l'attaque à Vancouver.


La Chine contredit Trump et dément tout appel récent avec Xi Jinping

Donald Trump a imposé des droits de douane de 145% sur la majorité des produits chinois entrant sur le territoire américain. Pékin a riposté en mettant en place ses propres surtaxes douanières de 125% sur les produits américains. (AFP)
Donald Trump a imposé des droits de douane de 145% sur la majorité des produits chinois entrant sur le territoire américain. Pékin a riposté en mettant en place ses propres surtaxes douanières de 125% sur les produits américains. (AFP)
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  • Dans un entretien publié vendredi par Time Magazine, le président américain a dit avoir parlé au téléphone avec Xi Jinping, sans toutefois préciser à quelle date, ni le contenu de la conversation
  • Donald Trump avait également affirmé au Time Magazine que des discussions étaient en cours avec la Chine pour tenter de parvenir à un accord, et laissé entendre que le processus pourrait aboutir dans les prochaines semaines

PEKIN: La Chine a assuré lundi qu'aucun appel téléphonique n'avait eu lieu dernièrement entre le président Xi Jinping et son homologue américain, contredisant les affirmations de Donald Trump qui dit avoir parlé avec le dirigeant chinois.

Les deux premières puissances économiques mondiales sont engagées dans une guerre commerciale, déclenchée par le locataire de la Maison Blanche.

Donald Trump a imposé des droits de douane de 145% sur la majorité des produits chinois entrant sur le territoire américain. Pékin a riposté en mettant en place ses propres surtaxes douanières de 125% sur les produits américains.

Dans un entretien publié vendredi par Time Magazine, le président américain a dit avoir parlé au téléphone avec Xi Jinping, sans toutefois préciser à quelle date, ni le contenu de la conversation.

"À ma connaissance, les deux chefs d'État n'ont pas eu de conversation téléphonique récemment", a indiqué lundi lors d'un point de presse régulier Guo Jiakun, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Donald Trump avait également affirmé au Time Magazine que des discussions étaient en cours avec la Chine pour tenter de parvenir à un accord, et laissé entendre que le processus pourrait aboutir dans les prochaines semaines.

"Je tiens à rappeler que la Chine et les États-Unis n'ont pas engagé de consultations ni de négociations concernant les droits de douane", lui a répondu lundi Guo Jiakun.

 


Trump demande la gratuité des canaux de Panama et de Suez pour les navires américains

Cette photo diffusée par l'autorité du canal de Panama le 30 août 2024, montre le porte-conteneurs MSC Marie, de 366 mètres de long et 51 mètres de large, transitant dans le canal de Panama à Panama. (AFP)
Cette photo diffusée par l'autorité du canal de Panama le 30 août 2024, montre le porte-conteneurs MSC Marie, de 366 mètres de long et 51 mètres de large, transitant dans le canal de Panama à Panama. (AFP)
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  • Après avoir répété, depuis des mois, sa volonté de prendre le contrôle du canal de Panama, le président américain vise désormais le canal de Suez, un autre axe de transport stratégique pour le commerce mondial.
  • « J'ai demandé au secrétaire d'État Marco Rubio de se saisir » de ce dossier, a-t-il ajouté. 

WASHINGTON : Donald Trump a demandé samedi que le passage des navires américains soit rendu gratuit sur les canaux de Panama et de Suez, et a chargé son chef de la diplomatie, Marco Rubio, de se saisir immédiatement de ce dossier.

Après avoir répété, depuis des mois, sa volonté de prendre le contrôle du canal de Panama, le président américain vise désormais le canal de Suez, un autre axe de transport stratégique pour le commerce mondial.

« Les navires américains, à la fois militaires et commerciaux, devraient être autorisés à transiter gratuitement via les canaux de Panama et de Suez. Ces canaux n'existeraient pas sans les États-Unis d'Amérique », a écrit Donald Trump sur son réseau Truth Social.

« J'ai demandé au secrétaire d'État Marco Rubio de se saisir » de ce dossier, a-t-il ajouté. 

Avant même de prendre ses fonctions le 20 janvier, Donald Trump avait fait monter la pression sur le Panama, menaçant de « reprendre » le canal construit par les États-Unis et inauguré en 1914, et resté sous souveraineté américaine jusqu'en 1999.

Le Panama avait récupéré le canal cette année-là, en vertu d'un accord conclu en 1977 avec le président Jimmy Carter. Les États-Unis et la Chine sont les deux principaux utilisateurs de ce lien stratégique, par lequel transite 5 % du commerce maritime mondial.

Début avril, Washington a obtenu l'autorisation du Panama de déployer des militaires américains autour de cette voie d'eau stratégique.

Le canal de Suez, contrôlé par l'Égypte depuis 1956, concentrait lui environ 10 % du commerce maritime mondial, jusqu'à ce que les rebelles houthis du Yémen commencent à lancer des attaques contre des navires, disant agir en « solidarité » avec les Palestiniens de la bande de Gaza.

Les États-Unis sont intervenus, avec d'autres pays, pour tenter de sécuriser cette route maritime.

Mais le trafic a chuté, réduisant drastiquement une source essentielle de devises étrangères pour Le Caire, plongé dans la pire crise économique de son histoire.