ATHÈNES : Malgré l'embellie du tourisme, l'explosion des prix plombe le climat social en Grèce où des manifestations à l'appel des syndicats sont prévues samedi pour dénoncer la hausse du coût de la vie.
"Les prix des loyers et de l'électricité ont explosé", fustige Dimitris Stephanidis, kinésithérapeute à Athènes, qui envisage de quitter le pays.
En janvier, les prix ont bondi à 6,2% sur un an, un record que l'invasion russe en Ukraine pourrait encore gonfler.
En raison de la conjoncture actuelle "l'inflation pourrait s'élever à plus de 2% en moyenne en 2022", a indiqué à l'AFP Panagiotis Petrakis, professeur de l'Economie à l'Université d'Athènes.
Les prix de l'électricité ont augmenté en janvier de 56%, ceux des carburants de 21,6% quand celles du gaz naturel ont grimpé de 156%, selon les chiffres officiels.
Dimitris Stephanidis avait déjà quitté la Grèce en 2012 au pic de la crise de la dette, comme des centaines de milliers de ses compatriotes, mais "la détérioration de sa situation économique" est telle qu'il pourrait bien repartir, confie-t-il à l'AFP.
Avec un taux de chômage à près de 13%, l'un de plus élevés de la zone euro, la Grèce traîne encore un lourd héritage de la crise financière qui a frappé le pays entre 2010 et 2018.
Si le gouvernement conservateur a promis "des aides aux les plus vulnérables" et la hausse du salaire minimum, actuellement à environ 650 euros par mois, les syndicats appellent à manifester samedi pour "la protection des emplois" et "des salaires".
Spectre de la pauvreté
Car la Grèce arrive juste derrière la Bulgarie et la Roumanie sur le risque d'exclusion sociale, avec plus du quart de sa population (28,9%) en risque de pauvreté, selon les données de 2020 du réseau grec de lutte contre la pauvreté.
"44,6% des foyers disent avoir des difficultés à payer leur loyer ou leurs prêts immobiliers" tandis que "16,7% ne disposent pas de chauffage adéquat", selon ces données.
L'opposition de gauche réclame l'augmentation des aides sociales, après un paquet de 6 milliards d'euros alloué par les autorités en place au programme d'armements.
La pandémie du coronavirus a porté un nouveau coup à l'économie grecque, à peine sortie de la dépression au cours de laquelle le pays a perdu un quart de son Produit intérieur brut (PIB), salaires et retraites ayant été rabotés.
Mais avec la reprise du tourisme et les plans d'aide de l'Union européenne, le pays a l'an dernier rattrapé une partie de ses pertes. Près de 44 milliards d'euros ont été versés par le gouvernement en soutien aux entreprises et aux bas revenus pendant la pandémie.
"La hausse du tourisme en 2021 et des exportations démontrent une grande dynamique de l'économie actuellement", souligne Nikos Vettas, directeur de l'Institut du patronat grec (Iove).
Prévue à 6% du PIB en 2021, la croissance doit atteindre 4,5% en 2022 contre une récession de -9% il y a deux ans, selon les estimations officielles.
Remboursement de la dette au FMI
Autre élément d'une certaine stabilisation de l'économie, la baisse graduelle de la dette publique, principal fardeau du pays dont le taux est l'un de plus élevés de la zone euro: selon les prévisions gouvernementales, elle doit passer à 189,6% du PIB en 2022 - contre 197,1% en 2021 et 206,3% du en 2020.
Les agences de notation, dont Fitch, ont récemment révisé à la hausse les perspectives de la Grèce, de stable à positive.
En outre l'image du pays sur les marchés d'emprunt doit encore s'améliorer après le remboursement prévu de la totalité de sa dette au FMI d'ici avril, soit 1,850 milliards d'euros, assure une source proche du dossier.
Mais le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis doit encore résoudre une équation difficile : "à la fois réduire le déficit public" prévu à environ 7% du PIB en 2021 et en même temps "soutenir les bas revenus", souligne Nikos Vettas.