PARIS : L'Union européenne "veut couper tous les liens entre la Russie et le système financier mondial", a affirmé vendredi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire après l'invasion russe en Ukraine.
M. Le Maire, qui s'exprimait devant la presse peu avant le début d'une réunion des ministres des Finances à Paris, a souligné que l'économie française était "peu exposée à la Russie".
"Nous voulons isoler financièrement la Russie (...) Nous voulons assécher les financements" de l'économie russe, a-t-il assuré.
"Notre objectif est de faire plier l'économie russe, cela prendra le temps nécessaire", a encore affirmé M. Le Maire au lendemain de l'annonce de sanctions européennes.
Paris va par ailleurs participer à hauteur de 300 millions d'euros à l'octroi d'une aide de l'UE de 1,2 milliard d'euros à Kiev, décidée lundi à Bruxelles.
Parmi les sanctions actées contre Moscou, l'UE va limiter drastiquement l'accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, entravant et renchérissant le financement de sa dette.
Elle va également réduire son accès à des "technologies cruciales", en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à "pénaliser gravement" son économie, a expliqué jeudi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Ces sanctions toucheront "les transports, le secteur aéronautique, les semi-conducteurs, toutes les technologies sensibles de l'économie russe", a précisé vendredi le ministre français de l'Economie.
Concernant les sanctions ciblant des personnalités russes, la Direction générale des Finances publiques va se charger d'identifier les avoirs en France des personnes visées, a-t-il expliqué.
Aucune action n'a toutefois été décidée concernant le système d'échanges bancaires internationaux SWIFT en raison notamment de réticences allemandes. "C'est la toute dernière option", a affirmé M. Le Maire.
"Des étapes supplémentaires sont encore possibles mais nous devons être méfiants quant à leurs effets: c'est à l'économie russe qu'il s'agit de faire subir des conséquences", a souligné le ministre allemand des Finances Christian Lindner, présent aux côtés de son homologue français.
La Banque de Russie annonce des mesures de soutien aux banques russes sanctionnées
La Banque de Russie a annoncé vendredi des mesures de soutien aux banques russes sanctionnées par les États-Unis après le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine.
"La Banque de Russie et le gouvernement russe vont apporter toute l'assistance nécessaire aux banques sanctionnées par les États occidentaux", notamment aux deux plus grandes banques du pays, VTB et Sberbank, a indiqué l'institution financière dans un communiqué.
"Toutes les opérations de ces banques en roubles seront effectuées et les services appropriés seront fournis à tous les clients comme d'habitude", selon la même source.
"Tous les moyens des clients en devises étrangères ont également été préservés et peuvent être délivrés en ces devises", assure le communiqué.
"La Banque de Russie est prête à soutenir les banques avec des roubles et des devises étrangères", précise-t-il, en affirmant que toutes les banques concernées ont "une grande réserve de solidité".
"La Banque de Russie est prête à prendre des mesures supplémentaires pour assurer la stabilité et la continuité des activités opérationnelles des banques, pour défendre les intérêts de leurs créanciers et épargnants", ajoute-t-elle.
Sberbank a assuré jeudi que tous ses systèmes et ses bureaux continuaient de fonctionner "normalement", ses clients ayant "pleinement l'accès" à tous leurs moyens financiers.
De son côté, VTB a annoncé qu'en raison de sanctions, l'utilisation de ses cartes bancaires de types Visa et Mastercard à l'étranger était "impossible".
"Nous vous recommandons de retirer du liquide à l'avance pour les paiements sur le territoire des pays étrangers", a indiqué VTB dans un communiqué, en précisant que sur le territoire russe toutes les cartes étaient opérationnelles "sans restrictions".
Novikombank, également sanctionnée, a indiqué que la "mise en place de sanctions ne va pas affecter" ses activités. "Nous garantissons la sécurité des moyens financiers de nos clients et de leurs intérêts", a assuré la banque dans un communiqué.
Les États-Unis ont annoncé jeudi de fermes sanctions en réaction à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui touchent aussi bien les banques que les nouvelles technologies en passant par des oligarques russes.
Pour porter un coup à l'économie russe, les autorités américaines ont notamment ciblé les deux plus grandes banques du pays, Sberbank et VTB.
L'Allemagne est particulièrement dépendante de la Russie dans le secteur du gaz, et une exclusion du système SWIFT de Moscou pourrait avoir de lourdes implications sur les approvisionnements de Berlin.
Face aux conséquences de ces sanctions sur "quelques entreprises françaises", Bruno Le Maire a rappelé que "la Russie est un partenaire économique secondaire de la France".
Le ministre a consulté jeudi plusieurs fédérations d'entreprises françaises, dont l'automobile, le nucléaire et l'aéronautique.
Certaines entreprises craignent d'avoir à subir les conséquences de cette montée de tensions, à l'instar de Safran avec le titane, un matériau utilisé dans les trains d'atterrissage des avions ou dans le fuselage. Plus généralement les entreprises craignent une potentielle flambée des prix des matières premières dont l'aluminium, l'acier, le pétrole et le gaz.
Le Japon va sanctionner la Russie dans les semi-conducteurs
Le Japon a annoncé vendredi des sanctions supplémentaires contre Moscou pour son invasion de l'Ukraine, visant le secteur financier et l'exportation de composants électroniques vers la Russie, qui a aussitôt condamné ces mesures.
"Il y aura une sérieuse réponse de notre part", a promis l'ambassadeur de Russie, Mikhail Galuzin, lors d'une conférence de presse à Tokyo, en "regrettant profondément" les mesures "contre-productives" prises par la troisième économie mondiale à l'encontre de son pays.
En plus de premières sanctions annoncées mercredi, les nouvelles mesures de Tokyo "comprennent le gel des actifs et la suspension de la délivrance de visas à des personnes et organisations russes", a annoncé vendredi le Premier ministre nippon Fumio Kishida, après une réunion en ligne des dirigeants des sept pays industrialisés du G7.
M. Kishida a également annoncé un train de sanctions "dans le secteur financier, comme le gel d'actifs visant des institutions financières russes", ainsi que des mesures "sur les exportations vers les organisations russes liées à l'armée" et sur des "biens à usage général comme les semi-conducteurs et les articles figurant sur une liste restreinte basée sur des accords internationaux", sans donner plus de précisions dans l'immédiat.
Les semi-conducteurs sont des composants électroniques essentiels de produits de grande consommation, allant des voitures aux consoles de jeux en passant par les smartphones, et font actuellement l'objet d'une pénurie dans le monde entier.
Les Etats-Unis ont également annoncé des contrôles à l'exportation de composants sensibles vers la Russie.
Le Premier ministre japonais a exhorté la Russie à "retirer immédiatement ses troupes" d'Ukraine et "à se conformer au droit international".
Quelques heures plus tôt, le président américain Joe Biden avait annoncé sur Twitter que les dirigeants du G7 s'étaient mis d'accord pour infliger des sanctions "dévastatrices" à la Russie, en réponse à l'attaque contre l'Ukraine.
M. Kishida avait fermement condamné jeudi "l'invasion russe" qui "secoue les fondations de l'ordre international" et précisé que Tokyo allait "coordonner ses efforts avec ceux de la communauté internationale dont les Etats-Unis", auxquels le Japon est étroitement allié.
Les relations russo-japonaises sont compliquées: les deux Etats n'ont jamais signé de traité de paix après la Seconde Guerre mondiale, en raison d'un contentieux territorial sur quatre petites îles de l'archipel des Kouriles, voisines de Hokkaido (nord du Japon).
Ces îles avaient été prises par l'armée soviétique dans les derniers jours du conflit et n'ont jamais été restituées depuis à Tokyo, qui les appelle les "Territoires du Nord".