OTTAWA: Malgré des pouvoirs exceptionnels déclenchés lundi, la situation évoluait peu mardi dans les rues du centre-ville d'Ottawa, toujours bloquées par des manifestants anti-mesures sanitaires qui refusent de partir.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé lundi le recours à la loi sur les mesures d'urgence pour mettre fin aux blocages "illégaux".
C'est seulement la deuxième fois que cette disposition est activée en temps de paix, la dernière fois remontant à la crise de 1970 quand Pierre Elliott Trudeau, le père de l'actuel Premier ministre était au pouvoir.
Minimisé au départ par les autorités, le mouvement de contestation canadien qui a débuté fin janvier est parti de camionneurs protestant contre l'obligation d'être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis.
Mais les revendications se sont étendues à un refus de l'ensemble des mesures sanitaires et, pour de nombreux manifestants, à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.
Le déclenchement de cet état d'urgence national est "une lame à double tranchant pour Justin Trudeau" estime Félix Mathieu, professeur de sciences politiques à l'université de Winnipeg (centre).
"S'il y a le moindre accrochage, il sera considéré comme le principal responsable. Tout le poids est maintenant sur ses épaules", ajoute-t-il.
«On ne va nulle part»
Dans les rues de la capitale fédérale, la situation demeurait inchangée mardi matin: une longue file de camions bloquait toujours la rue Wellington, sur la colline parlementaire.
Sous un ciel bleu et un grand soleil, des policiers se trouvaient également à proximité, assis à l'intérieur de leurs voitures, sans toutefois sembler plus nombreux, a constaté une journaliste de l'AFP.
Au 19e jour de l'occupation du centre-ville, le chef de la police d'Ottawa Peter Sloly a remis sa démission, a annoncé mardi un conseiller municipal.
Peter Sloly était très critiqué pour sa gestion de la contestation et notamment pour avoir laissé s'installer les camions en plein cœur de la ville, devant le Parlement et sous les fenêtres du bureau du Premier ministre Justin Trudeau.
Du côté des manifestants, Tyler, propriétaire d'un camion noir, n'a pas bougé depuis le début du mouvement. Casquette et capuche sur la tête, le jeune homme de 20 ans, vêtu d'un pull noir, estime que Justin Trudeau "a peur" et "a perdu le contrôle".
Les nouvelles mesures n'auront "aucune conséquence" assure ce Canadien originaire de Hamilton, en Ontario. "Les camionneurs ne vont nulle part".
Installé à l'avant de son camion, David Fortin, 48 ans, écouteurs dans les oreilles demande la même chose: "que Trudeau vienne nous rencontrer au lieu de se sauver", lâche ce Québécois, présent depuis le premier jour. Pas effrayé, il partira une fois que les mesures sanitaires seront "toutes tombées".
Sur les points de blocage aux frontières, la situation avait en revanche évolué à Coutts, en Alberta, où la police avait procédé lundi à l'arrestation de 11 personnes et saisi des armes.
"Le blocus est terminé", a déclaré à l'AFP Roberta McKale, porte-parole de la police albertaine. "Tout le monde part volontairement."
Mais à Emerson, au Manitoba, les manifestants refusaient de quitter les lieux et la frontière restait fermée.
Dimanche soir, la police avait réussi à évacuer les manifestants du pont Ambassador qui relie Windsor, en Ontario, et la ville américaine de Detroit. Au total, 46 personnes ont été interpellées et 37 véhicules, a indiqué mardi la police de la ville.
Allègements
En quelques jours, la contestation a tout de même fait bouger les lignes: plusieurs provinces ont levé leurs restrictions. Mardi, c'était au tour du Québec d'annoncer l'abandon du passeport vaccinal, après avoir pourtant mis en place des restrictions très strictes pour les non-vaccinés.
Lundi, le Premier ministre de l'Ontario a annoncé la même chose, suivant l'exemple de la Saskatchewan et de l'Alberta.
Et mardi, le gouvernement fédéral a assoupli les restrictions sanitaires aux frontières canadiennes, mettant notamment fin à l'exigence d'un test PCR pour entrer dans le pays.
"Il est temps d'ajuster notre approche. Nous assouplissons aujourd'hui nos mesures aux frontières", a déclaré Jean-Yves Duclos, le ministre de la Santé.
À compter du 28 février, les voyageurs vaccinés n'auront plus l'obligation de présenter un test PCR négatif à leur entrée au Canada et ceux qui seront choisis à l'arrivée pour un test "aléatoire" n'auront plus à être en quarantaine en attendant les résultats.
Si quelque 90% des Canadiens sont vaccinés, la contestation des camionneurs a reçu un soutien populaire plus large qu'anticipé par les autorités, symbole d'après les experts d'un ras-le-bol très fort de la population, soumise à des restrictions parmi les plus dures au monde depuis deux ans.