BEYROUTH: La juge Ghada Aoun, procureure du Mont-Liban, a prolongé indéfiniment mardi la citation à comparaître émise en début de mois à l’encontre du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Celui-ci ne s'est pas présenté à une audience fixée par la justice.
Aoun souhaite interroger Salamé, comme témoin, dans plusieurs affaires d’irrégularités financières.
L'assignation à comparaître est liée à un procès pénal intenté contre Salamé par un groupe de réformateurs auto-proclamés qui accusent le gouverneur d’«enrichissement illégal», de «blanchiment d'argent» et de «gaspillage de fonds publics».
Le personnel de la Sûreté de l'État libanais, envoyé au siège de la banque centrale à Ras Beyrouth et au domicile de Salamé à Rabieh, s'est vu refuser l'entrée par des membres des Forces de sécurité intérieure.
Il s'agit de la quatrième audience fixée par Aoun, qui est affiliée au Courant patriotique libre, pour interroger Salamé. Ce dernier demande à ce que la juge soit retirée de l'affaire.
La période d’environ trois décennies de Salameh à la tête de la banque centrale est sous surveillance accrue depuis la débâcle financière du pays en 2019.
Le mandat de Salamé, à la tête de la banque centrale du pays depuis près de trente ans, est scruté de près depuis le déclenchement la débâcle financière du Liban en 2019.
Il fait l'objet d'une enquête intérieure, mais aussi dans plusieurs pays européens, dont la Suisse, pour des allégations de blanchiment d'argent et de détournement de centaines de millions de dollars à la Banque du Liban (BDL), accusations qu'il a maintes fois démenties.
Dans une déclaration télévisée, la juge Aoun a déclaré qu'elle «continuera à poursuivre le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, jusqu'à ce qu'il soit traduit en justice».
Le groupe à l’origine de la plainte contre Salamé a accusé le général Imad Othman, directeur général des Forces de sécurité intérieure, de «violer la loi en protégeant le gouverneur et en s'insurgeant contre l'ordre judiciaire émis à son encontre».
«Les agents de la sécurité de l'État sont responsables de l'exécution de l’assignation à comparaître. Cependant, le général Othman, ses officiers et ses généraux ont commis un crime de sang-froid qui les prive automatiquement de toute immunité fonctionnelle», a-t-il ajouté.
Le groupe, qui comprend plusieurs avocats actifs dans le mouvement civil, a déclaré avoir décidé «d'intenter une action personnelle en justice contre Othman et ses agents, qui ont défié la sécurité de l'État».
D'après une source judiciaire anonyme, «c’est la juge Aoun qui viole la loi. Le procureur de la République près la Cour de cassation, le juge Ghassan Oueidat, l'avait déjà écartée des affaires liées à d'importants délits financiers, les renvoyant à l'inspection judiciaire en avril dernier. Toutefois, aucune décision n'a encore été prise en raison de la difficulté de voter au sein de cette instance à cause des ingérences politiques.»
La même source judiciaire a précisé que «la juge Aoun viole la loi en délivrant une citation à comparaître contre le gouverneur de la BDL, parce qu’il n'est pas un accusé mais un témoin. Comment se donne-t-elle le droit d’émettre une assignation contre lui? Les représentants de Salamé avaient précédemment soumis une requête pour que Aoun soit retirée de l'affaire, mais elle a refusé de recevoir la demande».
D'après cette source, Aoun ne peut émettre d'assignation par contumace contre Salamé et ne peut que reporter l'audience.
L’envoi de la Sûreté de l'État dans des lieux où Salamé pourrait se trouver a provoqué un choc général au Palais de justice de Beyrouth.
Le conflit interne au sujet du gouverneur de la BDL est intense entre le parti politique du président, Michel Aoun, qui tente de renverser Salamé, et les partisans de ce dernier.
Le camp de Salamé est d'avis que «la démarche de la juge… reflète une décision politique de remplacer le gouverneur par une personne affiliée au président».
Le Premier ministre, Najib Mikati, souhaite quant à lui que le chef vétéran de la banque centrale garde son poste alors que le Liban lutte contre sa crise économique.
La juge Aoun a rendu une décision de geler toutes les propriétés et voitures du gouverneur le 18 janvier et lui a imposé une interdiction de voyager.
Salamé est la cible d'une campagne politique et populaire à son encontre depuis que des manifestations ont éclaté en 2019 après le début de l'effondrement économique du Liban, le tenant pour responsable de la saisie des dépôts des gens dans les banques en les prêtant à l'État.
Le gouverneur insiste cependant sur le fait qu'il travaille à «protéger la sécurité sociale des Libanais et à assurer leurs besoins minimaux malgré la situation financière».
Il a affirmé que «le problème sera résolu lorsque les parties concernées assumeront leurs responsabilités au lieu de tenir la banque centrale responsable des crises».
Pendant ce temps, alors que les tensions politiques augmentent, le Hezbollah a contesté lundi la décision du ministère de l'Intérieur d'interdire un événement d'un groupe bahreïni banni.
Après avoir consulté Mikati, le ministre de l'Intérieur, Bassam Mawlawi, a envoyé le week-end dernier deux avis à la Direction générale des Forces de sécurité intérieure et à la Direction générale de la Sécurité publique pour empêcher deux activités les 14 et 15 février, organisées par la «Société nationale islamique Al-Wefaq» et la «Coalition des jeunes du 14 février».
Les avis ont été envoyés pour «défaut d'obtention d'une autorisation légale» et demandaient de «prendre toutes les mesures d'enquête nécessaires afin de recueillir des informations sur les organisateurs, les défenseurs et les invités».
Aucun des deux organismes de sécurité n'a cependant exécuté l'ordre.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com