Présidentielle: crise en Ukraine et «convois» antipass percutent la campagne

Les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes samedi en début d'après midi pour disperser des manifestants sur les Champs-Élysées, où des blindés de la gendarmerie ont été déployés pour la première fois dans la capitale depuis fin 2018 et les manifestations des «gilets jaunes». (Photo, AFP)
Les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes samedi en début d'après midi pour disperser des manifestants sur les Champs-Élysées, où des blindés de la gendarmerie ont été déployés pour la première fois dans la capitale depuis fin 2018 et les manifestations des «gilets jaunes». (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 13 février 2022

Présidentielle: crise en Ukraine et «convois» antipass percutent la campagne

  • Le quasi candidat à la présidentielle Emmanuel Macron a été mis au défi sur deux fronts samedi
  • Il «commence sa campagne avec des blindés», a ainsi critiqué la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen

PARIS : Le quasi candidat à la présidentielle Emmanuel Macron a été mis au défi sur deux fronts samedi: il a répété à Vladimir Poutine la "détermination à réagir" des Occidentaux face à une éventuelle attaque de l'Ukraine, et a vu les "convois" anti-pass entrer dans Paris pour protester contre la gestion sanitaire de la Covid-19 et la hausse des prix.

Le président sortant s'est entretenu par téléphone pendant une heure et quarante minutes samedi midi avec Vladimir Poutine, alors que Washington parle d'invasion imminente de l'Ukraine par les troupes russes. "Nous voulons maintenir une position coordonnée unie et robuste, avec la perspective de sanctions contre la Russie si d'aventure il y avait une attaque", a expliqué la présidence française.

Autre terrain d'inquiétude pour le chef de l'État, qui avait appelé dès vendredi "au plus grand calme": les milliers de manifestants qui ont convergé, avant Bruxelles, vers Paris dans ce qu'ils ont nommé les "convois de la liberté", afin de protester contre le pass vaccinal et la hausse des prix, malgré l'interdiction par la préfecture de police.

Les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes samedi en début d'après midi pour disperser des manifestants sur les Champs-Élysées, où des blindés de la gendarmerie ont été déployés pour la première fois dans la capitale depuis fin 2018 et les manifestations des "gilets jaunes".

De quoi alimenter les attaques de certains prétendants à l'Élysée qui n'ont pas manqué de souligner le parallèle avec l'un des moments les plus délicats de son quinquennat.

Il "commence sa campagne avec des blindés", a ainsi critiqué la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, depuis un marché de Toulon. "Ca ressemble en fait à son mandat, un mandat de chaos, de désordre et de conflit, un mandat de division des Français", a-t-elle ajouté.

A gauche, le lieutenant de Jean-Luc Mélenchon Adrien Quatennens a estimé, dans La Dépêche, que l'exécutif avait fait "une erreur de diagnostic de croire que les 'gilets jaunes' étaient rentrés à la maison". Pour le député du Nord, "l'essentiel des participants (aux convois) n'est pas contre le vaccin mais contre les mesures liberticides et pour l'augmentation du pouvoir d'achat".

Assèchement

Mais le patron du Modem François Bayrou, allié d'Emmanuel Macron, a estimé sur France Inter qu'il s'agissait "d'un mouvement 'de sécession' d'une partie du pays, qui ne comprend pas, ne se retrouve pas et a un désir de révolte".

La candidate socialiste et maire de Paris Anne Hidalgo a, elle, prôné "la fermeté" et "l'ordre" dans la capitale.

Pour sa part la candidate de Lutte ouvrière Nathalie Arthaud, qui a tenu meeting à la Mutualité de Paris, s'est "réjouie" des "convois de la liberté", mais s'est également adressée aux "travailleurs" pour les détourner du vote pour les "Dupont et Dupond de l'extrême droite", Marine Le Pen et Eric Zemmour.

Ce dernier a réuni plus de 3 000 personnes dans la petite ville de Saulieu (Côté d'Or), où il a renvoyé dos à dos Emmanuel Macron et la candidate Les Républicains Valérie Pécresse, "deux robots de la technocratie française". Le nom de la seconde, qui n'est "pas de droite" aux yeux d'Éric Zemmour, a été copieusement hué.

Valérie Pécresse tentera de relancer sa campagne dimanche après-midi lors de son premier grand meeting au Zénith de Paris où sont attendus plusieurs milliers de personnes.

Elle sort d'une semaine difficile où plusieurs anciens sarkozystes, dont le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale Éric Woerth et la maire de Calais Natacha Bouchart, ont apporté leur soutien à Emmanuel Macron.

Au même moment, Jean-Luc Mélenchon, en tête d'une gauche éparpillée en cinq candidatures principales, entend réunir 6 000 soutiens à Montpellier.

Sa concurrente l'ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira, vainqueure de la primaire populaire mais créditée d'un maximum de 5% dans les sondages, a continué de prôner l'union, samedi dans son meeting à Créteil devant quelques centaines de personnes, surtout des jeunes. "Nous avons de la peine quand nous voyons le spectacle actuel, cette gauche qui ne critique que la gauche", a-t-elle lancé.

Dans la matinée, l'animaliste Hélène Thouy a, en remplissant symboliquement un cercueil de bulletins de vote, dénoncé devant le siège de l'Association des maires de France à Paris "l'assèchement" des parrainages, demandant le respect du "pluralisme" des candidatures.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.