PARIS : La mission de la police française, dont l'image a été entachée par des affaires de violence et de racisme sous le mandat d'Emmanuel Macron, reste une thématique majeure et donne cours à toutes les surenchères à deux mois de l'élection présidentielle.
Sujet de préoccupation pour les Français (mais loin derrière la question du pouvoir d'achat), la lutte contre la délinquance donne lieu à de nombreuses propositions et à des formules souvent à l'emporte-pièce pour répondre au besoin de sécurité de l'opinion.
Invités la semaine dernière par le syndicat de police Alliance (classé à droite), les candidats de droite et d'extrême droite - ceux de gauche avaient refusé l'invitation - se sont ainsi livrés à une compétition de fermeté.
La candidate de droite Valérie Pécresse, qui promet une "impunité zéro", a annoncé un budget en hausse de 50% sur 5 ans pour la police, des peines d'un an de prison ferme pour toute atteinte contre un policier ou un gendarme, la fin de la "culture de l'excuse". A l'instar des candidats d'extrême droite, elle a fait le lien entre immigration et terrorisme.
A l'extrême droite Marine Le Pen, prônant une "fermeté totale", veut la création de 20.000 places de prison sur 5-6 ans, promet l'expulsion des détenus étrangers et la fin de l'aménagement de certaines peines. Son rival Eric Zemmour a quant à lui estimé que les policiers faisaient face à un "conflit de civilisation" dans les banlieues et qu'ils devaient redevenir des "chasseurs". Il veut également instaurer un critère de "défense excusable" pour les policiers et citoyens.
Le film "Bac Nord", qui décrit le quotidien de policiers dans les quartiers sensibles de Marseille, avait été projeté devant les invités, conduisant le réalisateur, Cédric Jimenez, à regretter une énième "récupération politique" de son film.
Image dégradée
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, représentant la majorité présidentielle, a pour sa part défendu le bilan d'Emmanuel Macron et le projet de loi de programmation pour les cinq ans à venir, doté de 15 milliards d'euros supplémentaires.
Pourtant, l'image de la police s'est dégradée auprès d'une partie de la population sous le quinquennat Macron, même si 72% des Français font confiance à cette institution selon une étude en janvier.
Les violences policières - le président Macron avait lui-même utilisé la formule - pendant la crise sociale des Gilets jaunes en 2018, et des affaires de racisme, comme celle du producteur noir Michel Zecler passé à tabac par des policiers en 2020, ont marqué les esprits.
Les "gilets jaunes" et leur cortège de blessés graves "ont été un moment déterminant, que l'on ressent toujours aujourd'hui", reconnaît une haut responsable policière, admettant "un vrai sujet d'image" de la police.
Les effets de la police de sécurité du quotidien (PSQ), une "police sur-mesure", "ancrée dans les territoires", censée répondre à la défiance vis à vis des forces de l'ordre, sont restés limités, notamment en raison d'autres priorités: crise des gilets jaunes puis crise sanitaire.
A gauche, les candidats préfèrent insister sur la nécessité de renforcer les moyens de la justice. L'écologiste Yannick Jadot veut ainsi augmenter le budget annuel d'au moins un milliard en cinq ans, la socialiste Anne Hidalgo veut lancer un grand plan de recrutement de magistrats, greffiers et travailleurs sociaux.
Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon entend pour sa part réformer la police "de la cave au grenier" et promet le démantèlement des Brigades anticriminalité (BAC), spécialisées dans les interventions à risques dans les zones sensibles, au profit d'un retour à la police de proximité.