PARIS : Eric Zemmour a critiqué samedi "l'assistanat" qui selon lui favorise l'immigration, lors de son deuxième grand meeting de campagne à Lille, sa rivale d'extrême droite Marine Le Pen réservant ses attaques à Reims au quasi-candidat Macron.
Alors que plusieurs centaines de manifestants antiracistes ont manifesté dans les rues de Lille, avec quelques tensions et tirs de gaz lacrymogènes, le candidat d'extrême droite, face à 6 000 partisans chauffés à blanc au Grand Palais de Lille, a tenu un discours axé sur le pouvoir d'achat pour "donner l'espérance" que "la France du travail attend" selon lui.
"Ici encore plus qu'ailleurs, l'assistanat (des aides sociales) est une insulte", a-t-il fustigé, promettant d'être "le président qui réunira l'entrepreneur et le travailleur".
Parmi plusieurs mesures qu'il n'a pas chiffrées, Eric Zemmour propose notamment une "prime zéro charges", versée au bon vouloir de l'employeur, "jusqu'à trois mois de salaire net". Une forme d'extension de la "Prime Macron", mesure créée en 2019 et reconduite depuis. Près de quatre millions de salariés ont touché cette prime l'an dernier avec un versement moyen de 506 euros.
Dans la salle, ses sympathisants ont loué la "vision" et "les nouvelles idées" du candidat, face à "une France en grave danger" à leurs yeux.
Une manifestation de 1 100 personnes opposées à la venue du candidat Reconquête! dont 200 de l'ultra-gauche, selon la police, a eu lieu un peu auparavant, émaillée de tensions. Les forces de l'ordre ont eu recours sporadiquement à des tirs de gaz lacrymogène face à plusieurs dizaines d'invidus vêtus de noir. Six personnes ont été interpellées et un policier a été blessé à la main, selon les autorités.
Les manifestants, à l'image de Christian, un retraité de 68 ans, ont regretté que "les gens soient sourds ou aveugles" face à des idées qu'ils jugent dangereuses.
Une autre manifestation de 500 personnes, dont la maire PS de la ville Martine Aubry et des membres de SOS Racisme, avait eu lieu plus tôt dans le calme pour "dire non à la haine".
«On va gagner!»
Dans un duel à distance, Marine Le Pen, qu'un dernier sondage Ipsos Sopra-Steria donne à égalité avec son rival Eric Zemmour (14%) derrière Valérie Pécresse (16,5%) et Emmanuel Macron (24%), a tenu à marquer ses différences, à Reims, avec Eric Zemmour, indiquant avoir un "projet travaillé, réfléchi, complet".
Mais elle a surtout attaqué Emmanuel Macron, qu'elle affronterait au deuxième tour, responsable selon elle de la "régression" d'une France "polytraumatisée", "abandonnée" et "ensauvagée".
Devant 4 000 militants, drapeaux bleu-blanc-rouge à la main et chantant à plusieurs reprises "On va gagner!", la candidate du RN a appelé à "briser le cycle du défaitisme" face à "un appauvrissement des Français" qui "n'est pas une fatalité" à ses yeux.
Seul léger incident à noter, l'irruption de deux Femen, torses nus et scandant "Le Pen fasciste, pas féministe", rapidement maîtrisées par la sécurité.
Mme Le Pen a tenu à conclure son discours sur une note plus personnelle, exercice rare pour elle, évoquant son parcours et confessant "avoir parfois échoué", "être tombée" et "s'être toujours relevée".
Son père Jean-Marie a confié au JDD dimanche penser que l'"image qu'elle projette est plus positive", tout en regrettant qu'elle "ait écarté beaucoup de militants, des amis de Marion" Maréchal, sa nièce, au coeur d'une énième querelle familiale depuis qu'elle a dit récemment "pencher" en faveur de Zemmour.
Dans la salle, Annick, cheffe d’entreprise de 58 ans, dit apprécier Marine Le Pen pour "son attachement à notre identité de Français" et une "image de fermeté" face à un Zemmour "qui n'a pas de sincérité".
Plus d'une centaine de personnes avaient manifesté plus tôt aux cris "Dehors l'extrême droite, Le Pen, Zemmour & Co" ou encore "R-Haine dehors".
«Errements de la gauche»
A droite, Valérie Pécresse a souhaité "restaurer l'autorité à l'école" et proposant notamment "la fin du collège unique" ou encore "le développement de l'apprentissage".
Interrogé par des journalistes sur ses éventuelles inquiétudes de se voir "débrancher" par le PS, lors de la présentation de son comité de soutien national, Anne Hidalgo (3%) a répondu du tac-au-tac: "Vous allez vous fatiguer avant moi. Vous me connaissez mal".
Sa rivale dans le camp social-démocrate, Christiane Taubira, incarne le "wokisme" et "les errements de la gauche", selon l'ancien Premier ministre Manuel Valls dans une tribune au JDD. Même s'il lui reconnaît "le courage lors des débats sur le mariage pour tous", il fustige aussi ses "revirements idéologiques", son "ambiguïté vis-à-vis des principes républicains" et une "candidature très égotiste".
L'ex-garde des Sceaux (4%) a, elle aussi au JDD, estimé avoir depuis sa victoire à la Primaire populaire un "mandat populaire pour aller au bout et rassembler" à gauche, concédant toutefois que la situation était "difficile, c'est indiscutable".
Chez Yannick Jadot (8%), 30 citoyens "sélectionnés par un organisme indépendant" vont former "l'Assemblée des possibles" pour travailler jusqu'au 5 mars sur le volet démocratie du projet que portera le candidat écologiste.
Fabien Roussel (3%), le candidat communiste, tient, lui, dimanche après-midi, un grand meeting à Marseille.
En attendant, la campagne reste toujours suspendue à l'annonce de candidature d'Emmanuel Macron qui est attendu lundi en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine et mardi à Kiev pour échanger avec son homologue ukrainien. De quoi agacer ses opposants qui l'attendent de pied ferme dans la campagne.
Marine Le Pen suggère à Eric Zemmour de «faire le ménage» dans son mouvement
Samedi à Reims, où elle réunit ses troupes pour accélérer sa campagne, Marine Le Pen a suggéré à son rival Eric Zemmour, qui fait aussi un meeting à Lille le même jour, de "faire le ménage" dans son mouvement.
"Eric Zemmour devrait faire le ménage dans son mouvement", a affirmé devant des journalistes la candidate à l'Elysée du Rassemblement national, en citant le mouvement d'ultradroite les Zouaves, accusé d'avoir agressé des militants de SOS Racisme au meeting de M. Zemmour à Villepinte le 5 décembre.
"Eric Zemmour est jeune en politique: c'est un conseil de responsable expérimentée", a ajouté Marine Le Pen qui avait, en arrivant à la tête du FN en 2011, évincé des représentants de mouvements pétainistes ou antisémites, avant d'exclure en 2015 son propre père Jean-Marie Le Pen pour ses propos polémiques sur la Shoah, au nom de la "dédiabolisation" du mouvement.
La candidate d'extrême droite était interrogée sur ses propos dans le Figaro où elle accusait son adversaire de "communautarisme" et d'attirer dans sa campagne des "catholiques traditionalistes", des "païens et quelques nazis".
Mais ses déclarations sur les catholiques ont suscité quelques remous en interne. L'eurodéputé Nicolas Bay a estimé dans le même journal vendredi que "l’on commet une erreur en reproduisant les attaques du système et en utilisant les mots de la gauche morale". Il a aussi dit "comprendre" que la comparaison entre "communautarisme catholique" et islamiste "puisse choquer".
"Il y a des catholiques au RN, moi d'abord. Et il y a des catholiques traditionalistes, mais qui ne sont pas organisés en chapelles pour peser sur le projet", a précisé Marine Le Pen samedi, en rappelant que le RN était un mouvement "a-confessionnel".
"Je n'ai aucun problème avec la chrétienté, notre vision du monde et de l'homme est imprégnée de culture chrétienne, que nous croyions ou pas", a-t-elle fait valoir en souhaitant "l'unité" du pays qui a été "fracturé" par Emmanuel Macron.
Marine Le Pen, qui doit prononcer un discours en soirée devant quelque 3 000 militants, entend lancer un "message d'espérance" et de "mobilisation" pour leur dire "n'attendez pas l'élection" mais "faites-la". Elle dressera aussi un bilan "sévère" du mandat d'Emmanuel Macron.