Des poursuites pour financement du terrorisme ont été engagées contre huit des 30 personnes interpellées depuis mardi dans une opération visant un réseau de transfert de fonds vers la Syrie et dénoncée par des familles de jihadistes français.
Quatre jours après ce vaste coup de filet dans plusieurs régions de France, trois personnes ont été mises en examen samedi pour « financement du terrorisme » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle », selon une source judiciaire.
Le parquet national antiterroriste (Pnat) avait annoncé plus tôt dans la journée avoir ouvert deux informations judiciaires, pour des faits « partiellement distincts ».
Sur les trois personnes mises en examen, deux ont été placées en détention provisoire et la troisième laissée libre sous contrôle judiciaire.
Cinq autres personnes sont pour leur part convoquées directement devant le tribunal correctionnel pour être jugées « avant la fin de l'année » pour « financement du terrorisme », selon le Pnat.
Les 22 autres personnes placées en garde à vue ont été relâchées progressivement, sans faire l'objet de poursuites. Parmi elles figurent six proches de jihadistes français retenus dans des camps en Syrie, a-t-on appris de source proche du dossier.
Toutefois, « de nombreuses investigations se poursuivent par ailleurs dans le cadre d'enquêtes préliminaires distinctes à l’issue des perquisitions et des mesures de garde à vue réalisées lors de cette opération », a affirmé le Pnat dans son communiqué.
Outre ces interpellations, une trentaine de personnes ont été entendues dans le cadre « d'auditions libres sans mesures de contrainte », a précisé le Pnat.
Cryptomonnaies
Cette opération d'ampleur était destinée à démanteler un réseau utilisant des cryptomonnaies et finançant des membres d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique en Syrie.
Une enquête préliminaire avait été ouverte par le Pnat le 24 janvier, après un signalement du service de renseignement financier Tracfin.
Selon les enquêteurs, des dizaines de personnes résidant en France se sont rendues « à maintes reprises » depuis 2019 dans des bureaux de tabac pour acheter anonymement des coupons (de cryptomonnaie) d'une valeur comprise entre 10 et 150 euros et les créditer sur des comptes ouverts depuis l'étranger par des jihadistes.
Les investigations ont conduit à l'identification de « deux jihadistes français » à l'origine de ce réseau, Mesut S. et Walid F, tous deux âgés de 25 ans, qui ont rejoint la Syrie en 2013.
Soupçonnés d''être des membres du groupe terroriste Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) affilié à Al-Qaïda, ils sont visés par un mandat d'arrêt depuis leur condamnation par défaut à dix ans d'emprisonnement en avril 2016.
Outre dix personnes fichées « S » pour radicalisation islamiste, le coup de filet avait conduit à l'arrestation de six proches de femmes et d'enfants de jihadistes détenus dans des camps en Syrie, soupçonnés d'avoir utilisé ce réseau pour leur envoyer de l'argent.
Leur arrestation avait suscité la colère d'avocats et du collectif Familles unies, qui défend le droit d'envoyer de l'argent à « leurs filles ou leurs belles-filles » afin de les aider à « survivre » dans les camps « insalubres » de Syrie.
Environ 150 adultes et près de 300 enfants français sont détenus en prison ou dans des camps en Syrie et en Irak. Leurs familles réclament régulièrement leur rapatriement notamment au nom d'impératifs sanitaires.
Dans celui d'Al-Hol, dans le Nord-Est syrien, où s'entassent des dizaines de milliers de déplacés, 371 enfants sont morts en 2019.
Jusqu'ici, la France n'a rapatrié que 28 mineurs, surtout des orphelins ou les enfants des rares mères qui acceptent de s'en séparer.