En proie à des pénuries d'électricité constantes, le nouvel accord du Liban avec la Jordanie et la Syrie pourrait être considéré comme un tournant pour ce pays pauvre en énergie.
Pourtant, l'accord, qui prévoit l’acheminement d'électricité depuis la Syrie, n'apportera pas de solution immédiate aux problèmes énergétiques du pays, selon l'experte libanaise du pétrole et du gaz Laury Hatayan.
S'adressant à Arab News, Hatayan affirme qu’il existe encore beaucoup d'obstacles à franchir avant que l'accord, négocié par les États-Unis et qui devrait être partiellement financé par la Banque mondiale, ne commence à aider le pays à faire face à ses pannes d'électricité.
«L'accord ne signifie pas que le Liban sera approvisionné en électricité demain, car nous entendons dire que la Banque mondiale a mis des conditions pour la finalisation de l’accord à des réformes du secteur de l'électricité», a expliqué Hatayan.
L'accord fournirait au Liban 700 mégawatts d'électricité au total: 250 MW de Jordanie et 450 MW d'Égypte.
Avec les approvisionnements en carburant irakiens qui ont déjà commencé et l'approvisionnement futur par l'Égypte, le Liban sera en mesure d’obtenir un total de 10 heures d'électricité par jour.
Ce coup de pouce indispensable ne va pas sans conditions, selon Marc Ayoub, chercheur en énergie et coordinateur de programme à l'Institut Issam Fares de l'Université américaine de Beyrouth.
«La Banque mondiale demande un plan de réforme complet du secteur de l'électricité, notamment la réduction des pertes, l'amélioration du recouvrement des factures et l'augmentation des tarifs de l'électricité», a-t-il indiqué.
Le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, a déclaré que le montant exact du financement n'a pas encore été déterminé, mais la demande initiale du gouvernement était de 250 millions de dollars (1 dollar américain = 0,89 euro), a-t-il révélé au journal L'Orient-Le Jour.
Le Liban devra également effectuer des réparations du côté libanais d'un gazoduc nécessaire pour importer du gaz d'Égypte, pour un coût d’un million de dollars.
De plus, l’approvisionnement du Liban en électricité jordanienne coûtera 200 millions de dollars par an.
D'autres obstacles sont de nature politique, comme les sanctions américaines contre la Syrie. Washington a jusqu'à présent assuré aux acteurs régionaux que l'accord ne relevait pas des sanctions de la loi César ou d'autres sanctions américaines contre la Syrie, car le gouvernement syrien ne recevra aucune compensation financière mais sera payé en nature.
«Les Égyptiens tiennent à obtenir des garanties contre la loi César. Les Jordaniens ne sont pas aussi méfiants compte tenu de leurs relations stratégiques avec les États-Unis», ajoute Hatayan.
L'accord et toute réforme du secteur de l'électricité doivent être approuvés par le Parlement, connu pour son inefficacité et ses dissensions.
L'annonce par l'ancien Premier ministre Saad Hariri de son intention de se retirer de la vie politique a semé le doute sur le sort de son bloc politique actuel. Hariri est à la tête du Courant du futur, le plus grand bloc sunnite au Parlement.
«Pour l'instant, pas de réformes signifie pas d’argent et les accords peuvent ainsi rester de simples accords (sans être mis en œuvre)», souligne Hatayan.
Si le financement est enfin assuré, Ayoub croit que l'électricité jordanienne devrait arriver au Liban d'ici avril ou mai.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com