GRENOBLE : En pleine épidémie de Covid-19, les stations de ski se préparent à un hiver difficile, par manque de clientèle étrangère, et travaillent à capter de nouveau les vacanciers français dans la foulée d'un été réussi.
"Les signaux ne sont pas très optimistes", résumait dans un euphémisme Caroline Leboucher, directrice générale d'Atout France, lors du 82e congrès de la profession tenu cette semaine à Grenoble. "C'est un peu le loto pour l'instant. On ne sait pas encore", abondait Alexandre Maulin, président de Domaines skiables de France (DSF).
Sur la base d'un panel de 600 professionnels, le cabinet G2A "prévoit une baisse moyenne de 26% pour les hébergeurs". Une reprise n'est envisagée que "dans 11 à 24 mois au mieux", selon Mme Leboucher.
Car "on ne se cache pas la réalité : il y aura moins de clientèle internationale", ajoutait Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes, l'organisme chargé de la promotion du secteur.
Or, les étrangers représentent 28% de la clientèle des stations françaises, Britanniques en tête (9%), suivis des Belges (4%) et des Hollandais (3%). Une saison de ski, c'est globalement un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros. Il faut donc faire preuve de "volontarisme" pour empêcher l'effondrement de l'activité.
"Le marché anglais est prioritaire ! Il faut trouver des solutions diplomatiques pour éviter les quatorzaines dissuasives", a plaidé M. Maulin, qui estime qu'un simple test Covid serait suffisant pour permettre un retour des Britannique cet hiver en France.
Le secrétaire d'État au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, a assuré être "mobilisé" avec son collègue Clément Beaune (Affaires européennes) sur cette question. "On n'a pas de baguette magique mais de la détermination".
Quant à la Belgique et aux Pays-Bas, DSF plaide pour des "accords bilatéraux si l'Union européenne n'arrive pas à s'entendre" sur les conditions de circulation entre pays.
Dans cet "hiver incertain", les réservations de "dernière minute vont se transformer en dernières secondes", pronostique M. Silva, qui voit aussi s'annoncer "les demandes de courts séjours et de flexibilité dans les dates pour sortir du samedi-samedi".
Atout France préconise aussi de s'intéresser à des marchés encore délaissés comme la Lombardie, l'Espagne ou la Suède.
Sauver les classes de neige
La fragilisation de la clientèle étrangère a remis en lumière la nécessité pour la montagne de conquérir les Français en hiver comme "elle a conquis les cœurs cet été", a rappelé M. Lemoyne.
Après de grandes incertitudes, la saison estivale s'est terminée sur une fréquentation en hausse de 5 points par rapport à 2019, avec la particularité qu'un tiers de ces vacanciers découvraient la montagne l'été.
Mais alors qu'il est question de stopper l'érosion de la clientèle française, de nombreuses stations se sont alarmées des "annulations en cascade des classes de neige" qui donnent le goût du ski aux enfants, a relayé la députée de Savoie Emilie Bonnivard (LR). "Il faut réinvestir et booster les départs de classes de neige intra-régionaux".
A Châtel (Haute-Savoie), station de ski qui compte le plus de centres de vacances avec 11 établissements, "on n'a aucune réservation ferme pour le moment. Certains centres ne savent pas s'ils vont ouvrir cette saison !", s'est inquiété Michel Girard, directeur des remontées.
Interpellé sur ce sujet, Jean-Baptiste Lemoyne a assuré qu'en accord avec le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer -" tout à fait réceptif" à ce dossier -, "des directives vont être adressées pour signaler que ces déplacements peuvent avoir lieu". A ce titre, M. Lemoyne a reconnu l'existence de "directives contradictoires aux étages inférieurs" de l'administration.
Autre sujet de préoccupation pour les acteurs de la montagne, la desserte ferroviaire des vallées.
"On a un président qui souhaite remettre des trains de nuit car il n'en reste qu'une poignée", a affirmé M. Lemoyne, assurant que son homologue aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari "y travaillait avec la SNCF".
Dans le grand flou pré-hivernal, un point rassemble tous les acteurs: "Personne ne veut revivre le cauchemar du 14 mars" quand a été annoncée la fermeture brutale des stations de ski, prélude au confinement général du pays, a conclu Annie Genevard, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM). (AFP)