NICOSIE: Le parti de droite nationaliste UBP a remporté les élections législatives anticipées en République turque de Chypre-Nord (RTCN), selon des résultats officiels provisoires communiqués lundi.
Après ouverture de plus de 90% des urnes, le Parti de l'unité nationale du président chypriote-turc Ersin Tatar obtient 39,6% des voix et renforce sa présence au parlement de RTCN en raflant 24 sièges sur 50.
Comme en 2018, l'UBP, parti pro-Ankara, devra toutefois former une coalition pour gouverner.
Le Parti turc républicain (CTP, gauche) arrive en seconde position avec 32% des suffrages et obtient 18 sièges, selon la Commission électorale suprême (YSK).
Des résultats définitifs sont attendus dans les prochains jours.
Réparer l'économie
"Nous allons d'abord réparer l'économie, ce sera notre première mission", a déclaré dimanche soir le secrétaire général de l'UBP et actuel Premier ministre de RTCN Faiz Sucuoglu, au terme d'une élection dominée par la crise économique qui frappe cette république autoproclamée reconnue uniquement par Ankara.
"Les gens dépriment car le coût de la vie est trop élevé. J'espère que ceux qui seront élus oeuvreront efficacement au Parlement pour le bien du peuple", avait déclaré dimanche matin à l'AFP Dervis Dizliklioglu, retraité de 72 ans, l'un des quelque 204.000 électeurs qui étaient appelés aux urnes dans le tiers nord de l'île méditerranéenne divisée, occupé par Ankara et sous perfusion turque.
La chute de la livre turque, qui a vu sa valeur fondre de 44% face au dollar en 2021, s'est traduite en RTCN par une spectaculaire flambée des prix, l'inflation ayant dépassé 46% sur un an en décembre.
"La campagne électorale n'a pas suscité autant d'énergie et d'enthousiasme que lors des précédentes élections à Chypre-Nord, les citoyens étant surtout préoccupés par leur santé, leur sécurité et leurs conditions de vie", ont jugé les politistes Ahmet Sözen et Devrim Sahin dans une note publiée par le groupe de réflexion italien ISPI.
Le débat sur la résolution du conflit chypriote n'a pas émergé
Lors de la présidentielle de 2020 en RTCN remportée de peu par le nationaliste Ersin Tatar, proche allié du président turc Recep Tayyip Erdogan, face au sortant Mustafa Akinci, partisan d'une réunification de l'île sous la forme d'un Etat fédéral, M. Erdogan avait été accusé d'ingérence.
Pour ce scrutin, la Turquie n'aura "pas besoin de jouer un rôle actif pour changer le cours de cette élection", jugeaient les deux politistes avant le vote.
L'UBP, favorable à une solution à deux Etats, était en effet donné favori par plusieurs sondages, devant le CTP, favorable à un règlement avec les Chypriotes-grecs.
Le débat sur la résolution du conflit chypriote n'a pas émergé lors de la campagne, mais une partie des forces de gauche partisanes d'une solution fédérale avaient appelé à boycotter le scrutin, le parti de Chypre unifié (BKP) estimant notamment que "rien ne changera" tant que la communauté chypriote-turque ne sera pas "libérée du joug d'Ankara".
Depuis l'invasion du nord de Chypre par l'armée turque en 1974 en réaction à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient rattacher l’île méditerranéenne à la Grèce, la République de Chypre, membre de l'UE depuis 2004, est divisée en deux. Le gouvernement chypriote n'exerce son autorité que sur la partie sud de l'île, habitée en majorité par des Chypriotes-grecs.
La partie nord, où vivent principalement des Chypriotes-turcs et colons turcs, a été autoproclamée République turque de Chypre-Nord en 1983, et ses autorités ne sont reconnues que par Ankara.
Les négociations sur un règlement du conflit sont au point mort depuis 2017. En avril 2021, une tentative de relance des pourparlers organisée par l'ONU, qui contrôle une zone tampon entre les deux parties de l'île, s'est soldée par un échec.
En 2004, un plan de l'ONU destiné à réunifier l'île avait été soumis à référendum. Approuvé à près de 65% par les Chypriotes-turcs, l'accord avait été rejeté à plus de 75% par les Chypriotes-grecs au Sud.