PARIS : Démographie en berne, croissance ralentie et chômage persistant: à l'approche de l'élection présidentielle, les perspectives de long terme se dégradent pour le système de retraite, augurant de prévisions budgétaires pessimistes, propres à justifier une réforme "paramétrique".
Plutôt épargnées par la Covid, les retraites sont toutefois loin d'être sorties d'affaires. Le rebond vigoureux de l'économie offre certes un sursis au système, dont le déficit chronique devrait encore se réduire cette année, selon le dernier budget de la Sécu.
Mais les comptes de l'assurance vieillesse replongeront dès 2023, rattrapés par le vieillissement de la population, tendance "inéluctable" confirmée fin novembre par l'Insee: le ratio de retraités (65 ans et plus) rapporté aux actifs (20-64 ans) passera de 37 pour 100 actuellement à 51 en 2040, puis 57 en 2070.
Un "scénario central" identique aux précédentes projections réalisées en 2016, sauf qu'au lieu de progresser jusqu'à 76,5 millions, le nombre d'habitants stagnera à 68 millions.
Avec une fécondité bloquée à son niveau actuel, le pays "perdra" donc 5 millions de personnes de moins de 60 ans en un demi-siècle, mais en comptera près de 6 millions supplémentaires de 75 ans et plus. Ce qui complique sérieusement l'équation des pensions.
D'autant plus que les nouvelles hypothèses démographiques de l'Insee sont un peu moins favorables que celles retenues dans le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), qui en juin dernier envisageait un retour à l'équilibre financier "vers le milieu des années 2030" dans le meilleur des cas et plus vraisemblablement "entre 2040 et 2050".
Sombres auspices
Pour ne rien arranger, le COR a également décidé fin novembre de revoir à la baisse son principal indicateur économique: la productivité du travail n'augmenterait plus dans une fourchette de 1% à 1,8%, mais de 0,7% à 1,6%. Les "cibles" n'ont jamais été si basses depuis la création, il y a plus de vingt ans, de l'instance, forcée de tenir compte du "ralentissement constaté" en France comme ailleurs.
Ces dixièmes de points de pourcentage auront des conséquences budgétaires massives: la productivité détermine la hausse des salaires, donc des cotisations, alors que les retraites sont indexées depuis trois décennies sur l'inflation, qui progresse d'ordinaire moins vite. Si les ressources se tarissent, il faudra puiser ailleurs.
Malheureusement, l'espoir du "plein emploi", entretenu par Emmanuel Macron, est douché par le COR, qui table toujours sur 7% de chômage "à long terme" - contre environ 8% aujourd'hui. Et quand bien même ce taux chuterait durablement au niveau improbable de 4,5%, cela aurait un effet "beaucoup plus faible" qu'un gain minime de productivité, souligne l'organisme rapport après rapport.
Le prochain opus, attendu après l'élection présidentielle d'avril, se prépare donc sous de sombres auspices. Celui ou celle qui l'emportera y trouvera sans nul doute les arguments pour défendre un choix aussi nécessaire qu'impopulaire: choisir la réforme "paramétrique", c'est-à-dire baisser les pensions, augmenter les cotisations ou reporter l'âge légal.
Cette dernière option divise les principaux candidats déclarés, Valérie Pécresse proposant de l'augmenter à 65 ans et Eric Zemmour à 64, quand Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon campent sur un retour à 60 ans.
Le président sortant, coincé depuis cinq ans par sa promesse d'un maintien à 62 ans, s'est pour sa part ravisé et juge désormais nécessaire de "travailler plus longtemps, en (le) repoussant", sans préciser pour le moment où il fixerait le curseur.