ANKARA : À l'heure où Ankara est à la recherche de ressources étrangères et fait face à des taux d'inflation sans précédent, l'accord de swap de devises conclu entre la Turquie et les Émirats arabes unis constitue un regain de confiance indispensable pour l'économie du pays.
Cependant, les analystes ont averti que cet accord ne résoudra pas à lui seul les problèmes sous-jacents de la livre.
Les deux pays ont signé un accord de trois ans d'une valeur de 4,9 milliards de dollars, portant notamment sur les relations financières et commerciales.
L'obtention de lignes de swap de devises devrait alimenter les réserves de devises étrangères dont la Turquie a grandement besoin.
«Bien qu'il s'agisse d'un bon vote de confiance à long terme dans l'économie turque, le swap de devises ne s'attaquera pas aux origines des défis économiques de la Turquie. Beaucoup de ces défis sont liés à des décisions de politique économique non conventionnelles», a déclaré à Arab News Robert Mogielnicki, chercheur résident principal à l'Arab Gulf States Institute à Washington.
Selon Mogielnicki, le swap de devises met de l'argent derrière les efforts récents pour améliorer les relations tendues entre les Émirats arabes unis et la Turquie.
«Les Émirats arabes unis sont probablement intéressés par l’échange de devises afin de mieux positionner les entreprises et les investisseurs émiratis, pour qu’ils puissent s'engager sur les marchés turcs ainsi que pour soutenir les objectifs de politique étrangère», a-t-il éclairci.
Mogielnicki a noté que les swaps de devises réduisaient la dépendance à une troisième devise et évitaient ainsi les frais résultant de la volatilité des taux de change et les coûts de transfert. Il a expliqué que cette décision ouvrait la voie à un accroissement des échanges et des investissements entre les pays.
«Il est peu probable que la situation de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) dans son ensemble s’empire à cause du swap de devises, mais je ne considère pas cet accord comme particulièrement important pour la région», a-t-il ajouté.
Enver Erkan, l'économiste en chef de Tera Investment à Istanbul, salue l'accord de swap avec les Émirats arabes unis comme une étape positive vers l'augmentation des réserves de change brutes détenues par la Banque centrale turque.
«En revanche, nous considérons aussi le paysage économique en termes de réserves nettes hors swaps. Alors que les réserves nettes sont d'environ 8 milliards de dollars dans les circonstances actuelles, il y a une image négative de moins 56 milliards de dollars de réserves nettes hors swaps», a-t-il révélé à Arab News.
Des pourparlers entre la Banque centrale turque et son homologue azerbaïdjanais sur la mise en place d'une éventuelle ligne d'échange de devises sont également en cours.
Les accords de swap sont principalement utilisés par les pays qui entretiennent des relations commerciales à grande échelle afin de financer une partie de ces relations à payer en monnaies locales.
La Turquie a déjà conclu des accords d'échange avec la Chine, le Qatar et la Corée du Sud d'une valeur d'environ 23 milliards de dollars.
Avec ce dernier accord de swap de devises, le chiffre total de swap de la Banque centrale turque avec les banques centrales étrangères a atteint 28 milliards de dollars.
L'accord de swap avec la Chine en 2012 et les accords ultérieurs ont permis aux entreprises turques de payer les importations en provenance de Chine en yuan.
L'accord entre les banques centrales turque et émiratie sera valable pour une période de trois ans, avec la possibilité d'être prolongé.
Emre Peker, directeur européen du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group, pense que l'accord de swap n'aura pas d'impact significatif sur l'économie turque, mais qu'il aidera les entreprises turques à faire du commerce avec les Émirats arabes unis sur les marges.
«Cela ne changera pas la donne, mais atténuera certaines pressions financières, étant donné que l'échange couvre les exportations annuelles moyennes de la Turquie vers les Émirats arabes unis», a-t-il déclaré à Arab News.
L'accord précède un voyage du président turc Recep Tayyip Erdogan à Abu Dhabi en février dans le cadre des mesures prises par Ankara pour rétablir les liens et se concentrer sur l'économie.
Mostafa Sentop, président de la Grande Assemblée nationale de Turquie, a déclaré à l’Emirates News Agency que la visite «sera un témoignage de l'amélioration des relations entre nos deux pays».
«Nous pensons que le fait que les dirigeants de la Turquie et des Émirats arabes unis se tiennent côte à côte délivrera un message important à lui seul. L'objectif est de renforcer davantage les relations bilatérales. Il y a des efforts mutuels pour conclure de nouveaux accords et pour renouveler les engagements antérieurs afin de couvrir un éventail plus large dans notre coopération actuelle», a ajouté Sentop.
Selon l’Emirates News Agency, les Émirats arabes unis sont le premier partenaire commercial de la Turquie parmi les pays du Conseil de coopération du Golfe, avec des échanges commerciaux entre les deux pays de 8 milliards de dollars en 2020.
Sentop a soutenu que le commerce au cours des dix premiers mois de 2021 s'était élevé à 6,4 milliards de dollars.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com