BEYROUTH : Le Liban va signer mercredi un accord avec la Jordanie pour l'acheminement d'électricité via la Syrie voisine, dans l'espoir de pallier les graves pénuries que connaît le pays, a annoncé le ministre libanais de l'Energie Walid Fayad.
Frappé par une crise inédite – qualifiée par la Banque mondiale d'une des pires dans l'histoire du monde depuis 1850 –, le Liban subit des coupures de courant, culminant à plus de 22 heures par jour, et peine à importer du carburant, sur fond de dégringolade de la monnaie nationale.
"L'accord est important principalement car il augmentera l'alimentation électrique nationale qui reste plus propre et moins chère" que l'électricité produite par les "groupes électrogènes privés polluants", a déclaré jeudi M. Fayad dans un entretien accordé à l'AFP.
L'accord sera signé mercredi à Beyrouth avec une délégation jordanienne, a précisé le ministre. Les responsables des deux pays se rendront ensuite à Damas pour signer le contrat d'acheminement de l'électricité entre les deux pays via la Syrie.
Le Liban obtiendra ainsi une puissance allant jusqu'à 250 mégawatts pendant la journée et 150 mégawatts durant la nuit, ce qui se traduira par deux heures supplémentaires d'alimentation, selon M. Fayad.
Les ministres de l'Energie jordanien, syrien et libanais s'étaient entendus en octobre sur une feuille de route pour assurer au Liban une partie de ses besoins en électricité.
«Solution durable»
Le Liban importe déjà depuis des mois du fioul d'Irak pour faire fonctionner ses centrales électriques. Des pourparlers avec l'Egypte sont également en cours pour acheminer du gaz via la Jordanie et la Syrie vers le Liban.
Selon Walid Fayad, ces accords ne constitueraient pas une violation des sanctions américaines interdisant les opérations financières avec le gouvernement syrien: la Syrie recevrait du gaz et de l'électricité de l'Egypte et de la Jordanie sous forme de "paiement en nature, et non en argent", a-t-il expliqué.
L'Egypte attend cependant toujours la confirmation de Washington qu'un tel accord n'entraînerait "aucune répercussion négative", a ajouté le ministre.
En important de l'électricité jordanienne, du carburant irakien et du gaz égyptien, le Liban espère augmenter la production d'électricité de huit à dix heures par jour dans les mois à venir, a souligné M. Fayad.
Le pays, dont la classe dirigeante est accusée de corruption et d'incompétence, souffre depuis des décennies d'une sous-production électrique endémique et d'une mauvaise gestion de la compagnie publique Electricité du Liban (EDL), ayant coûté au trésor public plus de 40 milliards de dollars depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
"Les solutions que nous proposons vont rapidement améliorer l'approvisionnement en électricité et apporteront une solution durable pour le pays, notamment en ce qui concerne le gaz égyptien", estime M. Fayad.
L'importation d'électricité de Jordanie coûtera environ 200 millions de dollars par an (176 millions d'euros), a-t-il ajouté, tandis que l'importation de gaz d'Egypte coûtera à peu près le même montant.
Aide internationale
La communauté internationale a longtemps réclamé au Liban des réformes importantes, dont la refonte du secteur de l'électricité et de l'EDL – symbole d'une mauvaise gouvernance et de la déliquescence des services publics du pays –, pour accéder à des milliards de dollars de soutien financier.
"Nous avons obtenu un montant initial de 300 millions de dollars (264 millions d'euros) de la Banque mondiale et nous travaillons pour obtenir 100 millions de dollars (88 millions d'euros) supplémentaires", a affirmé le ministre.
Les gouvernements successifs n'ont pas réussi à réduire les pertes du secteur de l'électricité, ni à réparer les infrastructures en ruines ou même à percevoir régulièrement les factures d'électricité dans tout le pays.
Les tarifs de l’électricité publique augmenteront avec l'augmentation parallèle de l’approvisionnement, a toutefois prévenu M. Fayad, précisant que cette hausse de prix était l'une des conditions du prêt de la Banque mondiale.
Les Libanais paient actuellement 0,5 centimes (0,44 euros) par kilowattheure, l'un des tarifs les plus bas au monde.