PARIS : Demandes d'asile, expulsions, délivrance des visas... Tous les secteurs de l'immigration ont montré de premiers signes de reprise en 2021, après une année 2020 de chute record des flux migratoires, selon les statistiques publiées jeudi sur ce dossier brûlant en pleine campagne présidentielle.
Avec 104 577 premières demandes d'asile enregistrées dans les guichets uniques dédiés (Guda), ce chiffre a grimpé de 28,3% en 2021, selon les données provisoires dévoilées par le ministère de l'Intérieur.
Une hausse accentuée par l'évacuation de milliers de ressortissants afghans de Kaboul, après la prise de pouvoir des talibans mi-août 2021.
L'Afghanistan conforte ainsi sa place de principal pays d'origine des demandeurs d'asile en France, avec 16 126 dossiers déposés (+62%), loin devant la Côte d'Ivoire (6 268), le Bangladesh et la Guinée.
Cette demande de protection reste très loin des niveaux d'avant-crise sanitaire, lorsque 138 420 premières demandes étaient introduites en 2019.
La pandémie "a encore contraint les flux migratoires en 2021", a résumé le ministère de l'Intérieur, affirmant que la demande d'asile a été "inférieure à (ses) prévisions".
Reste que même modérées, ces arrivées continuent de déstabiliser les capacités d'accueil en France, où les campements insalubres ressurgissent à intervalles réguliers.
"Nous avons toujours deux défis devant nous: d'une part l'hébergement des demandeurs d'asile et d'autre part l'accompagnement des réfugiés vers l'autonomie, qui passe par l'accès à l'emploi et au logement", convient Didier Leschi, directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Difficultés à expulser
D'autant que, "dans les campements on continue d'assister à l'arrivée continue de primo-arrivants afghans", abonde Delphine Rouilleault, patronne de l'association France terre d'asile.
"La pandémie n'a pas fait disparaître les déterminants traditionnels de la migration de refuge (...). C'est une raison de penser que lorsque les freins aux déplacements internationaux se lèveront, on pourrait s'orienter vers des niveaux d'avant-crise", a pour sa part observé Julien Boucher, directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en chargé d'attribuer le statut de réfugié.
Le frémissement timide d'une reprise se remarque également sur le dossier des expulsions, particulièrement scruté durant cette campagne présidentielle, notamment à droite et à l'extrême droite, et sur lequel le gouvernement peine à accélérer.
Le total des éloignements d'étrangers en situation irrégulière est en hausse de 5,5% par rapport à 2020, mais reste là encore loin des niveaux pré-pandémiques.
Ces éloignements avaient chuté de moitié, en 2020, sous l'effet des restrictions dues à la crise.
Avec 10.091 expulsions à proprement parler, les "éloignements forcés" ont progressé de 10,8%.
"La lutte contre l'immigration irrégulière se poursuit, dans un contexte toujours très contraint du fait des difficultés rencontrées à organiser des déplacements en période de crise sanitaire: activité consulaire réduite, difficulté d'obtention de laissez-passer consulaires, baisse du trafic aérien, refus de se soumettre aux tests", a expliqué la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère.
Traversées record de la Manche
C'est notamment en raison de ces difficultés à obtenir des laissez-passer consulaires que la France avait annoncé fin septembre 2021 un durcissement drastique de la délivrance de visas aux ressortissants d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, des pays du Maghreb vers lesquels elle peine à expulser.
Ces restrictions "restent en vigueur", a indiqué jeudi le ministère, même si leurs effets ont été plus "qualitatifs que quantitatifs".
"Nous continuerons à augmenter la pression sur les pays qui ne veulent pas reprendre leurs nationaux" et il y aura "d'autres mesures pour ceux qui ne coopèrent pas", a encore averti l'Intérieur.
Marocains (69.000) et Algériens (63 000) sont toutefois les ressortissants ayant obtenu le plus de visas, tandis que les Tunisiens sont quatrièmes en 2021, année de hausse générale modeste (+2,9%) pour cette délivrance.
Les titres de séjour délivrés, eux, bondissent de 21,9%, avec 271 675 documents délivrés, pour tutoyer le niveau de 2019.
Sans compter les Britanniques qui ont été "décomptés à part", explique le ministère de l'Intérieur.
Malgré les tensions entre la France et la Grande-Bretagne, qui ont éclaté au grand jour après le naufrage qui a causé la mort de 27 migrants dans la Manche en novembre, la France a octroyé 96 632 titres de séjour à des Britanniques dans le cadre du Brexit.
Et la situation à la frontière franco-britannique reste inflammable: en 2021, 52 000 migrants ont tenté la traversée clandestine de la Manche vers la Grande-Bretagne, dont 28 000 ont réussi à rallier les côtes anglaises, a expliqué Beauvau. Un "record".