PARIS : Ne pas juger la réussite d'un investissement uniquement par sa rentabilité, mais aussi par ses gains sociaux et environnementaux : l'investissement à impact se développe en France et va devoir clarifier ses frontières pour ne pas se faire instrumentaliser.
"Notre fonds a investi dans une entreprise qui s'appelle M2i", spécialisée dans la protection biologique des plantes et des cultures grâce aux phéromones. "Un des critères de réussite est le nombre de tonnes de pesticides économisées grâce à l'utilisation de ce produit" explique à l'AFP Olivier Neumann, directeur financier de la Fondation de France.
L'organisme a lancé en 2019 son fonds impact, géré par la société d'investissement Raise, et y a consacré 100 millions d'euros sur six ans.
"Historiquement, les fondations fonctionnaient grâce à leurs placements financiers et aux dons. On avait besoin de cohérence entre nos actions et nos placements", explique-t-il.
Le placement n'est pas philanthropique. "L'objectif est une rentabilité de 4%. Si on fait 4% avec un peu d'impact, c'est bien, mais si on fait 2% avec beaucoup d'impact, c'est mieux. Le tout est de ne pas perdre le capital", détaille M. Neumann.
Chaque entreprise est notée selon quelques indicateurs quantifiables pour mesurer son impact et qui sont "intégrés comme dans un business plan classique". Cela peut être un nombre d'emplois créés, une quantité de CO2 évitée ou même le nombre de bouteilles d'eau en plastique non utilisées, en fonction de la production de l'entreprise.
L'investissement à impact, qui a vraiment émergé au début des années 2010 avant d'accélérer ces dernières années, est devenu à la mode. Peut-être trop, avec des fonds qui se revendiquent "à impact", sans pourtant en intégrer pleinement les contraintes.
La frontière du "coté"
"Il y a un vrai enjeu de savoir de quoi on parle", affirme à l'AFP Mathieu Cornieti, président du fonds Impact partners et de la commission impact de France invest, une association qui regroupe des sociétés de capital-investissement.
La commission, qui compte désormais 36 membres pour des fonds pesant plus de 3 milliards d'euros, a établi une charte avec trois critères pour évaluer si le fonds peut se prétendre "à impact".
Le premier repose sur "l'intentionnalité", c'est-à-dire la volonté en amont d'avoir à la fois du rendement et des objectifs sociaux ou environnementaux ciblés. Le deuxième met l'accent sur "l'accompagnement" de l'entreprise autrement que par l'argent. Le troisième, et le plus compliqué, nécessite le suivi de l'impact de manière précise, méthodologique et régulière.
"Aujourd'hui, il est devenu standard que si jamais le fonds dégage un bonus financier, il doit être contraint par la performance de l'impact. Ainsi, une partie de la surperformance doit être reversée à des associations philanthropiques si l'objectif d'impact n'est pas atteint", ajoute M. Cornieti.
Aujourd'hui, les investissements s'élèvent entre 100.000 et plusieurs millions d'euros. L'essentiel des investissements est réalisé sur des entreprises non cotées, mais "le dialogue avec d'autres types d'investissement, comme le [secteur] coté ou l'immobilier, est indispensable pour ne pas s'isoler", affirme M. Cornieti.
Ces discussions doivent permettre d'améliorer la "compréhension du secteur" par le grand public qui veut s'assurer que les fonds sont bien utilisés, complète Isabelle Malaussène, présidente du cabinet finance@impact, qui conseille les investisseurs souhaitant se lancer dans le domaine.
"L'autre barrière à lever, c'est le financement de l'amorçage", défend-elle, c'est-à-dire dirigé vers les petites entreprises dans les premiers stades de développement. "Le marché existe, mais il faut nourrir ce vivier", souligne la conseillère en investissement.