KIEV, Ukraine : L'ex-président ukrainien Petro Porochenko est rentré dans son pays lundi, malgré la menace d'une arrestation pour "haute trahison", une affaire qui risque de provoquer une crise politique intérieure, en pleines tensions géopolitiques avec la Russie.
Son vol de ligne a atterri peu après 07H10 GMT à l'aéroport Sikorsky de Kiev, en provenance de Varsovie. M. Porochenko, qui avait quitté l'Ukraine depuis un mois, a passé le contrôle des passeports dans la cohue, affirmant ensuite que les garde-frontières avaient tenté de ne pas le laisser rentrer.
Il doit comparaître en fin de matinée devant un tribunal qui doit décider s'il y a lieu de placer l'ex-chef de l'État et opposant au président Volodymyr Zelensky en détention provisoire.
Les autorités "ont tellement peur de nous", a-t-il lancé. "Ils ont dirigé tous leurs efforts non pas vers la protection de l'État contre l'agresseur (russe) mais vers la lutte contre l'opposition", a-t-il accusé.
Devant l’aéroport, plusieurs milliers de ses partisans étaient rassemblés. "Nous avons besoin de la démocratie" ou "Le pays a besoin de Porokh" (surnom de Porochenko), proclamaient leurs pancartes.
- Principal opposant -
Ce retour n'est pas sans rappeler celui en Russie de l'opposant Alexeï Navalny, il y a exactement un an. Le détracteur du Kremlin a été arrêté et est en prison depuis.
M. Porochenko accuse son successeur d'avoir ordonné les poursuites contre lui pour "détourner l'attention" des problèmes réels du pays.
Âgé de 56 ans, il est le principal rival de l'actuel président et l'un des hommes les plus riches d'Ukraine. Les autorités le suspectent d'avoir, pendant sa présidence, entretenu des liens commerciaux avec des séparatistes pro-russes de l'Est, ce qui constituerait un acte de "haute trahison".
Ce bras de fer intervient au moment où l'Ukraine craint une invasion par la Russie voisine qui a massé depuis des mois troupes et blindés à ses frontières.
Moscou dément tout projet d'offensive militaire, mais réclame, sous peine de représailles, qu'Américains et Européens s'engagent à ne jamais accepter l'Ukraine au sein de l'Otan. Une revendication rejetée jusqu'ici.
Dans ce contexte explosif, Kiev a accusé dimanche la Russie d'être derrière une cyberattaque d'ampleur qui a visé la semaine dernière les sites de plusieurs ministères.
M. Porochenko, dont la fortune est estimée à 1,6 milliard de dollars par le magazine spécialisé Forbes, a dirigé le pays de 2014 à 2019, avant d'être battu par M. Zelensky.
Aujourd'hui député, l'ex-président a été cité depuis dans plusieurs dizaines d'affaires judiciaires. En décembre, les autorités ont annoncé qu'elles le soupçonnaient de "haute trahison".
- Avoirs gelés -
M. Porochenko rejette en bloc les accusations et Washington, principal allié de l'Ukraine face à la Russie, a dit "suivre de près" le dossier.
Début janvier, un tribunal de Kiev a ordonné le gel des avoirs de l'ex-président qui possède notamment une grosse entreprise de confiserie, Roshen, et deux chaînes de télévision.
Il est soupçonné d'avoir facilité l'achat de charbon à des entreprises situées dans l'est de l'Ukraine, aux mains des séparatistes prorusses qui sont en guerre contre Kiev.
Les faits remontent à 2014 et 2015 et portent sur environ 48 millions d'euros.
Le crime est passible de 15 ans de prison.
L'Ukraine est déchirée depuis 2014 par un conflit dans l'Est du pays entre forces de Kiev et séparatistes prorusses qui a fait plus de 13.000 morts et a démarré après l'annexion de la Crimée par Moscou.
Toute tentative de coopération avec les séparatistes, dont Moscou est largement considéré comme le parrain militaire, est très mal perçue par nombre d'Ukrainiens.
En 2019, M. Porochenko avait été battu à plate couture par Volodymyr Zelensky, un ex-comédien novice en politique.
L'ancien chef de l'Etat semble déterminé à prendre sa revanche.
Pendant son passage au pouvoir, M. Porochenko a rapproché son pays des Occidentaux, mais n'a pas réussi à endiguer la corruption et la pauvreté. M. Zelensky a promis d'éradiquer ces fléaux, sans y parvenir jusqu'à présent.