Concentration des médias: les magnats français de la presse convoqués au Sénat

De droite à gauche : le Président de l'organisme de régulation de l'audiovisuel CSA, Roch-Olivier Maistre, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, PDG du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci et l animatrice de télévision Daphné Burki, sur la scène de la Théâtre Mogador à Paris, le 1er février 2021, à l'occasion du lancement de Culturebox. (Bertrand Guay/AFP)
De droite à gauche : le Président de l'organisme de régulation de l'audiovisuel CSA, Roch-Olivier Maistre, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, PDG du groupe France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci et l animatrice de télévision Daphné Burki, sur la scène de la Théâtre Mogador à Paris, le 1er février 2021, à l'occasion du lancement de Culturebox. (Bertrand Guay/AFP)
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Publié le Lundi 17 janvier 2022

Concentration des médias: les magnats français de la presse convoqués au Sénat

  • Beaucoup jugent obsolète la loi de 1986 relative à la liberté de communication
  • Dans une tribune du Monde publiée à la mi-décembre, plus de 250 journalistes appelaient les candidats à la présidentielle à s'opposer au «fléau» de l'hyperconcentration dans les médias

PARIS : De grands industriels, dont Bernard Arnault et Vincent Bolloré, sont convoqués à partir de cette semaine au Sénat, sur fond d'inquiétudes croissantes suscitées par leur mainmise sur la plupart des médias français.

«Jamais dans l'histoire de l'Hexagone une poignée de milliardaires n'a eu une emprise aussi forte sur les chaînes de télévision, radio, journaux et magazines et, ce en pleine campagne présidentielle», souligne l'historien des médias Alexis Lévrier, maître de conférences à l'université de Reims, dans un entretien.

Le plus emblématique d'entre eux, Vincent Bolloré, premier actionnaire de Canal+, de deux grands groupes d'édition (Editis, Hachette), de nombreux journaux (magazines de Prisma Media, JDD, Paris Match) et de la radio Europe 1, sera auditionné mercredi.

C'est sur sa chaîne d'information CNews, que Eric Zemmour, polémiste d'extrême-droite, a pris son envol pour devenir candidat à la présidentielle.

«Bolloré n'a ni tenu compte des injonctions du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ni de la justice sur Zemmour. Là, il est rappelé à l'ordre par l'autorité parlementaire, il va devoir rendre des comptes», estime M. Lévrier.

Vincent Bolloré, qui avait laissé en 2018 à son fils Yannick la présidence du conseil de surveillance de Vivendi, n'a pas décliné l'invitation du Sénat. Et pour cause: «que l'on soit puissant ou pas, quel que soit son pedigree, on doit répondre aux convocations et venir répondre aux questions des parlementaires», rappelait récemment sur France Inter David Assouline, sénateur socialiste et rapporteur de la Commission d'enquête sur la concentration des médias.

Tout comme Bernard Arnault, PDG de LVMH à la tête des quotidiens Les Echos, Le Parisien et de Radio Classique auditionné jeudi, Patrick Drahi, patron du groupe télécom Altice (BFMTV, RMC) prévu pour le 2 février et le roi du BTP Martin Bouygues (dont le groupe de télévisions TF1 projette de fusionner avec M6), attendu pour le 9 février, pour ne citer que trois des plus puissants patrons auditionnés.

Le Sénat compte remettre fin mars son rapport pour faire la lumière sur les conséquences économiques et démocratiques d'une telle concentration.

- Menace des Gafa

Reste à savoir ce que le président ou la présidente sorti(e) des urnes en fera. Beaucoup jugent en effet obsolète la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

Ainsi, dans une tribune du Monde publiée à la mi-décembre, plus de 250 journalistes et professionnels des médias, dont Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, appelaient les candidats à la présidentielle à prendre des engagements pour s'opposer au «fléau» de l'hyperconcentration dans les médias.

Ils réclamaient une «réforme en profondeur» de la loi de 1986, assortie de la création d'un «statut juridique» spécifique pour les rédactions et d'un «délit de trafic d'influence en matière de presse» pour «limiter tout interventionnisme des actionnaires» et «garantir la participation active des rédactions à la gouvernance de leurs médias».

Lors d'une audition au Sénat vendredi, M. Deloire a également appelé l'Arcom, nouvelle entité issue de la fusion du CSA et de la Hadopi, à sévir davantage contre les atteintes à l'indépendance, au pluralisme et à l'intégrité de l'information.

La montée en puissance de mastodontes internationaux, comme les plateformes américaines Netflix et Amazon Prime Video, a toutefois bouleversé les équilibres du paysage audiovisuel français. Et certains ne voient d'autre salut que dans le regroupement des chaînes. 

C'est d'ailleurs l'un des arguments avancés pour la fusion TF1-M6, en cours d'examen par l'Arcom et l'Autorité de la concurrence.

«En un temps de quasi monopole des Gafa, l'heure n'est pas à s'inquiéter de la concentration dans le secteur de la TV en France», jugeait récemment à ce sujet auprès de l'AFP l'un des spécialistes du secteur, Patrick-Yves Badillo, directeur de Medi@Lab à l'Université de Genève.

La présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, estimait elle aussi la semaine dernière sur France Inter que, pour lutter «contre l'hégémonie des médias mondiaux américains aujourd'hui et peut-être demain asiatiques (...), on a besoin de médias privés et publics forts».

Mais elle précisait: «j'ai toujours mis à mon soutien affiché à la fusion TF1/M6 une condition (...) c'est d'avoir un service public fort».

Le système des «oligarques de l'info» dénoncé par un journaliste d'investigation

Alors que le Sénat va se pencher sur la concentration des médias en France, l'ex-journaliste d'investigation de Canal+ Jean-Baptiste Rivoire, co-fondateur du média «Off investigation», décortique les «relations sulfureuses» entre magnats des médias et exécutif dans son ouvrage «L'Élysée (et les oligarques) contre l'info».

Que peut-on attendre des auditions de puissants industriels comme Vincent Bolloré ou Bernard Arnault devant le Sénat? 

«C'est une bonne chose que le Parlement leur pose des questions et que le sujet émerge dans le débat public, mais je n'ai pas d'immenses espoirs. En 2016, Vincent Bolloré (alors président du Conseil de surveillance de Vivendi) et Maxime Saada (directeur général du groupe Canal) ont déjà été auditionnés par la commission culture et communication du Sénat. Les auteurs des Guignols venaient d'être limogés, l'émission «Spécial investigation» arrêtée, et le «Zapping» était sous pression. Malgré tout, M. Bolloré a affirmé qu'il n'y avait jamais eu de censure. On peut se demander si le Parlement a les moyens ou la volonté de travailler comme une commission d'enquête américaine. De creuser, de poser des questions, ou si ce sera un quelque chose de plus policé».

Comment le rapport de force entre l’État et les grands patrons de presse a-t-il évolué ces 15 dernières années?

 «Ces industriels ont atteint une telle position de puissance dans les médias privés qu'un politique qui voudrait revenir en arrière serait probablement piégé. Avec ce livre, je voulais comprendre comment ces six ou sept oligarques, qui ont besoin d'avoir de bons rapports avec l’État et souhaitent peser sur l'opinion, ont pu racheter quasiment toutes les marques d'information crédibles en France. Et parler d'un système dangereux, avec une question: que font les politiques ?».

Dans ce contexte, quel avenir peut-on imaginer pour le journalisme d'investigation en France?  

 «Il y a 20 ans, il y avait de belles émissions sur Canal ou à la télévision publique, avec +la Marche du Siècle+ (France 3) par exemple. Aujourd'hui, il reste +Cash investigation+ avec Élise Lucet, ou le magazine présenté par Tristan Waleckx, +Complément d'enquête+ (France 2), mais les autres émissions d'investigation ont été atrophiées. C'est pour ça qu'on a créé notre site «Off-investigation» avec un financement participatif. Je crois que de manière générale, l'abonnement à des médias indépendants, comme Mediapart, Les Jours ou Disclose, est le levier qui fera changer le système. On pourrait imaginer de libérer une partie de la taxe redevance audiovisuelle pour permettre aux citoyens qui le souhaitent d'en affecter 10% au média indépendant de leur choix».


France: la réclusion criminelle à perpétuité requise contre un accusé de féminicide

Le parquet a requis vendredi la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, contre un franco-algérien, pour "l'assassinat" en mai 2021 de son épouse Chahinez Daoud, brûlée vive à Mérignac, près de Bordeaux. (AFP)
Le parquet a requis vendredi la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, contre un franco-algérien, pour "l'assassinat" en mai 2021 de son épouse Chahinez Daoud, brûlée vive à Mérignac, près de Bordeaux. (AFP)
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  • L'accusé, présenté comme "paranoïaque" aux "traits narcissiques" par plusieurs experts, "a sans doute son discernement altéré", a estimé auprès de la cour Mme Kauffman
  • Mais "en raison de sa dangerosité", l'avocate générale a réclamé, "exceptionnellement", "d'écarter la diminution de peine" prévue à cet effet

BORDEAUX: Le parquet a requis vendredi la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, contre un franco-algérien, pour "l'assassinat" en mai 2021 de son épouse Chahinez Daoud, brûlée vive à Mérignac, près de Bordeaux.

Cet homme, âgé de 48 ans aujourd'hui, avait tiré deux balles dans les cuisses de la victime, avant de l'asperger d'essence et d'y mettre le feu, dans un "acharnement meurtrier destiné à exterminer", qui a marqué "profondément toute notre société", selon l'avocate générale de la cour d'assises Cécile Kauffman.

L'accusé, présenté comme "paranoïaque" aux "traits narcissiques" par plusieurs experts, "a sans doute son discernement altéré", a estimé auprès de la cour Mme Kauffman.

Mais "en raison de sa dangerosité", l'avocate générale a réclamé, "exceptionnellement", "d'écarter la diminution de peine" prévue à cet effet.

Pour Mme Kauffman, son acte "qui a profondément et douloureusement marqué notre société", est un projet "d'effacement, d'extermination".

Aux yeux de l'accusé, "Chahinez ne devait plus exister, ni pour lui ni pour les autres, elle ne devait plus avoir ni visage, ni corps, n'être que poussière".

Retenant la préméditation et l'organisation d'un guet-apens de l'accusé, qui s'était dissimulé depuis l'aube dans un fourgon devant le domicile de la victime, la magistrate a insisté sur sa dangerosité "psychiatrique" et "criminologique".

"Quand il est frustré, il n'entrevoit qu'un seul recours : l'extermination", a conclu Mme Kauffman, pour qui Chahinez Daoud "a eu un courage hors norme" pour demander la séparation.

Le retrait de l'autorité parentale, une interdiction de port d'arme et un suivi socio-judiciaire de 10 ans avec obligation de soin, ont également été requis contre l'accusé.


La France «pays le plus visé en Europe» après l'Ukraine par les manipulations de l'information, selon Bayrou

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  • "C'est dire à quelle hauteur, à quelle échelle notre pays est visé. La menace est là. C'est une menace intime, proche de nous, qui touche chaque Français, dans la mesure où notre société est devenue une société des écrans", a souligné M. Bayrou
  • Il a mis notamment mis en garde contre l'intelligence artificielle qui "permet à cette manipulation de s'exercer à une échelle jamais atteinte"

PARIS: La France est, après l'Ukraine, "le pays le plus visé en Europe par les tentatives de manipulation venant de l'étranger" en matière informationnelle, a rapporté vendredi le Premier ministre français François Bayrou.

Dans "la guerre informationnelle" qui "s'est aggravée dans le contexte des conflits en cours et des tensions géopolitiques", "la France est une cible privilégiée". "Elle est, après l'Ukraine, le pays le plus visé en Europe par les tentatives de manipulation venant de l'étranger", a affirmé le chef du gouvernement devant le Forum 2025 de Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, qui s'interroge cette année sur la manière de "protéger la démocratie face aux manipulations de l'information".

"On peut en détecter des linéaments (de manipulations, ndlr) venant de Chine. On en détecte des interventions massives venant de Russie", a ajouté le Premier ministre, en citant un rapport du Service européen pour l'action extérieure, selon lequel, sur les 505 incidents relevés en Europe entre 2023 et 2024, 257 concernaient l'Ukraine, et 152 concernaient la France.

"C'est dire à quelle hauteur, à quelle échelle notre pays est visé. La menace est là. C'est une menace intime, proche de nous, qui touche chaque Français, dans la mesure où notre société est devenue une société des écrans", a souligné M. Bayrou.

Il a mis notamment mis en garde contre l'intelligence artificielle qui "permet à cette manipulation de s'exercer à une échelle jamais atteinte".

"Or une démocratie est le seul régime qui ne puisse pas durer si les citoyens n'ont pas accès à une information vraie, fiable", a-t-il ajouté. "L'enjeu est géopolitique, il est technique, mais il est surtout politique au sens citoyen du terme. Il en va de notre capacité à former une communauté unie derrière un même idéal démocratique".

"Nous paraissons en paix et pourtant nous sommes déjà en guerre", une "guerre singulière" qui "pour être virtuelle ou hybride, n'en est pas moins réelle. C'est la guerre informationnelle", a-t-il martelé, en saluant dans Viginum un "moyen efficace d'action" dans cette guerre "qui met le respect de la loi et des libertés fondamentales au cœur de son fonctionnement".

Dans un rapport publié en février, Viginum avait décrit comment la Russie déployait depuis trois ans une campagne très organisée de guerre informationnelle pour légitimer et engranger du soutien à sa guerre en Ukraine, témoignant d'une "vraie culture stratégique" dans ce domaine.

Viginum dépend à Matignon du Secrétariat général à la défense et la sécurité nationale (SGDSN), qui est chargé des plans de lutte contre le terrorisme, contre la désinformation ou les cyberattaques.


Pour le recteur de la Grande mosquée de Paris, la «grâce» de Sansal est possible

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  • Son arrestation, le 16 novembre à Alger, avait aggravé de fortes tensions entre l'Algérie et la France provoquées
  • "Lorsqu'il a terminé sa garde à vue, les infractions qu'on lui reprochait étaient de l'ordre de le faire passer dans l'équivalent de ce qu'est la cour d'assises, c'est-à-dire devant le tribunal criminel" mais "l'affaire a été correctionnalisée"

PARIS: Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a jugé vendredi possible la "grâce" de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné jeudi à cinq ans de prison ferme à Alger.

"Si on fait de la politique fiction, je pense que le président de la République (algérienne) va décider de sa grâce", a déclaré sur Sud Radio le recteur de la Grande mosquée de Paris.

Le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d'Alger, a décidé jeudi "une peine de cinq ans de réclusion ferme" à l'encontre de Boualem Sansal, soit la moitié de la peine requise par le parquet, selon un correspondant de l'AFP présent dans la salle.

M. Sansal, 80 ans selon son éditeur Gallimard, était accusé notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire pour avoir repris à son compte, dans le média français d'extrême droite "Frontières", la position du Maroc selon laquelle d'amples portions du pays auraient été amputées au profit de l'Algérie, sous la colonisation française.

Son arrestation, le 16 novembre à Alger, avait aggravé de fortes tensions entre l'Algérie et la France provoquées, l'été dernier, par un revirement français en faveur de la position marocaine sur l'épineux dossier du Sahara occidental.

"Lorsqu'il a terminé sa garde à vue, les infractions qu'on lui reprochait étaient de l'ordre de le faire passer dans l'équivalent de ce qu'est la cour d'assises, c'est-à-dire devant le tribunal criminel" mais "l'affaire a été correctionnalisée", a rappelé vendredi Chems-eddine Hafiz, y voyant un signe d'assouplissement positif.

Reste que si l'écrivain fait appel, un délai de dix jours qui s'impose alors empêcherait l'écrivain de bénéficier d'une "grâce présidentielle" à l'occasion de la fête de l'Aïd, attendue dimanche, qui met un terme au Ramadan et est "un moment de pardon", a rappelé le recteur de la Grande mosquée de Paris, établissement qui entretient un lien historique, culturel et financier fort avec l'Algérie.

"Je sais ce qu'est la prison. Je sais ce que ça peut être pour un homme, quelle que soit la prison. En même temps, il est âgé, il est malade. Son épouse est malade", a-t-il rappelé, estimant qu'"à titre humanitaire", une grâce "tombe sous le sens".

"Il a passé six mois en prison. Six mois, c'est trop pour lui. (...) J'espère de tout mon cœur qu'il soit gracié et qu'il revienne au moins retrouver son épouse qui est elle-même souffrante", a ajouté le recteur, par ailleurs ancien avocat.

Selon lui, "il n'y a pas eu des relations directes" entre les présidents français et algérien ces dernières heures, mais "il y a eu des relations via des émissaires" pour évoquer, notamment, ce dossier.