WASHINGTON : Le président Joe Biden a essuyé un tir de barrage d'une violence rare de la part du chef des républicains au Sénat mercredi, qui a rejeté avec force son idée de changer les règles parlementaires pour faire adopter deux lois qui doivent protéger l'accès au vote des Afro-Américains.
La tension politique est montée d'un cran à Washington cette semaine et Joe Biden a décidé de s'impliquer personnellement dans la bataille.
Violence
"Indigne de sa fonction", "démagogue", "incohérent et erroné": en réagissant au plaidoyer de Joe Biden, qui a promis mardi de tout faire pour protéger le droit de vote des minorités, Mitch McConnell n'a pas retenu la moindre attaque.
"Je n'ai pas reconnu l'homme à la tribune hier", a tancé le chef des républicains au Sénat, en référence au déplacement du président américain sur les terres de Martin Luther King.
Le ténor conservateur s'est insurgé contre les réformes électorales du président qui reviendraient selon lui à confier aux démocrates "le contrôle des élections".
Le discours de Mitch McConnell dans l'hémicycle du Sénat est le signe criant que, à moins de dix mois des élections cruciales de mi-mandat, tous les coups sont permis.
Joe Biden, présent au Congrès mercredi pour rendre hommage à un sénateur défunt, s'est empressé de répondre à celui qu'il a côtoyé de longues années dans les couloirs du Capitole: "J'aime bien Mitch McConnell, c'est un ami", a-t-il lancé, un brin taquin.
Quelques minutes plus tard, la porte-parole de la Maison Blanche a qualifié d'"hilarantes" les critiques selon lesquelles le discours de Joe Biden mardi aurait pu être perçu comme offensant.
"Ce qui est bien plus offensant, c'est cette tentative de supprimer le droit fondamental des gens d'exercer leur droit de vote", a-t-elle rétorqué.
Le président américain, qui a choisi de mouiller sa chemise dans ce dossier, reviendra au Sénat jeudi pour échanger avec les démocrates sur la marche à suivre pour faire passer ses réformes.
Déjà adoptées à la Chambre des représentants, ses deux lois censées protéger l'accès au vote des minorités sont pour l'instant "mort-nées" au Sénat, où la majorité démocrate est bien trop étroite pour qu'elles y soient adoptées sans les républicains. À moins d'une réforme explosive des règles de la chambre haute, la menace que Joe Biden agite.
Mais pour la mettre à exécution, il lui manque encore le soutien de deux démocrates modérés, Joe Manchin et Kyrsten Sinema. Les deux y sont pour l'instant opposés, Joe Biden tente par tous moyens de les convaincre.
Une majorité d'Américains craignent un «effondrement» de leur démocratie
Une large majorité d'Américains considèrent que l'instabilité politique est la plus grande menace contre les Etats-Unis où la démocratie pourrait s'"effondrer", selon un sondage paru mercredi qui confirme la profonde division du pays un an après l'assaut du Capitole.
Selon une enquête de l'université Quinnipiac, 76% des sondés estiment que l'instabilité politique est la menace la plus grave contre le pays, contre seulement 19% qui citent les pays étrangers adversaires des Etats-Unis.
Les plus inquiets sont les militants ou sympathisants démocrates (83%, contre 66% des républicains) et les 18-34 ans (80%).
Par ailleurs, 58% des personnes interrogées craignent un "effondrement" de leur démocratie, contre 37% qui la considère comme assez solide pour surmonter les profondes divisions dans la société américaine.
Le démocrate Joe Biden, qui avait promis le 20 janvier 2021 de "réconcilier" le pays après le mandat de Donald Trump, semble avoir raté son pari, 53% des Américains estimant que ces divisions vont empirer dans les années à venir, contre seulement 15% qui prédisent une amélioration.
"La peur d'un ennemi intérieur plutôt que d'une menace étrangère, souligne un amer constat des Américains sur une démocratie en péril et des divisions politiques de plus en plus profondes", a commenté Tim Malloy, de l'Université Quinnipiac.
Jour férié, encas
Baptisée "Freedom to Vote Act", la première des deux réformes que les démocrates cherchent par tous moyens à adopter prévoit de rendre férié le jour de l'élection et d'élargir le vote par correspondance.
Elle annule en même temps une série de restrictions adoptées dans plusieurs Etats conservateurs depuis la présidentielle de 2020, comme l'interdiction en Géorgie de distribuer des boissons ou des encas dans la file d'attente pour voter.
Les ONG assurent que ces mesures adoptées par des républicains visent et discriminent particulièrement les Afro-Américains, qui ont très largement voté pour Joe Biden à la dernière élection.
La deuxième loi des démocrates interdit l'adoption de toute règle ayant pour conséquence de limiter l'accès au vote d'un groupe minoritaire, même si la discrimination n'est pas intentionnelle.
Espérant pouvoir peser sur le débat, une quinzaine d'élus afro-américains ont aussi exhorté mercredi, avec beaucoup d'émotion, le Sénat à adopter la réforme électorale "de toute urgence" pour protéger les droits des minorités, lors d'une conférence de presse.
"C'est la chose la plus sacrée à laquelle je peux penser", a martelé mercredi l'élue noire Joyce Beatty, présidente de ce groupe parlementaire. "La plus fondamentale."