BRUXELLES : Propulsé par la flambée des prix de l'énergie, le taux d'inflation dans la zone euro a atteint en décembre son plus haut niveau en 25 ans, à 5% sur un an, mais un reflux est attendu cette année.
Jamais l'office européen des statistiques n'avait enregistré un tel chiffre depuis le début de ses estimations en janvier 1997 pour les 19 pays ayant adopté la monnaie unique. En novembre, l'inflation de la zone euro avait déjà battu un record, à 4,9%.
L'indicateur dépasse largement l'objectif de la Banque Centrale Européenne (BCE) d'une inflation à 2% dans la zone euro. Mais, pour l'institution monétaire, cette hausse reste transitoire et devrait diminuer en 2023, après un pic en 2022.
L'envolée, constatée depuis des mois, s'explique avant tout par la hausse exceptionnelle des tarifs du gaz et de l'électricité.
En décembre, l'augmentation annuelle des prix de l'énergie a atteint 26%, loin devant les autres composantes, a indiqué Eurostat. Les tarifs de l'alimentation, alcool et tabac ont tout de même progressé de 3,2%, devant ceux des biens industriels (2,9%) et des services (2,4%).
Avant Noël, la BCE avait nettement relevé ses prévisions d'inflation en zone euro, invoquant les prix de l'énergie, mais aussi les difficultés d'approvisionnement dans l'industrie qui perturbent la production alors que la demande des consommateurs est particulièrement forte.
La BCE prévoit désormais une hausse des prix de 3,2% en 2022, contre 1,7%. Elle anticipe seulement un retour sous le seuil de 2%, son objectif à moyen terme, en 2023, un horizon qui n'a cessé de s'éloigner ces derniers mois.
La présidente de l'institution, Christine Lagarde, a jugé "très improbable" un relèvement en 2022 de ses taux directeurs, actuellement à leur plus bas historique.
Incertitude Omicron
La flambée de contaminations à la Covid-19, provoquée par le nouveau variant Omicron, crée une incertitude supplémentaire pour l'économie européenne et mondiale.
"Après avoir atteint 5,0% en décembre, l'inflation en zone euro devrait baisser cette année en raison de la chute de la composante énergétique", prévoit Jack Allen-Reynolds, analyste pour Capital Economics.
"Encore un chiffre historique, mais il faut s'attendre à voir baisser les taux d'inflation à partir de maintenant, car la hausse de l'énergie va se calmer", a commenté Bert Colijn, économiste pour la banque ING.
La hausse des prix suscite l'inquiétude des ménages dont les revenus n'augmentent pas au même rythme.
L'angoisse est particulièrement palpable en Allemagne, première économie européenne, où la hausse des prix, au plus haut depuis 1992, a réveillé de vieilles peurs, et s'affiche à la Une des journaux : "quelle sera la valeur de mon argent à l'avenir ?", "La vague arrive pour les consommateurs"...
Parmi les grands pays de la zone euro, l'Allemagne (5,7%) ainsi que l'Espagne (6,7%) ont connu la plus forte inflation le mois dernier, dépassant la moyenne européenne. À l'inverse, les prix sont restés relativement sages en Italie (4,2%) et surtout en France (3,4%), selon les données européennes harmonisées calculées par Eurostat.
L'inflation a été particulièrement élevée dans les pays baltes, le plus haut niveau pour la zone euro étant enregistré par l'Estonie (12%), devant la Lituanie (10,7%), tandis que les hausses des prix les plus faibles ont concerné Malte (2,6%) et la Finlande (3,2%).
Mais la situation est encore plus tendue aux Etats-Unis. Les prix à la consommation y ont augmenté de 6,8% en novembre, un rythme inédit depuis juin 1982, soit près de 40 ans. Une bien mauvaise nouvelle pour le président Joe Biden, qui a promis d'inverser la tendance mais peine à faire adopter son plan de dépenses sociales et environnementales.
Les responsables de la banque centrale américaine (Fed) estiment qu'il pourrait être justifié de relever les taux d'intérêt plus tôt que prévu, surtout si Omicron renforce encore la hausse des prix, selon le compte-rendu de la dernière réunion monétaire, publié mercredi.
Comme la BCE, la Fed a relevé ses projections d'inflation. Elle a cependant retiré de son communiqué officiel l'adjectif "transitoire", utilisé depuis le début de la crise pour qualifier la hausse des prix.