LONDRES : Trois hommes et une femme qui avaient participé au déboulonnage spectaculaire de la statue du marchand d'esclaves Edward Colston au Royaume-Uni lors d'une manifestation du mouvement Black Lives Matter en 2020 ont été relaxés mercredi par la justice britannique.
Le 7 juin 2020, cette statue qui faisait controverse depuis des années à Bristol, dans l'ouest de l'Angleterre, avait été renversée par la foule puis jetée dans les eaux de l'Avon, fleuve qui traverse la ville, lors de manifestations provoquées par le décès fin mai de George Floyd, un Américain noir tué par un policier blanc aux États-Unis.
Poursuivis pour dégradations, les quatre prévenus âgés de 22 à 33 ans (bien 22 à 33) avaient reconnu leur participation aux faits mais avaient contesté le caractère délictuel de leurs actes, plaidant non-coupable dans cette affaire lourde de symboles. Le jury populaire leur a donné gain de cause.
La décision a été accueillie par les cris de joie des proches des prévenus, à l'issue d'un peu plus de deux semaines d'audiences à Bristol.
A la sortie de la salle, la prévenue Rhian Graham a remercié tous ceux qui avaient manifesté "au nom de l'égalité" le jour du déboulonnage. "Il y a bien une chose que nous savons, c'est que Colston ne nous représente pas", a-t-elle dit, se déclarant "ravie" après la décision.
Banksy à la rescousse
Les quatre prévenus sont apparus portant un T-shirt créé par l'artiste de rue Banksy, originaire de la ville, pour les soutenir.
Les dégâts avaient été évalués au total à 4 000 livres sterling (près de 4 700 euros).
"La vérité est que les prévenus n'auraient jamais dû être poursuivis", a réagi Raj Chada, avocat du prévenu Jake Skuse, jugeant "honteux" que la municipalité "n'ait pas retiré la statue de l'esclavagiste Edward Colston qui a tant heurté les habitants de Bristol, et tout aussi honteux qu'ils aient ensuite soutenu les poursuites".
Pour Blinne Ni Ghralaigh, avocate du prévenu Rhian Graham, cette décision démontre l'importance des jurés populaires, qui "représentent le sens collectif de la justice de la population".
Ici, "ils ont conclu qu'une condamnation pour la suppression de cette statue - qui glorifiait un marchand d'esclaves impliqué dans l'esclavage de plus de 84 000 hommes, femmes et enfants noirs, comme un homme +des plus vertueux et plus sages+ - ne serait pas proportionné", a-t-elle ajouté.
Sur Twitter, le mouvement "sauvez nos statues" a fustigé une décision qui "non seulement donne un feu vert au vandalisme politique, mais légitime également la politique identitaire de division qu'il a contribué à alimenter".
Le britannique Edward Colston s'était enrichi dans le commerce des esclaves. Il aurait vendu 100 000 esclaves d'Afrique de l'Ouest dans les Caraïbes et aux Amériques entre 1672 et 1689, avant d'utiliser sa fortune pour financer le développement de Bristol, ce qui lui a longtemps valu une réputation de philanthrope.
Introspection
Au Royaume-Uni, l'onde de choc du mouvement Black Lives Matter au printemps 2020 a provoqué une introspection autour du passé colonial du pays et de sa représentation dans l'espace public.
Un monument rendant hommage à Winston Churchill avait été tagué de l'inscription "raciste", ce qui avait suscité de vives réactions.
Plusieurs organisations britanniques de premier plan, comme la Banque d'Angleterre ou la Lloyds, qui assurait les navires esclavagistes, ont présenté leurs excuses.
Après avoir dans un premier temps décidé de retirer deux statues, la City de Londres a finalement décidé de les maintenir en les contextualisant.
A Bristol, deux écoles et une salle de spectacle qui portaient le nom de Colston ont été rebaptisées.
Quant à la statue, elle avait été repêchée par les autorités locales.
Un an après son déboulonnage, elle avait été au centre d'une exposition temporaire consacrée à la naissance du mouvement Black Lives Matter au Royaume-Uni.