PARIS: Ali Khasraji, Hossein Silawi et Jasem Heidary ont été exécutés dans le plus grand secret le 28 février 2021. Dans la prison de Sepidar située dans la ville d'Ahwaz en Iran, ces trois prisonniers arabes condamnés à mort s’étaient cousu les lèvres le 23 janvier 2021, entamant une grève de la faim pour dénoncer les mauvaises conditions de détention et la menace d'exécution qui les guettait.
Accusés d'être impliqués dans une attaque contre un poste de police d'Ahwaz en mai 2017, ils avaient fait des «aveux» sous la torture, selon des groupes de défense des droits de l'homme. Le sort de ces trois hommes ne fait que rappeler la réalité des persécutions systématiques infligées aux Arabes ahwazis en Iran depuis un siècle.
Les Ahwazis constituent une minorité ethnique peu reconnue et victime de persécutions démesurées: arrestations arbitraires, disparitions forcées, exécutions sommaires. Estimée à huit ou neuf millions de personnes, cette minorité est issue des premiers Arabes à avoir vécu dans la région connue pendant des siècles sous le nom de «l’émirat d'Arabistan», qui fait partie de l'Iran actuel. Le territoire correspond aujourd'hui à la province du Khouzistan en Iran et il englobe également des parties des provinces d'Élam, de Bouchehr et d'Hormozgan.
Ahwaz est l'appellation que donnent les Arabes ahwazis à leur État oublié, qui s'étendait sur la rive du Chatt el-Arab du côté iranien et le long de la côte est du Golfe. Au XIXe siècle, l'Empire ottoman a cédé l'Arabistan à la Perse en vertu d'un accord politique portant sur les frontières; néanmoins, l'émirat a conservé son autonomie.
Vient ensuite le jour où l'on a découvert du pétrole dans la région. Le 26 mai 1908, l’horloge sonne quatre heures du matin lorsqu’une odeur accablante de soufre réveille George Reynolds dans son camp de Masjed-e Soleiman, situé au pied des monts Zagros. L’ingénieur et géologue britannique, qui travaille pour le compte d'un syndicat londonien, sait exactement ce que signifie cette odeur. Au bout de six années interminables et frustrantes passées à sonder en vain le nord-ouest de la Perse, il vient de trouver du pétrole.
Cette bénédiction pour les Arabes de l'ouest du Golfe devint une malédiction pour les habitants de l'autre rive. En effet, en 1925, l'Arabistan tombe sous le joug de l'Iran central en raison des importantes ressources qui y ont été découvertes.
L'Iran s'efforce depuis d'éradiquer la culture ahwazie: la monarchie puis la Révolution qui lui a succédé en 1979 ont banni l'usage de la langue arabe dans les écoles, dépouillé la région des richesses naturelles dont elle est dotée et procédé à une «persanisation» de la population.
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