LE CAP : C'est une messe dont Desmond Tutu a réglé le moindre détail: ses obsèques samedi dans la cathédrale anglicane du Cap, dont il a été longtemps l'archevêque vent debout contre l'apartheid, sont la dernière occasion pour le pays de saluer cette figure majeure de son histoire.
Le président Cyril Ramaphosa dira l'éloge funèbre, après la communion. Il devait remettre à la veuve de Tutu, "Mama Leah" comme l’appellent les Sud-Africains avec tendresse, un drapeau sud-africain, seul hommage militaire autorisé ici. Car "The Arch" avait tout prévu et voulait une cérémonie simple, épurée.
Le cercueil dans lequel il a reposé les deux jours précédents dans la cathédrale Saint-Georges, pour que des milliers de personnes viennent l'honorer et se souvenir de ce pour quoi ils lui sont reconnaissants, est en pin clair. Il avait demandé "le moins cher possible", dans un pays où les obsèques sont souvent l'occasion de montrer qu'on a dépensé sans compter pour le défunt.
Ici pas de poignées en or, de simples bouts de corde pour pouvoir le transporter, évoquant la ceinture sobre des frères franciscains. Dessus, un bouquet d’œillets blancs. Mgr Tutu ne voulait pas d'autre fleur dans l'église. Que ceux qui veulent en offrir fassent plutôt un don à sa fondation.
Cette messe "de requiem" est prévue à 10H (08H00 GMT).
Un ami de longue date de Mgr Tutu, l'ancien évêque Michael Nuttall, a été choisi par le défunt pour la dire et faire le sermon. Quand Tutu était archevêque, Nuttall, qui a écrit un livre intitulé "Numéro deux de Tutu" sur leur amitié, était son doyen.
"Ils avaient un lien très étroit. Dans les années 1980, qu'un homme noir et un homme blanc partagent une intention de collaboration aimante était en soi un témoignage remarquable", a commenté le doyen de la cathédrale, Michael Weeder.
Intouchable
La cérémonie réunira amis et famille, prêtres et quelques invités de marque comme l'ancienne présidente d'Irlande Mary Robinson, qui doit participer à la lecture de la prière universelle, et Letsie III, le roi du Lesotho voisin.
La semaine a été émaillée par des hommages à Mgr Tutu dans tout le pays et au-delà. Les Sud-Africains se sont souvenus de sa ténacité et de ses qualités quasi-miraculeuses contre le régime oppresseur de Pretoria.
A Soweto, où il a prêché longtemps, il dénonce la violence contre les lycéens lors des émeutes de juin 1976, réprimées dans le sang. Peu à peu, il devient la voix de Nelson Mandela, enfermé sur Robben Island. La police et l'armée le menacent. Seule sa robe lui évite alors la prison.
"On se levait le matin et si on voyait les camions militaires, alors on savait qu'il célèbrerait la messe", a raconté à l'AFP Mathabo Dlwathi, 47 ans. "Ils voulaient sa mort, mais pour une raison qu'on ne s'explique pas, ce n'est jamais arrivé. Il entrait dans l'église, disait la messe et sortait".
Un cadre de l'ANC, parti historique toujours au pouvoir, s'est souvenu aussi que gamin, lors des manifestations, "si l'archevêque Tutu était présent, jamais la police ou l'armée ne nous tiraient dessus. Pourquoi? On ne sait pas vraiment. Mais il nous servait de bouclier", a twitté Panyaza Lesufi.
La veuve de Mandela, Graça Machel, a évoqué le "courage indescriptible" qu'il fallait alors pour s'opposer au régime. "Il se tenait résolu et sans peur, à l'avant des manifestations, sa robe cléricale flottant au vent, sa croix comme bouclier", a-t-elle décrit.
Pour ses obsèques, le berger Tutu a choisi, dans son dernier message aux hommes, le passage de l'Evangile selon St-Jean où Jésus s'adresse à ses disciples après leur dernier repas. Un message d'amour. "Mon commandement, le voici: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés".