BUENOS AIRES : L’essayiste et romancière américaine Joan Didion est morte ce jeudi 23 décembre à l’âge de 87 ans des suites de complications dues à la maladie de Parkinson, à New York. Didion a marqué le domaine du journalisme en tant que chef de file du «journalisme littéraire» ou encore de «littérature du réel». Elle est notamment l’auteure de "The White Album" et "The Year of Magical Thought" pour lequel elle reçoit, en 2005, le National Book Award.
C’est la Penguin Random House, la maison d’édition de Joan Didion qui a annoncé jeudi le décès de l’écrivaine, lui rendant hommage dans un communiqué. “Didion était l'une des écrivaines et observatrices les plus avisés du pays. Ses œuvres de fiction, ses réflexions et ses essais les plus vendus ont reçu de nombreux honneurs et sont considérés comme des classiques modernes » a indiqué l’éditeur.
Parmi ses œuvres les plus acclamées, on retiendra « l’Année de la pensée magique». Publié en 2005, ce livre est une analyse personnelle du sentiment et du processus de deuil auquel elle a été confrontée à cette période. En effet, l’essayiste a perdu deux membres de sa famille en moins de deux ans ; son mari, l'écrivain John Gregory et sa fille adoptive Quintana Roo à l’âge de 39 ans. La particularité de cette œuvre réside dans l’honnêteté, le recul et le détachement quasi clinique que maîtrise Didion quand dans son analyse des événements personnels terribles qui ont ébranlé son existence.
Née en 1934 à Sacramento en Californie, Didion est fascinée par les livres dès son plus jeune âge. Sa mère l'encourage à écrire, comme moyen de passer le temps, et elle est particulièrement impressionnée par la prose d'Ernest Hemingway, dont le style concis influencera le sien.
« Quand les temps sont difficiles, m’avait-on enseigné depuis toute petite, lis, apprends, révise, va aux textes. Savoir, c’est contrôler. »
Joan Didion
A la fois timide et ambitieuse, encline à la solitude, mais aussi déterminée à s'exprimer par l'écriture et la prise de parole en public, elle est diplômée de l'Université de Californie à Berkeley en 1956 et déménage à New York pour travailler chez Vogue après avoir remporté un concours d'écriture parrainé par un magazine.
Un nouveau journalisme
C’est dans les années 60 que Didion a su se faire une place de choix dans le monde du “nouveau journalisme”, en apportant le style littéraire au reportage.
En apparence de stature frêle et fragile , cette grande dame cachait derrière de grandes lunettes de vue et un caractère doux un sens de l’observation acéré. Elle a confié un jour que son physique et sa personnalité discrète ont joué en sa faveur dans sa carrière dans la mesure où les gens ont tendance à oublier que sa présence allait “à l'encontre de leurs intérêts”.
Décorée de la médaille nationale des Sciences humaines en 2012, elle est félicitée pour avoir consacré "sa vie à remarquer les choses que les autres ont du mal à ne pas voir". Un an plus tard, elle se voit remettre par le président Barack Obama, la consécration ultime: la Médaille nationale des Arts.
Tout au long de sa carrière animée , Joan Didion a su disséquer impitoyablement des faits de politique et de culture, des mouvements hippies aux campagnes présidentielles. Cette figure du journalisme et de la littérature a également brillé par son engagement. Dans son essai intitulé «L'Amérique, 1965-1990 : Chroniques», Didion relate des faits de cette période et revient notamment sur l’été 1989 où cinq adolescents noirs et latinos ont été accusés et condamnés à tort pour le viol collectif d’une joggeuse blanche à Central Park. Bien avant que la série Netflix mette en avant l’horreur du traitement subi par ces adolescents par la police américaine pour les forcer à admettre un crime qu’ils n’ont pas commis, Joan Didion dénonçait le racisme et l’injustice du système américain.