RANGOUN : Un glissement de terrain dans une mine de jade illégale du nord de la Birmanie a fait au moins quatre morts, selon un nouveau bilan jeudi soir, les sauveteurs craignant qu'il n'y ait aucun survivant parmi les dizaines de personnes portées disparues.
Des dizaines de personnes meurent chaque année en travaillant dans le commerce lucratif et mal réglementé du jade, où des travailleurs mal payés, venus d'autres régions de Birmanie, extraient des pierres très convoitées en Chine.
Après une première victime retrouvée mercredi, trois autres corps ont été repêchés jeudi dans un lac en contrebas d'une colline qui s'est effondrée à Hpakant, près de la frontière chinoise, haut lieu de l'extraction du jade, une industrie opaque, peu réglementée et dangereuse.
Deux des hommes retrouvés morts jeudi venaient de Yinmar Pin, dans le centre du pays, à des centaines de kilomètres de là. Le troisième était originaire de l'Etat Rakhine, dans le sud-ouest de la Birmanie.
Les secouristes qui fouillent le lac et les décombres à la recherche de survivants ont d'abord déclaré qu'au moins 70 personnes étaient portées disparues, sans pouvoir confirmer ce chiffre.
A la nuit tombante, faute de visibilité, ils ont dû interrompre leurs recherches ralenties au départ par les pluies et le brouillard, a déclaré à l'AFP Ko Jack, de l'Organisation des secours birmans.
30 milliards de dollars par an
Ils ont prévu de revenir vendredi pour une troisième et dernière journée de recherches, après quoi ils ne reviendront que pour repêcher des corps "s'ils apparaissent dans l'eau", a expliqué Ko Jack.
"Si les cadavres ne flottent pas aujourd'hui, ils apparaîtront les jours suivants, c'est la nature", a souligné Ko Nyi, un autre sauveteur.
Selon un activiste local, des centaines de travailleurs sont retournés à Hpakant pendant la saison des pluies pour prospecter dans les mines à ciel ouvert, malgré l'interdiction imposée jusqu'en mars 2022 par la junte au pouvoir.
La pression accrue exercée par le poids de la terre et des rochers déversés a entraîné le bas de la colline vers le lac voisin, a expliqué un sauveteur à l'AFP.
En 2020, de fortes pluies de mousson avaient provoqué le pire drame de cette nature, avec 300 mineurs ensevelis après un glissement de terrain dans le même massif de Hpakant.
Le jade et d'autres ressources naturelles abondantes dans le nord de la Birmanie, notamment le bois, l'or et l'ambre, ont contribué à financer les deux camps d'une guerre civile qui dure depuis des décennies entre les insurgés de l'ethnie Kachin et les militaires.
Le commerce du jade génère plus de 30 milliards de dollars par an, près de la moitié du Produit intérieur brut de la Birmanie.
«Les mineurs paient le prix ultime»
Une très faible partie de cette manne financière finit dans les caisses de l'Etat birman, la plupart du jade de qualité étant passé en contrebande en Chine où la demande pour cette pierre, censée symboliser la prospérité, semble insatiable.
Ce commerce draine en revanche des fortunes pour les militaires qui contrôlent l'accès à la région de Hpakant depuis le début des années 1990 et détiennent de nombreuses concessions minières.
Autre acteur incontournable: l'Armée de l'indépendance Kachin (KIA), une faction rebelle en lutte depuis des décennies avec les militaires pour le contrôle des mines et des revenus qu'elles génèrent.
Le coup d'Etat de février dernier a anéanti toute chance d'aboutir à une réforme du secteur entamée sous le gouvernement d'Aung San Suu Kyi, a jugé l'organisme de surveillance Global Witness dans un rapport paru en 2021.
"La catastrophe d'aujourd'hui est un rappel obsédant que les vies passent trop souvent après le profit dans les mines de jade de Hpakant", a déclaré à l'AFP Hanna Hindstrom, chargée de campagne en Birmanie.
"Une fois de plus, les mineurs paient le prix ultime."
Mercredi, un marché aux pierres de jade organisé par la junte pendant cinq jours "a été un succès", selon le journal official Global new light of Myanmar, qui affirme que toutes les pierres mises en vente ont trouvé preneurs dans le pays ou à l'étranger.