KABOUL : Les visiteurs sont de retour au musée national d'Afghanistan pour admirer ses milliers de pièces, la plupart issues de l'époque préislamique. Un contraste saisissant avec le premier règne des talibans, qui avaient saccagé et pillé l'institution.
Dans les vastes allées de ce lieu historique, longtemps considéré comme l'un des plus importants sites culturels d'Asie, des petits groupes s'émerveillent devant les trésors: des poteries peintes de l'âge de pierre, des pièces antiques ou encore des objets religieux.
"C'est inné chez les humains d'attacher de la valeur à leur histoire", explique Ramatullah, 65 ans, après avoir passé de longues minutes à observer une collection d'épées vieilles de 2 000 ans.
"J'ai voulu en savoir plus sur l'histoire de mon pays", poursuit l'homme. "Elle occupe une place particulière dans mon cœur".
Situé au sud de Kaboul, le musée a rouvert début décembre avec l'autorisation du ministère taliban de l'Information et de la Culture, trois mois après le retour au pouvoir des combattants islamistes.
De nombreux objets exposés contreviennent pourtant à l'idéologie des talibans. Durant leur premier règne (1996-2001), ils avaient détruit plusieurs statues du musée, dans la lignée de la destruction à l'explosif des Bouddhas géants de Bamiyan qui avait choqué la planète. Des milliers de pièces avaient en outre été pillées et jamais retrouvées.
Désormais, les talibans eux-mêmes protègent l'entrée du musée d'une éventuelle attaque de l'EI-K, la branche afghane de l'organisation Etat islamique.
Seulement "quinze à vingt pour cent des objets exposés sont de l'ère islamique", selon le conservateur du musée, Ainuddin Sadaqat, qui ajoute que "nous travaillons normalement, comme sous le gouvernement précédent".
Les talibans "n'ont émis aucune nouvelle directive pour nous" et visitent aussi l'exposition, assure le jeune responsable de 35 ans.
«Rempli d'espoir»
Zohal, 24 ans, est venue découvrir la collection de bijoux des XVIIIe et XIXe siècles, pour voir "à quoi ils ressemblaient dans le passé". "Je voulais voir la différence entre les bijoux du passé et ceux que nous avons maintenant", ajoute la jeune femme venue avec ses cousins et ses jeunes frères et soeurs.
Certes, le nombre de visiteurs est largement inférieur aux centaines de personnes qui venaient chaque jour sous le régime précédent.
Mais "pour le moment, la politique culturelle des talibans à l'égard des objets d'art semble très positive et réaliste", veut croire Philippe Marquis, directeur de la Délégation archéologique française en Afghanistan (Dafa), actuellement en France.
Selon lui, la continuité de cette politique "dépendra probablement de la réaction de la communauté internationale" aux demandes talibanes de rétablir l'aide suspendue. Un refus, craint-il, risquerait d'entraîner un recul, tant sur la culture que dans d'autres domaines.
Une autre institution majeure, l'Institut national de musique d'Afghanistan, est, elle, toujours fermée. Son directeur a fui le pays avec des centaines d'employés, d'étudiants et leurs familles.
Dans les couloirs du musée, Khudaidad Sarwari, 28 ans, originaire de la province de Helmand (sud-ouest), s'est "senti rempli d'espoir" après avoir appris la réouverture à la télévision.
"J'ai senti que nous avions eu la paix à un moment donné", sourit le jeune homme venu avec des amis. "J'ai fini par comprendre que nous n'avons pas toujours été en guerre".